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CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES
Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés
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Toulouse, le 31 mars 1981 N° 091 CT/GEPAN
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NOTE TECHNIQUE N° 6
Enquête GEPAN n° 79/07
"A propos d'une disparition"
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1ère PARTIE
Compte rendu de l'enquête GEPAN n° 79/07
A. ESTERLE - M. JIMENEZ - JP. ROSPARS - P. TEYSSANDIER
2ème PARTIE
Complément d'informations à l'enquête GEPAN n° 79/07
A. ESTERLE
3ème PARTIE
Fabulation, délire et thèmes ufologiques
D. AUDRERIE
EPILOGUE
COMPTE RENDU DE L'ENQUÊTE GEPAN N° 79/07
A. ESTERLE - M. JIMENEZ - JP. ROSPARS - P. TEYSSANDIER
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIERS ÉLÉMENTS D'ENQUÊTE
- 2.1. LE LUNDI 26 NOVEMBRE 79
- 2.2. LE LUNDI 3 DÉCEMBRE 79
- 2.3. LE MARDI 4 DÉCEMBRE 79
- 2.4. LE MERCREDI 5 DÉCEMBRE 79
COMPLÉMENTS D'ENQUETE
- 3.1. RECHERCHE D'AUTRES TÉMOIGNAGES
- 3.1.1. Témoignage de Rémi
- 3.1.2. Témoignage de Lisette
- 3.1.3. Recherche de l'auteur d'un coup de téléphone
- 3.2. RECHERCHE DES INDICES PHYSIQUES
- 3.2.1. Enquête auprès de la station EDF
- 3.2.2. Données météorologiques
- 3.2.3. Passages d'avions
- 3.2.4. Analyses médicales
- 3.3. ÉLÉMENTS D'ANALYSE SUR LES DISCOURS ET LE
COMPORTEMENT DES TÉMOINS
- 3.3.1. Quelques traits de comportement et du discours
- 3.3.2. Une certaine image des témoins
CONCLUSION
L'enquête écourtée auprès des témoins nous avait permis de soulever un
certain nombre de problèmes qu'il nous restait à analyser. Ceux-ci étaient
principalement au nombre de trois :
Recherche d'autres témoignages.
En effet en L1 habitent beaucoup de personnes et, si l'heure matinale ( 4
à 5 h du matin ) est peu propice à la promenade, on peut penser que
d'autres personnes indépendamment des trois témoins connus, avaient
pu être présentes sur les lieux. En particulier le coup de téléphone reçu
à RTL et annonçant le retour de Nestor semblait venir d'un nouveau
témoin. De plus, Albert déclarait lui-même avoir téléphoné à RTL. Ceci
demandait une enquête auprès de la station radiophonique.
Recherche d'indices physiques.
Quelques prélèvements avaient pu être effectués sur la personne de
Nestor, d'autres devaient venir. Si aucun indice physique sur la voiture
ou aux alentours n'avait été décelé par les services de Gendarmerie des
groupes privés s'étaient eux aussi employés à en rechercher. Nous nous
devions en outre d'examiner avec attention les conditions
météorologiques, les passages d'avions aux heures considérées ( V1 est
à proximité d'un grand aéroport international ), la possibilité d'indices au
niveau de la station EDF, etc...
Réflexion et analyse des discours des témoins et leur comportement.
Les épisodes relatés jusqu'ici montrent clairement que les témoins, avec
l'accent de la sincérité la plus profonde et l'apparence de la bonne foi la
plus authentique, étaient capables de distordre complètement certains
faits vécus. Une analyse fine de ces discours s'imposait donc car, si on
pouvait se demander si ces incidents n'étaient pas dus à l'émotion de
l'instant, on pouvait aussi se poser la question de savoir s'il n'y avait pas
là une attitude générale, un trait de personnalité.
Dans ce qui suit nous rendons compte des éléments essentiels recueillis au
cours de ces enquêtes complémentaires. Nous ne fournissons pas tous les
éléments qui nous furent spontanément rapportés par des personnes privées
qui continuaient à enquêter de leur côté. La masse en est trop abondante et
l'intérêt variable. De plus, nous ne saurions en garantir l'objectivité. Ces
éléments ne seront cités qu'occasionnellement.
3.1. RECHERCHE D'AUTRES TÉMOIGNAGES
3.1.1. Témoignage de Rémi
Le GEPAN a pu trouver une personne qui le matin du 26 novembre est
passée en L1 vers l'heure de la disparition de Nestor. Cet homme que nous
appellerons Rémi a en fait observé peu de choses et c'est sans doute pour
cela que son témoignage est passé inaperçu aux personnes qui enquêtaient.
Le 27 novembre, un journaliste s'enquit en L1 auprès d'un groupe de
personnes si l'une d'entre elles était sur les lieux à 4 h 00 du matin la veille.
Apprenant que Rémi y était, il demanda : "qu'est-ce que vous avez vu ?" ;
"Rien". Le reporter n'alla pas plus loin. Pourtant, le témoignage de Rémi ne
manque pas d'intérêt.
Rémi habite en V5, ville de province située à 330 km de V1. A l'époque des
faits, il travaillait sur un chantier à V3 et logeait en V1 dans le même bâtiment
qu'Ernest et Albert. Après le week-end passé en famille, il revenait en voiture
dans la nuit du dimanche au lundi et arrivait généralement vers 4 h 00 – 4 h 30.
Le dimanche 25 novembre* il regarde le dernier film à la télévision
( cinéma de minuit sur la 3ème chaîne ). Le programme indique 23 h 55 pour la
fin du film. En fait, renseignement pris auprès de la station, ce soir-là, le film
s'arrête à 00 h 22 ( mire à 00 h 22 mn 40 s ).
A la fin du programme, Rémi
prépare ses affaires et dit au revoir à sa femme. Il part donc vers 00 h 35 ou
00 h 40. Le trajet en voiture par les routes nationales jusqu'en V1, dure selon
lui environ 3 h 30. Le même trajet effectué dans des conditions analogues en
roulant à 100-105 km/h a été effectué par nous en 3 h 45. On peut donc
considérer que Rémi s'est présenté en L1, le 26 novembre, vers 4 h 25 mn
avec une incertitude irréductible d'une dizaine de minutes.
(*) Signalons immédiatement que la semaine suivante, Rémi sera en congé maladie et
restera chez lui, en V5, à 330 km de V1.
Selon son témoignage, il s'est alors garé à l'entrée du 1er parking ( voir plan
n° 5 ). Il prend sa mallette dans son coffre arrière. En le fermant, il aperçoit
( sans y prendre garde particulièrement ) une voiture garée plus bas ( sur le 2ème
parking ) devant l'entrée de l'immeuble où il se rend. Il voit deux personnes
monter à bord, aux places avant ( il est très affirmatif sur ce point ). Il se dit :
"Eh, bien ils embauchent tôt ceux-là". Il marche sur le premier parking puis
descend sur le second. Pendant ce temps, la voiture s'est mise en
mouvement et passe sur le deuxième parking en contrebas. C'est une grosse
voiture, un break, précise-t-il mais il est incapable d'en dire la marque ni la
couleur. Il continue sa marche et pénètre dans le bâtiment par l'entrée Sud. Il
monte dans sa chambre, se couche et s'endort. Il n'avait bien sûr prêté
aucune attention particulière à la voiture ou aux passagers. Il apprendra le
lendemain, la disparition de Nestor au même endroit, à la même heure, avec
une voiture semblable.
Mais Rémi est formel. En arrivant par la chaussée A1 ( sens est-ouest ) il n'a vu
aucun phénomène lumineux particulier ( seulement les éclairages municipaux )
et la voiture break qui est passée devant lui contenait deux personnes.
Nestor, Ernest et Albert n'ont jamais fait état de l'arrivée ou du départ d'une
voiture le 26 novembre au matin alors qu'ils chargeaient leur break puis lors
des événements ultérieurs. Ceci n'est pas contradictoire avec les déclarations
de Rémi. En effet, les reconstitutions faites sur place ont montré qu'une
voiture arrivant sur le 1er parking et se garant à moins d'une quinzaine de
mètres de l'entrée, reste constamment hors de la vue de personnes situées à
l'entrée de l'immeuble. De même, la lueur des phares reste à peine
perceptible en raison des différents dénivelés, de la présence des voitures
déjà garées et de la distance. Enfin, le bruit de cette voiture venant se garer
pouvait très bien rester couvert par celui du break Taunus, pendant que
Nestor gardait le pied sur l'accélérateur en raison de l'absence de ralenti. Par
la suite, la médiocrité de l'éclairage des parkings ( seules les entrées des
immeubles sont bien éclairées ) fait que Rémi a parfaitement pu ne pas être vu
par les occupants du véhicule break alors qu'il marchait entre les voitures
garées.
Il n'en reste pas moins que la brève séquence d'actions observées et décrites
par Rémi est fondamentalement incompatible avec le scénario proposé par
Nestor, Ernest et Albert.
3.1.2. Témoignage de Lisette
Lisette a 14 ans et habite près de L1, dans un immeuble qui fait face à
l'embranchement des 1er et 2ème parkings avec la chaussée A1. Depuis la
fenêtre de sa chambre à coucher, la vue est limitée à droite par un autre
immeuble ( voir plan n° 6 ). A gauche, on aperçoit la station électrique mais
l'immeuble d'Ernest n'est pas visible ( voir croquis 2 ). En face, se trouvent la
sortie des parkings, la chaussée A1 puis les champs cultivés. Là, le terrain est
parsemé de nombreux pylônes et l'horizon est encombré de lignes électriques
qui, d'est en ouest, relient les pylônes à la station EDF dont on aperçoit l'usine
à l'horizon, à gauche ( voir plan n° 6 ).
Lisette est couramment sujette à des insomnies. Le soir du 25 au 26
novembre, elle fait ses devoirs et écrit des lettres jusqu'à 2 h du matin, puis se
couche mais ne peut trouver le sommeil. Elle se relève vers 4 h pour aller aux
toilettes ; en revenant dans sa chambre, son attention est attirée sur le seuil
par des lueurs dans le ciel ( voir croquis n° 1 et 2 ). Il n'y a pas de volets et les
rideaux étaient à moitié tirés. Elle va à la fenêtre, s'y accoude et reste de
10 mn à un quart d'heure à contempler, sans émotion particulière, un
spectacle lumineux qui se déroule au niveau des câbles électriques et des
pylônes.
"C'était bleu orange., rouge. C'était très brillant-, très phosphorescent. J'ai vu
distinctement les couleurs très vives... c'était circulaire. de n'ai vu que des
cercles de plusieurs couleurs". Le phénomène était constitué de bandes
lumineuses, en arcs de cercles superposés et tous de la même largeur. Les
deux arcs supérieurs étaient bleus et oranges de même que les deux bandes
inférieures, le bleu vers l'extérieur, l'orange vers l'intérieur. Pour les bandes
centrales, les souvenirs sont moins précis, du rouge peut-être. Cette forme
lumineuse a une taille apparente variable n'excédant pas celle des pylônes à
leur sommet.
"Ça se déplaçait lentement et en zig-zag, de droite à gauche, de nombreuses
fois". Plus précisément, la forme stationna en 5 positions successives,
pendant 1 à 2 mn à chaque fois, toutes ces positions se trouvant sensiblement
à la même hauteur dans le ciel, au niveau des câbles électriques. Les
déplacements d'une des positions à une autre étaient rectilignes et à des
vitesses analogues à celle des voitures qui passent habituellement sur
l'autoroute ( entre 60 à 100 km/h ) ( croquis n° 2 ).
Le phénomène lumineux était stationnaire à la cinquième position quand
Lisette est allée se coucher. Elle estime qu'il était 4 h 25 ou 4 h 30. Elle ne
s'est pas endormie tout de suite. Cinq minutes environ après s'être couchée,
elle a vu de la lumière bleue sur le côté de la fenêtre pendant à peu près 2 mn.
Puis cette lumière a disparu et Lisette s'est endormie.
Pour Lisette, ce phénomène est resté parfaitement silencieux ( alors que la
fenêtre laisse aisément passer le bruit ) et elle n'a entendu aucun bruit de voix,
ni vu passer aucune voiture sur le parking ou sur la route A1.
Le lendemain matin, elle en a parlé à ses parents et n'a appris
qu'ultérieurement la disparition de Nestor ( ce point est confirme par ses
parents ). Elle en a aussi parle au collège pendant le cours de français.
Finalement, elle pense que son observation a été un peu antérieure à la
disparition de Nestor. Il est d'ailleurs remarquable qu'interrogée une deuxième
fois, Lisette situera le début de son observation à 3 h 30 ( Nous avons déjà vu
que l'heure donnée par Ernest, Nestor et Albert - 4 h 15 - est probablement
fausse ).
Le témoignage de Lisette suggère au moins un modèle physique éventuel :
celui d'un phénomène lumineux se déclenchant sur les câbles électriques. En
effet, la répartition des couleurs évoque beaucoup une décomposition
spectrale ( inversée ) de la lumière ( comme un arc-en-ciel ) symétriquement de
part de d'autre de l'axe central ( le violet et l'indigo sont plus sombres et peu
visibles ).
En d'autres termes, il pourrait s'agir d'un rayonnement le long des câbles avec
diffraction. Toutefois, ce type de phénomène, surtout sur une aussi longue
durée, ne figure pas parmi les incidents de fonctionnement "classiques" des
lignes à haute tension. De plus, comme nous le verrons plus loin aucun
incident n'a été enregistré à la station EDF cette nuit-là*.
(*) Rappelons, néanmoins, que le GEPAN a déjà constaté des phénomènes pouvant
s'apparenter à des incidents électriques + ou - connus ( enquête 79/03 ).



3.1.3. Recherche de l'auteur d'un coup de téléphone
Nous avons déjà évoqué cette question. Rappelons-en les éléments. Le lundi
3 décembre, la station RTL reçoit vers 6 h 40, un coup de téléphone anonyme
d'un homme qui dit avoir vu vers 4 h 00 du matin une silhouette ressemblant à
Nestor émerger d'une sphère lumineuse au milieu du champ de choux. C'est à
la suite de cet appel qu'un journaliste de RTL appelle la Gendarmerie de V1,
vers 6 h 50 pour avoir confirmation du retour de Nestor. La constatation sera
faite à 7 h 30 et la nouvelle annoncée par RTL au journal de 9 h 00.
Il était bien entendu capital de retrouver la personne ayant déclaré avoir vu
personnellement le retour de Nestor dans les champs. Quelques éléments
sont venus orienter cette recherche. Le mardi 4 décembre au soir, chez
Ernest, alors que nous évoquions ce coup de téléphone, Albert déclara
spontanément : "c'est moi qui ai téléphoné. Je voulais toucher la prime
d'Europe 1 mais je me suis trompé, j'ai appelé RTL". Ne connaissant pas, à ce
moment, le contenu exact du discours téléphonique, nous n'avons pas insisté.
Le lendemain matin eut lieu, toujours chez Ernest, la conférence de presse à
laquelle le GEPAN n'a pas assisté ( volontairement ) mais qui fut bien entendue
enregistrée et diffusée par de nombreux journalistes. Au cours de la
discussion un reporter de RTL évoque ce coup de téléphone. Albert intervient,
là aussi, pour dire que c'est lui qui a téléphoné. Il explique son action par l'idée
que si les journalistes et la Gendarmerie n'étaient pas rapidement prévenus
du retour de Nestor, on pourrait penser à une collusion ( ce matin-là, Albert ne
parle plus d'Europe 1 ). Albert déclare s'être nommé à la jeune femme à l'autre
bout du fil et avoir dit "Nestor est revenu, il faut prévenir la Gendarmerie".
La jeune femme a alors branché Albert sur le service de rédaction ou, dit-il, il a
répété son nom, son prénom et son message. Le reporter de RTL s'étonne de
la différence évidente entre les déclarations d'Albert et le message
effectivement reçu à RTL mais pour couper court à toute discussion, Albert
déclare avec force et par deux fois, avoir téléphoné au 720.22.11 ( ce qui est
bien un des numéros du standard de RTL ).
Il y avait donc là une contradiction qu 'il fallait éclaircir, d'autant plus que peu
de temps après les témoins expliquent ( et c'est encore leur version actuelle )
qu'ils ont vérifié qu'en fait deux coups de téléphone ont été donnés ce matin-là
à RTL ( ce qui bien sur résout la contradiction ).
Enquêtant auprès du personnel de RTL ( standard et rédaction ) nous
apprenons les faits suivants :
jusqu'à 6 h 30, il n'y a personne au standard et c'est le gardien de nuit
qui répond au téléphone. Albert n'a pas pu avoir une correspondante
féminine au 720.22.11 avant 6 h 30 ;
à partir de 6 h 30, la jeune femme qui travaille au standard a reçu un et
un seul appel téléphonique, anonyme et conforme à la version
présentée par les journalistes de RTL et transmise à la Gendarmerie ;
à la salle, de rédaction, il n'y a personne avant 6 h du matin. Par la suite,
un seul coup de téléphone concernant Nestor a été reçu ce matin-là.
Cet appel, transmis par le standard, eut lieu vers 6 h 40 et son auteur,
anonyme, expliquait qu'il avait vu arriver Nestor dans le champ de
choux ;
il n'y a aucun enregistrement des appels reçus de l'extérieur ;
il y a eu effectivement deux coups de téléphone à propos de Nestor, mais
l'autre appel ne fut pas donné le 3 décembre au matin. Il fut reçu le lundi 26
novembre vers 14 h et avait pour auteur Ernest qui annonça ainsi aux
journalistes la disparition de son ami Nestor. On se rappelle que ce jour-là
toutes les personnes liées de près ou de loin à la disparition de Nestor ont
déposé à la Gendarmerie le matin de 8 h à 12 h et l'après-midi à partir de
14 h 00. Ainsi, après le repas, et avant de retourner à la Gendarmerie, Ernest
alertait la presse. On comprend mieux pourquoi cette affaire fut si rapidement
et si passionnément couverte par les media.
Suite à cette enquête, il semble donc clairement établi que c'est bien Albert
qui appela RTL en essayant de faire croire qu'il avait lui même observé le
retour de Nestor dans le champ. Ce témoignage, dont Albert refuse la
paternité, sera ensuite utilisé abondamment comme "preuve" de la véracité de
l'ensemble de l'histoire.
3.2. ETUDE DES INDICES PHYSIQUES
Rappelons tout d'abord que les services de la Gendarmerie de V1 ont procédé
dès le 26 novembre à une recherche d'indices physiques sur les lieux et sur la
voiture ( radioactivité, rémanence magnétique, ... ). Aucune anomalie ne fut
décelée.
Le GEPAN a examiné de son côté les incidences possibles des événements
sur les installations EDF toutes proches et, avec les difficultés que nous avons
énoncées, les effets physiologiques éventuels sur la personne de Nestor.
Avant d'en exposer les résultats, citons brièvement deux éléments en liaison
avec la question des indices physiques :
Un groupement privé a effectué des mesures de résistivité du sol
sur le bas-côté droit de la chaussée A1, à proximité de l'endroit
présumé où s'était arrêtée la Ford Taunus le 26 novembre, au
matin. Ces mesures ont révélé une variation locale ( la résistance
passant de 13 à 130 Kilo-Ohm sur quelques mètres ) et ces mesures
furent abondamment présentées comme la preuve d'un
événement anormal. Cette interprétation est tout à fait fallacieuse
et ne montre que l'amateurisme de ses auteurs ; en raison d'une
part de l'incertitude ( voir plus haut ) sur la position exacte de la
voiture et d'autre part, de la très grande sensibilité de la résistance
électrique des sols à des facteurs multiples ( taux d'humidité,
présence éventuelle d'une pierre, changement de matériaux
- sable, argile -, etc... ). De telles mesures ne pouvaient avoir de
sens que si elles étaient accompagnées de multiples analyses du
sol en surface et en profondeur qui bien sûr ne furent pas faites.
Quelques mois après les événements dont nous parlons ( à partir
du mois de février ) plusieurs personnes ont noté dans le champ
proche de la chaussée A1, le pourrissement des premières
rangées de choux alors que les rangées plus éloignées de la route
restaient magnifiques. Là encore, l'émotion fut vive et l'argument
utilisé ( par Ernest en particulier, lors d'une conférence publique le
1er mars à Villebon/Yvette ) comme la preuve d'un événement
extraordinaire et établissant la véracité des récits des témoins.
Une petite enquête auprès du propriétaire du champ nous appris
que les choux avaient été plantés en juillet 1979. Les 14 premières
rangées furent plantées de "choux frisés pointus" et les 17 autres
de "choux plats de Pontoise". Les premiers arrivent plus vite à
maturité ( 6 mois ) que les seconds, mais le propriétaire les a
volontairement laissés pourrir sur place pour labourer le champ
avec les choux pourris pour enrichir ainsi le sol. D'ailleurs, un plan
de choux pourris fut porté pour analyse à l'Institut National de
Recherches Agronomiques et aucun élément pathogène ne fut
décelé.
3.2.1. Enquête auprès de la station EDF
Cette station fait partie d'une couronne de centres régionaux qui assurent
l'alimentation de la région à partir d'un double réseau à 225 et 400 KV. En
permanence, et en particulier la nuit, l'ensemble est contrôlé par un système
de surveillance automatique d'EMS ( Enregistreur de Manœuvre et de
Signalisation ) qui est sensible aux variations brutales de tension ( décharge,
rupture d'alimentation, ... ), En phase normale, l'EMS est au repos ; en cas
d'anomalie l'EMS se met en route et enregistre l'heure et la nature du défaut.
Simultanément, il y a alerte téléphonique chez l'un des deux agents de garde
( la nuit ). Il n'y a eu aucune alerte du 25 novembre à la mi-décembre.
Par ailleurs, le personnel de la station n'a pas souvenir d'avoir observé de
phénomènes lumineux sur les pylônes ou les lignes. Un conducteur approché
à 2.5 m ( ou moins ) des lignes à 225 KV, ou à 4 m des lignes 400 KV
amorcerait une décharge. Dans ce cas, la décharge déclenche alors un
disjoncteur en bout de ligne, avec un premier réenclenchement automatique
pour essayer la remise en route.
Les effets lumineux connus ( arcs grêles ou arcs de puissance ) interviennent
essentiellement par temps d'orage ou au moins de forte humidité. Il peut
apparaître des arcs grêles répétitifs avec des réenclenchements automatiques
successifs.
3.2.2. Données météorologiques
Station de V2 ( ouverte à partir de 8 h 00 du matin )
-
Lundi 26 novembre 1979

-
Lundi 3 décembre 1979

Comme on le voit, les données relatives aux deux nuits du 25 au 26 novembre
et du 2 au 3 décembre ne révèlent rien de très particulier par elles-mêmes. Le
taux d'humidité le 26 novembre à 4 h est élevé mais n'a rien d'exceptionnel.
3.2.3. Passages d'avions
A 35 km à l'est de V1, se trouve un aéroport AE1 international dont les pistes
sont orientées d'Est en ouest. V1 est couramment survolé à assez basse
altitude ( de l'ordre de 1 000 mètres ) par les avions qui atterrissent et décollent
de AE1. Notons que dans sa dépositions, à la Gendarmerie de V1, le 26
novembre au soir, Ernest déclarait à propos du phénomène lumineux observé
le matin même - "le faisceau lumineux d'un blanc très vif se trouvait à environ
cent mètres de hauteur et sans doute même plus car je ne peux évaluer la
hauteur avec certitude. Mais, en tout cas, à hauteur de survol des avions qui
vont vers l'aéroport". Mais Ernest se dit persuadé qu'il ne s'agissait pas d'un
avion en raison de l'absence de bruit et de feux de position vert et rouge.
Signalons enfin un deuxième aéroport civil AE2 qui se trouve à quelque 60 km
au sud-est de V1. Les deux aéroports AE1 et AE2 sont dotés de systèmes de
contrôle du trafic à l'aide de radars avec enregistrement. Nous avons étudié
les EVR ( Enregistrements Vidéo Radar ) de AE1 et AE2 pour les nuits du 25
au 26 novembre et du 2 au 3 décembre. Cet examen a donné les résultats
présentés dans le tableau page suivante.
Signalons que l'axe d'approche de AE1 est orienté vers l'Est : les avions
décollent vers l'Est et atterrissent venant de l'Est.
Matinée du 26 novembre - de 3 à 5 heures (locales)

Les tableaux ci-dessus résument ce que montrent les EVR de AE1 et AE2
Aucun avion n'est passé à proximité de V1 avec une orientation analogue à
celle du faisceau lumineux décrit par les témoins. De plus, la zone de V1 ( qui
comporte une balise ) reste particulièrement calme. Seuls y apparaissent de
temps en temps quelques petits échos fixes et instables. De tels faux-échos
se manifestent sur toute la région couverte par les deux radars et
comparativement peu à proximité de V1.
De la même manière, les EVR pour la nuit du 2 au 3 décembre donnent les
résultats suivants. ( voir tableaux suivant ).
Là aussi aucun phénomène particulier n'apparaît sur les EVR pour la zone
proche de V1, Les quelques faux-échos y sont plutôt rares comparativement
aux autres zones de la même région.
Les autres données radar ( civils et militaires ) relatives à ces deux périodes ne
suggèrent rien d'anormal. Au total, les systèmes radar ne fournissent aucun
indice qui puisse venir à l'appui des témoignages d'Ernest, Nestor et Albert.
Matinée-du-3-décembre-1979

3.2.4. Analyses médicales
Les résultats de l'analyse de sang, effectuée par le laboratoire d'analyse de
V2, sont donnés à la page suivante.
Selon les services du CHU de Toulouse /Rangueil, ces résultats sont
normaux. La glycémie ne permet pas de mettre en évidence un quelconque
terrain diabétique. Les données de la formule sanguine et de la numération
globulaire sont normales. Compte tenu des variations nycthémérales ( cycles
de 24 heures ) le taux de cortisol plasmatique retrouvé chez Nestor le mercredi
5 décembre, vers 12 h 00 peut être considéré comme étant dans les limites de
la normale.
Rappelons que le taux de cortisol joue un rôle d'horloge interne il est plus fort
le matin que l'après-midi et suit le rythme de la veille et du sommeil. Le taux
peut être considéré comme normal jusqu'à 25 µg/100 ml le matin, et
15 µg/100 ml l'après-midi.
Bien entendu, ce rythme journalier est profondément perturbé si le rythme de
sommeil est notablement modifié ( si on change de fuseau horaire par
exemple ). De même, le taux de cortisol est couramment multiplié par 50 ou
100 suite à un passage en apesanteur ( et l'effet persiste pendant 4 à 5 jours )
ou lors d'une période de stress intense. Aucun de ces effets n'apparaît chez
Nestor.

Malheureusement, ces résultats* sont pratiquement les seuls que le GEPAN
ait pu obtenir. La prise de sang du lundi 3 décembre effectuée à la
Gendarmerie de V1 n'a pu être analysée, les échantillons de sang étant
arrivés hémolysés au laboratoire parisien vers lequel la Gendarmerie les avait
dirigés ( délai trop long, mauvaise conservation ou trop forte agitation durant le
transport, selon le pharmacien ). Quant au taux de calcium dans les urines
( 228 mg/l ) il est normal.
(*) ( dont un exemplaire fut rapidement transmis au Docteur Sylvain ).
On se rappelle que d'autres examens devaient être faits, Nestor ayant promis
à son médecin de recueillir pendant 24 heures ses urines dans un bidon et de
le porter au laboratoire de V2 ainsi que de venir le voir pour procéder à une
radio des poumons. A ce moment-là, aurait dû être décidée la date d'une
visite complète à Bonneval.
Nous apprîmes rapidement que si Nestor avait bien uriné dans le bidon, il ne
l'avait pas apporté au laboratoire et, ce qui est moins compréhensible, il ne
retourna pas voir son médecin personnel qui l'attendit en vain. Il semble donc
que l'accord entre le GEPAN et le Docteur Sylvain loin de rassurer Nestor et
d'apporter une "garantie" sur l'action du GEPAN, n'a eu pour effet que de
"disqualifier" le Docteur qui ne revit pas Nestor**.
(**) Pour être parfaitement exact, Nestor retourna voir son médecin 4 mois plus tard,
accompagné d'Ernest. Ils apprirent du Docteur Sylvain que le sang prélevé sur Nestor le 5
décembre, était parfaitement normal. Ils ne demandèrent pas à voir ni à conserver le
document d'analyse fourni par le laboratoire. Bien plus tard, Nestor déclara à des
journalistes que le fait que ces analyses n'avaient pas été publiées prouvait bien que ce
sang avait des anomalies. Incidemment, il déclara aussi que le GEPAN avait refusé au
téléphone ( ils n'ont jamais téléphoné ) de leur fournir ces analyses avant 7 ans ( sic ) alors
que le GEPAN leur avait indiqué par lettre qu'ils pouvaient les trouver chez le Dr. Sylvain.
Par la suite, de nombreuses fausses informations se répandirent à propos de
ces analyses de sang. Nous n'en parlerons pas ici car ces éléments ont été
postérieurs à la période que nous étudions et relèvent plutôt de problèmes de
falsifications de l'information apparues ultérieurement chez les témoins et
chez certains groupes ufologiques.
Après ce tour d'horizon des indices physiques qui ont pu être étudiés, il
apparaît à l'évidence que, sur ce plan aucun élément ne vient confirmer en
quoi que ce soit les événements extraordinaires narrés par Nestor, Ernest et
Albert.
3.3. ELEMENTS D'ANALYSE SUR LES DISCOURS ET LE
COMPORTEMENT DES TEMOINS
L'analyse du comportement des personnes en vue d'éclairer des événements
donnés pose toujours deux types de problèmes :
d'une part, il est difficile de trouver dans les attitudes une référence, une
normalité par rapport à laquelle un comportement donné puisse être
étudié ; même une normalité statistique n'introduit qu'une valeur relative
et non absolue : il y subsiste une composante idéologique ;
d'autre part, il est toujours difficile d'interpréter la sémantique des
comportements appliquée aux événements : en quoi une telle action
et/ou un tel discours peut(vent)-il(s) être considéré(s) comme probants
pour l'étude et l'analyse d'un événement donné ? Cette question se
complique d'ailleurs lorsqu'il s'agit de comportements qui ne sont pas en
liaison directe avec les événements considérés, mais se trouvent être
antérieurs ou postérieurs.
Nous avons déjà vu dans l'enquête GEPAN n° 79/05 à quel point le
comportement et le discours d'un témoin après son observation peuvent être
influencés par l'intervention d'autres personnes. Il est alors extrêmement
fallacieux de se fonder sur ce discours et ce comportement pour interpréter
l'observation elle-même.
Pour les événements dont nous parlons ici, les témoins ont au cours de
l'année 1980 multiplié les discours et les actions publiques. Nous en tiendrons
très peu compte pour l'analyse des événements du 26 novembre et du 3
décembre 79, sous réserve que les données ultérieures ne viennent infirmer
les conclusions tirées.
En revanche, nous citerons à l'occasion certaines informations se rapportant
au passé des témoins ; en effet, certaines attitudes qu'on pourrait croire
accidentelles ont des antécédents et s'expliquent alors mieux.
3.3.1. Quelques traits du comportement et du discours
Comme nous l'avons déjà signalé, les rapports avec les témoins et leur
entourage ne furent jamais faciles. En plus de leur attitude d'évitement ( faux
rendez-vous, retards, ... ) il fut toujours difficile, pendant les discussions que
nous eûmes avec eux de suivre une conversation un tant soit peu construite.
S'évadant constamment d'un sujet à l'autre, remplaçant l'analyse par
l'anecdote, il fallait attendre patiemment qu'un point intéressant soit abordé, au
hasard d'une phrase, comme à l'improviste. Ce sentiment d'improvisation se
retrouve dans l'ensemble du comportement des témoins : boire, manger,
dormir et travailler, tout se fait dans l'instant, sans calcul apparent. En termes
psychologiques, leur comportement semble essentiellement guidé par le
"principe de plaisir" plus que par le "principe de réalité", ceci caractérisant une
personnalité immature*.
(*) Les behavioristes, avec une approche différente du sujet humain, parlent du
"renforcement direct" et du "renforcement différé".
Au milieu de ce groupe, les jeunes femmes semblent être les pôles stables.
Elles ont des travaux réguliers, elles assurent les tâches ménagères et parlent
peu ou pas du tout. Alors que, par une certaine forme de liberté
( improvisation, absence de contraintes ), Nestor, Ernest, Albert et leurs amis
semblent former une sorte de "communauté" ( en milieu urbain ), les rapports
qu'ils entretiennent avec leurs compagnes rappellent des structures sociales
très anciennes, votre archaïques.
De plus, en accord avec ces éléments, leur discours est constamment
emprunt de spontanéité et de sincérité quant à la forme. Tous les
interlocuteurs l'ont noté, à commencer par les gendarmes : les trois témoins
sont toujours d'une éclatante sincérité ( rappelons que ce jugement est
essentiellement relatif : "Moi, je ne pourrais pas mentir comme ça, donc ils ne
peuvent mentir"). Mais, ce discours se caractérise par un autre aspect qui est
l'absence totale de rigueur quant au fond.
Cet aspect se manifeste de diverses manières, soit par l'absurdité de certains
arguments, soit par l'incohérence et la contradiction de leurs différentes
déclarations, soit enfin par l'inconscience apparemment totale des "risques"
encourus du fait de ces contradictions.
Cette inconscience est apparue à plusieurs reprises, en particulier à
l'occasion de la conférence de presse du mercredi 5 décembre. Nestor y
a déclaré que les enquêteurs du GEPAN n'étaient restés qu'une
demi-heure et n'avaient pas voulu discuter. Nous avons vu à quel point
cela était faux, mais il faut aussi rappeler que c'est volontairement que le
GEPAN n'a pas assisté à la conférence. Nous aurions très bien pu y être
et Nestor aurait alors été publiquement contredit. De même, après la
conférence, le GEPAN aurait très bien pu publier une mise au point
dénonçant ces fausses informations. Nestor ne s'en est pas soucié.
De manière analogue, Albert a fait état de son coup de téléphone à RTL
pour annoncer le retour de Nestor. Il a ainsi permis de prouver qu'il avait
inventé les circonstances de ce retour. S'il n'avait rien dit, l'hypothèse
d'un autre témoin observant Nestor émergeant d'une sphère lumineuse
au milieu du champ de choux aurait été plus difficile à éliminer.
Plus étonnante encore est l'attitude d'Ernest qui déclara au
Commandant de la Compagnie de Gendarmerie de V1, que lors de son
service militaire il avait "fait" 13 mois de forteresse. Pour son
interlocuteur, rien n'était plus facile à vérifier que cela, et la vérité est
toute autre : pris dans une gare à distribuer des tracts anti-militaristes,
Ernest fut interrogé par la Sécurité Militaire et mis aux arrêts pendant 30 jours.
Là encore indépendamment du mensonge lui-même, on peut
s'étonner qu'il ait été fait à une personne qui pouvait rapidement le
vérifier.
D'autres éléments sur le passé d'Ernest vont d'ailleurs dans un sens
analogue : au lycée, il a laissé le souvenir d'un individu ayant le goût du
canular. A la Maison de la Jeunesse de V2, il avait organisé une collecte
de paris sur les courses de chevaux. Il annonça un jour des gains
importants puis déclara les avoir perdus et les "gagnants" n'en virent
jamais la couleur.
Une autre manifestation de cette absence de rigueur est l'incohérence
flagrante qui apparait parfois entre les déclarations d'intention des
témoins et leur comportement effectifs L'attitude vis-à-vis de la presse
aura été particulièrement ambiguë, faite de mépris affiché et de fuite
apparente mais aussi d'appels et de recherche de contacts. Dès 14 h le
26 novembre, Ernest téléphone à RTL pour annoncer la disparition de
Nestor puis Albert fait de même pour annoncer le retour. Le 4 décembre
au soir, les trois témoins disent vouloir fuir la presse. Mais le lendemain,
à l'heure de leur rendez-vous les membres du GEPAN tombent sur une
conférence de presse. Tout de suite après Nestor dit : "les journalistes
ont eu ce qu'ils voulaient, maintenant c'est fini avec eux". Pourtant ils
n'hésiteront pas à continuer les interviews, et les déclarations y compris
à la télévision en France et à l'étranger ( nous connaissons même un
réalisateur qui fut contacté par Nestor pour paraître dans son émission ).
De la même manière, la position affichée par les témoins était de ne pas
vouloir se faire de la publicité, surtout pas de livre, et ne pas vouloir
gagner d'argent. Or, quelques jours après le retour de Nestor, les trois
témoins auraient accepté, selon des enquêteurs privés présents à ce
moment-là, une somme d'argent assez importante en échange d'une
interview dans un grand hebdomadaire parisien. Quelques semaines
plus tard, un livre est rapidement rédigé et des contacts sont pris avec
un cinéaste en vue de porter la disparition de Nestor à l'écran.
Un autre élément du discours qui nous a paru remarquable est
l'absurdité qui y apparait parfois, le manque total de réalisme. Le 4
décembre au soir le GEPAN a demandé aux témoins pourquoi ils
avaient attendu pour prévenir du retour de Nestor ; ceux-ci répondirent
alors qu'ils avaient plutôt pensé à se cacher et a passer inaperçu ce qui
dans le con texte de la semaine écoulée, était pour le moins naïf. Par la
suite, les témoins prétendront que le GEPAN avait eu l'intention de les
interner à l'hôpital de Bonneval sans réaliser que si le GEPAN avait eu
pareille intention la moindre des précautions aurait été de ne pas donner
le nom de cet hôpital.
Plus absurde encore, les témoins ont déclaré que le GEPAN avait
renoncé aux examens à Bonneval parce que le médecin personnel de
Nestor, le Dr. Sylvain auquel le GEPAN s'était immédiatement adressé,
avait accepté d'y aller aussi*. Or, non seulement ceci est faux mais
encore c'est absurde. Sachant que Nestor ne viendrait pas sans son
médecin renoncer alors que le médecin était d'accord était renoncer de
toute façon à ces examens, indépendamment du médecin. Là encore
les témoins prêtent à d'autres leur singulière incohérence d'action et
d'intention.
(*) ( On se rappelle qu'en fait c'est Nestor qui, malgré ses promesses, n'alla plus voir son
médecin pendant des mois ).
3.3.2. Une certaine image des témoins
On n'en finirait plus d'égrener toutes les erreurs les mensonges, les
incohérences du discours des témoins. On ne peut que constater que ce
contenu très particulier soit toujours "compensé", en quelque sorte, par un
accent de profonde conviction, de parfaite sincérité. Ce sont ces éléments qu'il
faut combiner et intégrer ce qui en raison de leur caractère apparemment
contradictoire, pose des problèmes de pondération.
Or, et c'est peut-être là un des éléments les plus curieux de toute cette affaire,
une certaine image des témoins a été présentée au public dans les jours puis
les mois qui ont suivi qui ne tient aucun compte des aspects décrits ci-dessus.
Cette image s'est construite autour des témoins avec la participation active,
voire enthousiaste, de certains ufologues et journalistes ( à travers des revues,
des interviews un livre même ) en vue d'établir l'honnêteté des témoins.
Les principaux arguments utilisés à cet effet sont les suivants :
"Les témoins n'avaient pas intérêt à attirer sur eux l'attention de la police
en raison de leur situation irrégulière ( pas de permis de conduire, pas de
patente, ... ) mais aussi en raison de leur méfiance idéologique vis-à-vis
de toutes les instances "officielles"".
En effet, on peut se demander par quel cheminement des personnes qui
n'ont aucune confiance dans une institution donnée, décident de
s'adresser en priorité à cette institution.
Après tout, l'annonce de la disparition de Nestor n'en devenait que plus
attrayante et crédible pour les journalistes du fait de l'intervention de la
Gendarmerie.
"Les témoins ne veulent obtenir aucun gain économique o u de
popularité avec leur témoignage".
En corollaire de cette thèse s'est développée une version misérabiliste
de leurs conditions de vie et l'idée qu'ils seraient victimes de
persécutions. En fait nous avons vu qu'ils ont su très rapidement
survivre économiquement en finançant leur témoignage. Quant aux
persécutions, elles ne reposent que sur leur témoignage où on retrouve
leurs habituelles incohérences et absurdités ( prenant comme exemple
de persécution le fait qu'on leur reproche de conduire sans permis, que
Nestor soit obligé de faire son service militaire, etc... ).
"Les témoins n'avaient aucune connaissance antérieure du problème
OVNI et ne s'intéressaient pas à la question".
Ceci peut être mis en doute d'une part, en raison du vif intérêt dont
Nestor fit état pour les démarches ésotériques et mystiques ( et c'est là
une approche assez fréquente du problème des OVNI ), d'autre part il
faut bien signaler sans que le GEPAN ait enquêté là-dessus qu'Ernest
ne s'est pas caché d'avoir un frère passionné d'ufologie qui habite en V1
et possède plusieurs livres sur la question. Ce frère s'occupe maintenant
de la secte créée autour d'Ernest.
"Les témoins ont toujours voulu collaborer avec les instances officielles
en particulier avec le GEPAN".
Nous avons déjà vu comment s'est traduit dans la pratique le désir de
collaboration des trois témoins. Dans le détail, le refus ou la réticence
à se prêter à tel ou tel type d'examen est justifié avec des arguments
très évolutifs, passant de "je m'évanouis si on me fait une piqûre" à "je
ne veux pas de lavage d'estomac, ma santé ne regarde que moi" et enfin
"les extra-terrestres m'ont interdit…".
L'honnêteté des témoins, établie avec les arguments étonnants que nous
venons de citer, sert ensuite à fonder la véracité du récit des témoins et par
voie de conséquence, la réalité "objective" des événements rapportés.
Une telle démarche est de la part de ceux qui l'ont suivie la preuve d'une
tournure d'esprit très particulière et d'une absence totale de rigueur à limage
de celle des témoins.
La mission première du GEPAN est l'étude des données physiques relatives
aux manifestations de phénomènes aérospatiaux non identifiés. Ces données
physiques existent parfois ( échos-radar, traces, photos, ... ) mais il est bien
clair que dans un très grand nombre de cas les informations sont uniquement
constituées de témoignages.
C'est pourquoi le GEPAN a été conduit à étudier les témoignages en tant que
tels. La réflexion méthodologique a permis de mettre en évidence le caractère
interactif des rapports qui s'établissent entre le témoin, son discours et son
environnement ( voir Note Technique n° 3 ).
La signification d'un témoignage ne peut donc se concevoir indépendamment
de l'examen de cette interaction et ne peuvent être retenus que les
témoignages pour lesquels le P.E.S.M. ( Probabilité que les Éléments
Subjectifs Soient Minimum ) est élevé. Ce critère peut s'évaluer en fonction
d'un certain nombre de paramètres relatifs aux conditions d'observation et aux
témoins eux-mêmes ( voir rapport au Conseil scientifique de juin 78 ) mais n'a
de sens que dans la mesure où sont remplies des conditions liées a l'attitude
du témoin au cours de l'enquête. C'est là une condition préalable, impérative.
Au nombre de ces conditions, se trouvent la cohérence et la bonne volonté
( ou la collaboration ) des témoins. Pour être pris en compte, aucun contenu de
témoignage pour aussi riche et exceptionnel qu'il soit, ne peut se passer de
satisfaire à ces conditions. La réciprocité est d'ailleurs toute aussi vraie :
aucun contenu ne permet à lui seul a priori, un jugement sur les témoins. En
effet, il est d'usage, en ufologie, d'accorder une grande importance à la
sincérité du témoin mais il faut se rappeler qu'il ne s'agit en aucun cas d'un
concept opérationnel. Un témoin apparemment sincère n'est qu'un témoin qui
a su donner une impression, subjective, de sincérité ; cela dépend
principalement de deux facteurs :
le degré de motivation du témoin en vue de convaincre son interlocuteur
- et personne n'est plus sincère qu'un mythomane - ;
la référence sur laquelle se fonde l'interlocuteur pour juger de la
sincérité. Et c'est souvent une référence toute personnelle :
"Moi, je ne pourrais pas mentir comme ça, donc il est sincère".
Finalement, la sincérité n'est qu'un concept moral étroitement lié au rapport
particulier qui s'établit entre les deux interlocuteurs et à leurs motivations
conscientes ou inconscientes.
Par contre, le manque de sincérité d'un témoin peut être considéré comme un
concept opérationnel s'il est mesuré par rapport aux contradictions qui
peuvent apparaître dans ses différents discours. Il s'agit alors d'examen de la
cohérence.
Dans le cas qui nous occupe, ces deux conditions, volonté de collaboration et
cohérence des témoins, sont loin d'être réunies. Rappelons rapidement les
faits principaux sur lesquels se fonde cette assertion. Pour ce qui est du
manque total de collaboration avec les membres du GEPAN, il suffit de
rappeler tous les engagements non tenus ou les rencontres obtenues
seulement à la suite d'un long marchandage ( visite chez le médecin
personnel, déplacement à Bonneval, prélèvement d'urine, rendez-vous
manqués, reportés, etc... ). Pour ce qui est de la cohérence, les contradictions
atteignent un taux exceptionnellement élevé ( par rapport aux témoins que
nous avons eu l'occasion de rencontrer ), qui ne permet d'accorder aucun
crédit aux informations rapportées.
Aux mensonges et erreurs déjà signalées ( heure de la disparition, position de
la voiture, narration de la rencontre avec le GEPAN, appel téléphonique à
RTL, etc... ) sont en effet venus s'ajouter des indices allant toujours dans le
même sens ; par exemple, les témoins disent avoir téléphoné au GEPAN
pendant la disparition de Nestor pour vérifier si telle personne était bien,
comme elle le prétendait, membre du GEPAN. Aucun coup de téléphone de
ce style n'a jamais été reçu. De même, ils disent avoir téléphoné au GEPAN,
en décembre pour demander les résultats des analyses de sang. C'est tout
aussi faux...
Ainsi, il apparait que les erreurs, mensonges et contradictions laboratoires
sont innombrables et, de plus, que certaines ne peuvent se comprendre que
comme le fruit d'un désir conscient de déformer, falsifier ou créer de toute
pièce l'information.
Nous nous trouvons donc en face d'un cas où, comme nous l'avons vus
( § 3.2 ) aucun indice physique ne vient suggérer l'existence d'un phénomène
en rapport avec le discours des témoins ; d'autre part, les énormes
contradictions observées au sein même de ce discours empêchent de
considérer aucun de ces éléments indépendamment d'un désir manifeste de
manipuler l'information.
La conclusion du GEPAN ne peut donc être que la constatation du manque
total d'intérêt du cas pour une étude scientifique des aspects physiques des
phénomènes aérospatiaux non identifiés.
Toutefois, ceci n'exclu pas que ce cas puisse être du plus grand intérêt pour
l'étude d'autres aspects de ces phénomènes ( aspects psychologiques,
psychosociologiques, etc... ), qui ne font pas partie des centres d'intérêt
prioritaires au GEPAN.
Cette conclusion s'appuie sur les données présentées dans les pages
précédentes et qui se rapportent toutes aux événements survenus entre le 26
novembre et le 5 décembre. Des événements ou des discours ultérieurs
auraient pu remettre en cause cette conclusion dans la mesure où ces
éléments nouveaux ne se seraient pas intégrés dans la logique qui la soutient.
Jusqu'à ce jour ( janvier 81 ), il n'en a rien été les données nouvelles venant
bien au contraire confirmer pleinement tout ce que nous venons de dire.
SUITE...
© CNES
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