CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

Toulouse, le 31 mars 1981
N° 091 CT/GEPAN


 

NOTE TECHNIQUE
N° 6


 

Enquête GEPAN n° 79/07

"A propos d'une disparition"

 

 




 

CETTE NOTE TECHNIQUE SE COMPOSE DE TROIS PARTIES DISTINCTES :

  • 1ère PARTIE
    Compte rendu de l'enquête GEPAN n° 79/07
    A. ESTERLE - M. JIMENEZ - JP. ROSPARS - P. TEYSSANDIER

  • 2ème PARTIE
    Complément d'informations à l'enquête GEPAN n° 79/07
    A. ESTERLE

  • 3ème PARTIE
    Fabulation, délire et thèmes ufologiques
    D. AUDRERIE

  • EPILOGUE

 




 

1ère PARTIE

 

COMPTE RENDU DE L'ENQUÊTE GEPAN N° 79/07

A. ESTERLE - M. JIMENEZ - JP. ROSPARS - P. TEYSSANDIER

 

SOMMAIRE

  1. INTRODUCTION

  2. PREMIERS ÉLÉMENTS D'ENQUÊTE

    • 2.1. LE LUNDI 26 NOVEMBRE 79
    • 2.2. LE LUNDI 3 DÉCEMBRE 79
    • 2.3. LE MARDI 4 DÉCEMBRE 79
    • 2.4. LE MERCREDI 5 DÉCEMBRE 79

  3. COMPLÉMENTS D'ENQUETE

    • 3.1. RECHERCHE D'AUTRES TÉMOIGNAGES
      • 3.1.1. Témoignage de Rémi
      • 3.1.2. Témoignage de Lisette
      • 3.1.3. Recherche de l'auteur d'un coup de téléphone
    • 3.2. RECHERCHE DES INDICES PHYSIQUES
      • 3.2.1. Enquête auprès de la station EDF
      • 3.2.2. Données météorologiques
      • 3.2.3. Passages d'avions
      • 3.2.4. Analyses médicales
    • 3.3. ÉLÉMENTS D'ANALYSE SUR LES DISCOURS ET LE COMPORTEMENT DES TÉMOINS
      • 3.3.1. Quelques traits de comportement et du discours
      • 3.3.2. Une certaine image des témoins

  4. CONCLUSION

 


 

1. INTRODUCTION

Les événements dont nous allons parler ont eu un grand retentissement auprès des media. Tout effort de banalisation des données semblera donc vain, les différents protagonistes n'ayant jamais cherché la discrétion, bien au contraire. Nous garderons cependant, même dans ce cas, les principes de banalisation que nous avons pris pour règle.

Les différents événements auxquels il sera fait allusion se sont déroulés sur un grand intervalle de temps et en des lieux très divers. La quantité d'informations s'y rapportant est donc énorme.

Toutes ces informations doivent-elles être traitées sur le même plan ? Rien n'est moins sûr. Les premiers événements, ceux sur lesquels nous avons directement enquêté portent sur quelques jours ( novembre et décembre 1979 ) et se sont tous déroulés dans la même ville de la banlieue parisienne. Par la suite, de nombreux autres événements se sont étalés tout au long de l'année 1980 et sont intervenus en divers lieux de province. Ils ne sont pas nécessairement en liaison directe avec les événements initiaux mais les éclairent et les complètent probablement.

C'est pourquoi nous avons choisi une présentation en deux temps :

  • d'une part, l'étude des événements survenus fin 1979,

  • d'autre part, l'examen des événements ultérieurs ou simplement connexes qui, par ailleurs, ne manquent pas d'intérêt.

 

2. PREMIERS ÉLÉMENTS D'ENQUÊTE

 

2.1. LE LUNDI 26 NOVEMBRE 1979

Les heures que nous fournissons pour la suite des événements que nous allons décrire, sont celles notées par les services de transmission de la Gendarmerie de V1 et du Commissariat de V2. Elles sont inscrites sur les cahiers de service et les mains courantes.

5 h 00 du matin :
Le Commissariat de V2 reçoit un appel téléphonique d'un certain M. Albert* qui dit en substance : "Mon copain a été enlevé par un OVNI". Un appel radio est immédiatement lancé à la voiture de patrouille ( une R 12 ) qui est en intervention ( tentative de suicide ) à quelque 2,5 km du lieu L1 d'où est parti l'appel téléphonique ( voir plan n° 1 ).

(*) Rappelons que tous les noms sont banalisés.

5 h 12 :
Le Commissariat de V2 reçoit un appel de la Gendarmerie de V1. Deux minutes auparavant, cette Gendarmerie avait reçu aussi un appel lui signalant la disparition d'une personne en L1. Le Commissariat de V2 décide alors d'envoyer rapidement trois policiers qui, utilisant une R4, mettent 5 à 6 mn pour se rendre du Commissariat à L1.

5 h 20 :
La R4 du Commissariat arrive en L1. Là se trouve Albert à proximité d'une voiture arrêtée près du bord droit de la chaussée. Quelques instants plus tard, apparaissent Ernest et Léon.

5 h 25 :
La R 12 de la patrouille ( quatre policiers ) arrive. Les sept policiers examinent les lieux, font déplacer la voiture jusqu'au trottoir ( par mesure de sécurité ) et ne découvrent aucun indice significatif ni sur la voiture, ni sur la route, ni dans les champs alentour. La voiture, une Ford Taunus break, est encombrée de pantalons "Jeans" dans le coffre et sur la banquette arrière. Il y a de la buée sur les vitres. Les policiers interrogent séparément les trois témoins et notent un comportement assez différent :

  • Albert est surexcité. très nerveux ; il crie, gesticule et pleure ;

  • Ernest, nerveux au début, retrouve rapidement tout son calme ;

  • Léon semble se désintéresser de l'affaire.

La trame générale de leur récit est alors la suivante :

Nestor, Ernest et Albert chargeaient la voiture pour aller vendre les "Jeans" au marché de V4 alors que Léon dormait encore dans l'appartement d'Ernest, contigu de celui d'Albert. Ils ont observé une lueur dans le ciel.

D'après Albert, cette lueur est arrivée au-dessus de la route A1 ( voir Plan n° 2 ) dans l'axe de celle-ci. Nestor qui était au volant s'éloigne avec la voiture vers la direction prise par la lueur alors qu'Albert et Ernest remontent dans leurs appartements. Albert va chercher son appareil photo ( mais il redescend les mains vides car il n'a pas trouvé de pellicule ) et Ernest le parasol pour l'étalage du marché.

Une fois ressorti, Albert voit la voiture s'approcher de la lueur qui est au-dessus de la route. Elle vient ensuite se placer au-dessus de la voiture, puis l'enveloppe. On ne voit plus la voiture mais une sphère de brouillard avec de petites boules clignotantes tout autour. Albert se précipite en criant vers ce brouillard ; arrivé à 20 ou 30 m, celui-ci se résorbe et part "comme un éclair" vers le ciel. Il s'approche de la voiture et ouvre la portière Nestor n'est plus dedans.

D'après Ernest, la lueur se dirigeait vers les champs ( donc pas dans l'axe de la route ). Redescendu de son appartement avec Albert, il voit le brouillard et les boules clignotantes, mais ne manifeste aucune précipitation. Il marche normalement, voit Albert courir devant lui et "l'éclair" partir vers le ciel.

Interrogés, Albert et Ernest déclarent ne pas avoir d'argent mais ne parlent pas de l'argent que pourrait avoir Nestor.

Les policiers préviennent alors le Commissariat de V2 et demandent des instructions. Vers 6 h 00, le Commissaire entre en contact avec la Gendarmerie de V1. Il est décidé que l'affaire sera prise en charge par la Gendarmerie et les policiers prient les trois témoins de s'y rendre dès 7 h 00. Ils leur demandent de dégager la voiture et quittent L1 à 6 h 45. Les témoins rentrent chez eux.

7 h 45 :
Arrivée des témoins à la Gendarmerie de V1. Dés 8 h  00, une reconstitution est faite en L1. Celle-ci consiste à repositionner la voiture sur la chaussée A1, là où elle fut retrouvée par Albert et Ernest. Les trois témoins indiquent alors une position P1 à proximité d'un arbre brisé. Lors de l'enquête auprès des policiers, qui avaient aussi observé la voiture dans son état initial, ceux-ci indiqueront un emplacement P2 situé à trente mètres plus à l'ouest. Enfin, lors d'une troisième reconstitution effectuée par les témoins pour une journaliste, les témoins positionneront la voiture en P3, 50 m avant P1 donc à 80 m à l'est de P2 ( voir plan n° 4 ).

Le reste de la matinée :
La matinée va ensuite être consacrée au recueil des témoignages des différentes personnes susceptibles de fournir des informations ( témoins et leurs proches ). Ces personnes quittent la Gendarmerie vers 12 h  00 pour y revenir à 14 h 00.

  • Dépositions auprès de la Gendarmerie de V1

    Ernest a 25 ans. Il habite en L1 avec sa compagne Rosalie. Il gagne sa vie en vendant des vêtements sur les marchés. Il utilise pour cela une voiture qui ne lui appartient pas, un véhicule en mauvais état, sans ralenti ni démarreur ( il faut le pousser pour le faire partir ). Il n'a pas non plus de permis de conduire.

    Albert, 25 ans, sans travail, habite dans l'appartement voisin de celui d'Ernest. Occasionnellement, il aide celui-ci sur les marchés.

    Nestor, 18 ans, vit chez sa mère divorcée qui habite à dix kilomètres de là, en V3. Il travaille avec sa mère qui est marchande ambulante sur les marchés. A l'occasion, il aide aussi son ami Ernest et dort parfois chez lui. Il a pour compagne Nadège ( dont il a un petit garçon de 6 mois ) qui, comme Rosalie, est vendeuse dans un magasin. Elles sont les seules à avoir un travail régulier.

    Léon est peintre, mais il vient de se faire licencier. Il connaît Ernest mais pas les autres. Il l'a rencontré le samedi 24 au soir et celui-ci lui a proposé de conduire la voiture pour aller, le lendemain, au marché de V3. Parmi toutes ces personnes, Léon est en effet le seul à avoir son permis.

    Ceci étant posé, nous allons examiner les dépositions et leur cohérence ; certaines contradictions y apparaissent.

    Ernest avait prévu d'aller au marché de V4, le 26 novembre au matin et il avait proposé à Nestor et Léon de venir dormir chez lui le 25 au soir. Dans son appartement, Ernest et Rosalie regardent la télévision avec Albert. Arrivent Léon ( conduit par son frère qui n'entre pas ), puis Nestor ( conduit par sa mère qui n'entre pas ). Le film fini, Rosalie va se coucher. Après avoir discuté, Albert va se coucher dans son appartement, Ernest va dormir dans sa chambre avec Rosalie, Nestor et Léon restent dormir dans le salon.

    Là apparaît une première série de contradictions. Rosalie dit s'être couchée après la fin du film vers 22 h 30 et affirme que seuls Ernest et une autre personne se trouvaient dans l'appartement à ce moment-là ; mais Nestor ( après son retour et Léon disent être arrives vers 21 h 30, avant la fin du film. De même l'heure de coucher final varie de minuit à 2 h 00 du matin selon les témoins. Toutefois, vu la banalité de ces événements, il est difficile d'attacher de l'importance à ces contradictions.

    Pour les faits survenus le matin du 26 novembre, il y a bonne concordance sur le schéma général mais de multiples contradictions dans les détails.

  • Schéma général :

    Ernest, Nestor et Albert descendent vers 4 h du matin pour charger la voiture avec les "Jeans". La voiture doit être poussée pour démarrer. Nestor reste au volant, le pied sur l'accélérateur ( puisqu'il n'y a pas de ralenti ). Vers 4 h 15, Nestor attire l'attention de ses amis sur un faisceau lumineux qui passe au-dessus du parking ( vers les champs et la station EDF ) et qui descend lentement.

    Nestor part avec la voiture dans la direction du faisceau lumineux. Ernest et Albert remontent à leurs appartements chercher, l'un le parasol pour le marché, l'autre son appareil pour photographier le phénomène lumineux. Ils redescendent ensemble et montent sur le terre-plein bordant la route A1 ou se trouve la voiture. Elle est entourée d'une sphère dé brouillard blanc et de petites boules lumineuses.

    Albert se précipite vers la voiture. Les petites boules rentrent dans la sphère qui se résorbe et part vers le ciel. Nestor n'est plus dans la voiture. Après avoir un peu cherché aux alentours, Ernest remonte dans son appartement chercher les numéros de téléphone du Commissariat et de la Gendarmerie. Il réveille Léon et lui dit que Nestor a disparu. Albert téléphone au Commissariat, puis Ernest à la Gendarmerie. Selon eux, il s'est écoulé un quart d'heure entre la constatation de la disparition ( vers 4 h 20 ) et les coups de téléphone.

    Ce dernier point induit une contradiction avec les heures notées au Commissariat et à la Gendarmerie : le 1er coup de téléphone a été reçu par la police de V2 à 5 h 00. Les heures données par les témoins sont approximatives ( M. Léon par exemple confirmera que les heures qu'il indique sont largement arbitraires ; il a plutôt cherché à être cohérent avec les autres ). On peut donc penser que la séquence d'événements est intervenue plus tard que ne le disent les témoins, à partir de 4 h 30 au plus tôt.

    Mais d'autres contradictions plus importantes apparaissent :

    • Albert prétend que la voiture a été chargée avant d'être mise en route, puis garée près de la porte de l'immeuble pour aller chercher le parasol. Selon Ernest ( et Nestor après son retour ), la voiture a été d'abord démarrée et garée puis chargée.

    • Les trois témoins prétendent avoir chargé la voiture avec les "Jeans" ( qui étaient dans l'appartement d'Ernest ) en un ou deux voyages. Cela paraît impossible en raison de la quantité de pantalons constatée par la police à l'intérieur de la voiture. Plusieurs enquêteurs ont noté ce point. Ernest le résoudra plus tard ( janvier 80 ) en déclarant à un enquêteur privé ( conversation enregistrée ) que la voiture était "pré-chargée de la veille". Non seulement ceci est en contradiction avec les déclarations précédentes, mais c'est très improbable en raison des vols fréquents sur les parkings la nuit, phénomène que les témoins n'ignorent pas.

    • Ernest déclare, le 26 novembre, qu'étant monté chercher le parasol dans son appartement, alors qu'Albert allait chercher son appareil photographique, il a regardé par la fenêtre et a constaté que la voiture était arrêtée en travers de la chaussée. Il pense que Nestor a calé et qu'il va falloir encore pousser la voiture. Il précise qu'il ne voit alors aucun phénomène lumineux. Il redescend avec Albert et se dirige vers la voiture en montant sur le terre-plein. Il constate que la voiture est entourée de cette sphère de brouillard mais dit ne pas en être surpris, car Albert lui en a fait état alors qu'ils redescendaient ensemble. Mais Albert ne dit pas avoir vu la voiture avant d'arriver sur le terre-plein. Bien au contraire, il dit "à mon arrivée à cet emplacement ( dans la direction où le faisceau lumineux semblait devoir atterrir ), j'ai constaté la présence d'une sphère de brume recouvrant la moitié, de la voiture... je dois ajouter que je me trouvais à 400 m environ du véhicule lorsque j'ai constaté ce fait".
      De plus, la fenêtre de l'appartement d'Albert a une orientation diamétralement opposée à celle d'Ernest. Depuis chez lui, il ne pouvait donc pas avoir vu la voiture arrêtée.

    • Les déclarations du 26 novembre concordent pour dire que la voiture se trouvait à droite de la chaussée ( fait constaté par les policiers ). Dès le 27 novembre, Ernest déclare qu'en fait, depuis son appartement, il a vu la voiture arrêtée à gauche puis, arrivé au bord de la route avoir constaté qu'elle était à droite. Il expliquera ce changement en disant qu'il avait peur de ne pas être cru mais ce point n'a a priori rien d'extraordinaire et qu'il a entendu Albert déclarer aux policiers que la voiture était à droite. Il dira avoir menti sciemment pour être cohérent avec son ami. Une semaine après, ce point rentrera parfaitement dans le scénario énoncé par Nestor ( après son retour survenu le 3 décembre voir plus loin ).

    • Enfin, il faut noter la contradiction suivante :

      • Albert déclare s'être mis à courir vers la voiture et avoir constaté que le portière avant gauche était ouverte et que Nestor n'était plus à l'intérieur ;

      • Ernest lui déclare ne pas s'être avancé vers le véhicule avant que la brume et les boules lumineuses aient disparu ( Albert était alors à 20 ou 30 m selon les premières déclarations ). Puis il se met à courir vers la voiture.

      Or, le lendemain Ernest déclare à la Gendarmerie : "je vais vous dire toute la vérité ... lorsque nous sommes venus au véhicule, la première fois, la portière était fermée complètement et non entrouverte. C'est moi qui ai ouvert pour voir si mon copain n'était pas couché dedans". On voit mal comment, d'après les déclarations, Ernest aurait pu arriver à la voiture avant Albert ....

    Les déclarations des témoins se caractérisent donc par une bonne cohérence générale et de multiples incohérences de détails dont certaines au moins paraissent graves. De plus, et très rapidement, Ernest modifie ses déclarations, multiplie les détails nouveaux qui soit introduisent des incohérences, soit visent à expliquer des incohérences précédemment constatées. Nous verrons que cette tendance ne fera que se développer.

    Dès le 26 novembre, la presse est prévenue de la disparition de Nestor ( nous verrons plus loin comment ). Dès le 27, journalistes et enquêteurs privés affluent de toute la région parisienne. Les gendarmes continuent "l'enquête ouverte suite à la disparition d'une personne" ( Nestor ) après avoir prévenu le GEPAN dès le 26 novembre.

    Au cours de cette semaine, quelques témoins supplémentaires feront des dépositions mais sans rien apporter de très significatif : le père de Nestor s'étonne que son fils et ses amis aient prévu de partir à 4 h 00 du matin pour aller au marché de V4 distant de 60 km et qui ne commence qu'à 8 h 00. Un garagiste dit avoir été réveillé, la nuit du 25 au 26, par un bruit étrange qu'il situe dans la direction de V1, etc...

    De leur côté, radios et journaux relatent l'affaire dans tous ses détails et multiplient les interviews ; le 28 novembre, dans "Le soir" M. Ignace* titre : "J'y crois"... Bref, aucun élément nouveau n'intervient avant le lundi 3 décembre au matin.

    (*) M. Ignace est un ufologue privé, Président fondateur d'un groupement spécialisé dans les "Sciences Avancées" ( géomancie, télépathie, hypnose ). Il était déjà apparu lors d'une enquête faite par le GEPAN sur des événements survenus le 7 novembre 1979 ( voir enquête 79/05 ).

 

2.2. LE LUNDI 3 DÉCEMBRE 1979

Vers 6 h 50 ( à cinq minutes près ) la Gendarmerie de V1 reçoit un coup de téléphone de Radio-Télé-Luxembourg. Le journaliste de RTL annonce qu'il a reçu un quart d'heure plus tôt un coup de téléphone d'une personne disant que vers 4 h du matin elle "a vu dans le champ proche de la chaussée A1, où Nestor avait disparu, une boule lumineuse d'où est sortie une silhouette ressemblant à Nestor ; la boule s'est résorbée et a disparu tandis que la silhouette se dirigeait vers la chaussée à travers champs" . Le journaliste demande à la Gendarmerie si Nestor est bien revenu pour pouvoir l'annoncer aux informations de 7 h 00 ( la nouvelle sera finalement annoncée au "journal" de 9 h 00 ).

Les gendarmes n'étaient pas au courant et vont à l'appartement d'Ernest vers 7 h 30. Là, ils trouvent Ernest, Rosalie, Albert, Nestor et sa mère ainsi que Nadège, sa compagne. S'y trouve aussi une certaine Isabelle, journaliste d'un journal local et qui s'intéresse de près à l'affaire depuis une semaine.

Tout le monde est conduit à la Gendarmerie pour déposition.

  • Dépositions à la Gendarmerie, le 3 décembre

    Les dépositions concordent sur le schéma suivant :

    • Ernest et Isabelle étaient, jusqu'à tard dans la nuit, dans l'appartement de celle-ci pour travailler sur un article qu'Isabelle veut faire paraître dans son journal. Albert est rentré à son appartement vers 3 h 30, a mangé puis s'est couché et endormi. Vers 4 h 20, dit-il, il entend sonner et va ouvrir. Il voit Nestor qui semble croire qu'on lui a volé la voiture et être encore au matin du 26 novembre, prêt à partir pour le marché. Albert conduit Nestor chez Ernest et va chercher ce dernier chez Isabelle.

    • Tous reviennent chez Ernest puis appellent au téléphone la mère de Nestor et sa compagne Nadège. Tout le monde se congratule et boit du café. Au bout d'un moment, Albert s'en va téléphoner aux journalistes. Il appelle RTL en croyant appeler Europe 1 ( c'est ce qu'il nous dira le lendemain ). Une voix féminine lui transmet la salle de rédaction où il se nomme à un journaliste et déclare que Nestor est revenu. Il rentre chez Ernest ; un peu plus tard, les gendarmes arrivent et conduisent tout le monde à la Gendarmerie pour déposer.

    • Nestor déclare s'être retrouvé, ce matin-là, dans le champ de choux qui jouxte la chaussée A1. Le gendarme constate pourtant, et Nestor en convient, que ses semelles sont propres. Nestor déclare aussi ne se souvenir de la semaine écoulée que comme d'un rêve, d'un sommeil d'une demi-heure ou trois-quarts d'heure. Il se souvient de présences et de voix, mais ne se rappelle pas ce qu'elles disaient. Auparavant, il se souvient avoir vu le faisceau lumineux alors qu'il chargeait la voiture avec Albert et Ernest et être parti en voiture sur la chaussée A1, il dit avoir vu une boule très lumineuse à droite dans les champs. Nestor a obliqué à gauche, s'est arrêté et la boule est montée sur le capot de la voiture. Nestor a essayé de sortir mais les portières étaient bloquées. La voiture s'est déplacée toute seule pendant qu'un nuage l'entourait et que Nestor s'endormait.

    Le témoignage de Nestor est à peu près conforme à ceux d'Albert et d'Ernest.

    En fin de matinée, la Gendarmerie conduit les différents témoins au Parquet de V2. L'enquête sur la disparition de Nestor est bien sûr abandonnée mais l'ouverture d'une instruction pour outrage à magistrat ( en cas de témoignages mensongers ) est envisagée.

    Entre temps, et dès 8 h 00 du matin, le GEPAN a été prévenu par téléphone. En raison des grèves d'avions, il s'avère impossible d'aller de Toulouse à Paris avant le soir. Mais deux collaborateurs du GEPAN qui habitent Paris peuvent se rendre à V2 dès midi et assistent aux dépositions devant le substitut de V2. Bien entendu le GEPAN désire faire procéder à un examen médical complet de Nestor. Avant d'aller au Parquet, Nestor consent à ce que son médecin personnel procède à une prise de sang et d'urines.

    Au Parquet, des dépositions sont enregistrées à nouveau. Le seul point nouveau est que Nestor déclare avoir parlé aux gendarmes, de rêve, de souvenirs confus pour la semaine écoulée, afin d'avoir la paix. "En fait, dit,-il, je me souviens très bien de ce qui s'est passé, mais je ne veux, plus parler de cette affaire, sauf ultérieurement avec des gens capables de me comprendre".

    Après les auditions, le substitut suspend l'action judiciaire et conseille à Nestor, Ernest et Albert d'accueillir favorablement les suggestions que le GEPAN pourrait leur faire. Avant de sortir du tribunal, ils rencontrent seuls à seuls les deux collaborateurs du GEPAN qui leur proposent de les emmener à l'extérieur de Paris, à Bonneval, dans un hôpital* pour faire sur Nestor des examens médicaux complets et aussi pour échapper à la pression journalistique ; mais le vedettariat ( Albert et Ernest y sont habitués depuis une semaine ) ne semble pas beaucoup les effrayer. Les trois témoins font état de leur très grande fatigue ( ils en avaient aussi beaucoup parlé au substitut ) et après discussion, ils sont d'accord pour partir le lendemain matin. Rendez-vous est pris pour le lendemain, à 10 h 00, chez Ernest. Tout le monde quitte le tribunal vers 18 h 00.

    (*) : Dont le médecin-Chef a déjà contribué aux recherches du GEPAN.

    Ce même soir, deux membres du GEPAN arrivent en avion à Paris et se rendent à V1. A la gendarmerie, ils apprennent vers 22 h 00 les derniers événements de la journée et renoncent à aller chez les témoins le soir même, pensant que ceux-ci avaient besoin de repos**.

    (**) : Nous apprendrons ultérieurement que les témoins sont restés dehors jusqu'à 1 h 00 du matin à prendre des photos dans le champ de choux, ou ils sont vus par une patrouille de CRS qu'ils ont saluée à grand bruit.

 

2.3. LE MARDI 4 DÉCEMBRE 1979

Comme prévu, nous nous présentons à 10 h 00 chez Ernest. Personne ne répond aux coups de sonnette. Chez Albert non plus. La sonnette semble même débranchée. Nous pensons que tout le monde est parti pour éviter les journalistes et nous entreprenons les recherches. Au téléphone, le grand-père de Nestor ne sait rien. La mère de Nestor, rencontrée chez elle, ne sait rien non plus. Léon n'est pas chez ses parents, les parents de Nadège ne sont pas chez eux. Vers midi, nous repassons en L1 pour voir, de loin, Ignace discourir devant des journalistes sur le terre-plein qui borde la chaussée.

Chez Ernest et Albert, silence complet. Nous continuons à chercher auprès de la famille et des amis. Vers 16 h 30, nous repassons en L1 et trouvons Rosalie en train de porter des provisions. Elle nous dit que tout le monde est bien chez Ernest mais nous demande de revenir dans une heure. Vers 17 h 30, nous frappons à la porte. Personne n'ouvre. Le manège dure une demi-heure. Enfin, arrive un enfant qui appelle Rosalie. Un jeune homme vient ouvrir et nous rappelons nos rendez-vous. Il explique qu'une séance d'hypnose est en cours ; il referme en disant qu'il va revenir. Un quart d'heure après, nous frappons à nouveau, de plus en plus fort.

Finalement, Ernest vient nous ouvrir. La discussion s'engage sur le palier sur le thème : "on est fatigués, on ne veut pas être dérangés". Nestor arrive et reconnaît que le rendez-vous de 10 h 00 du matin n'a été donné que pour "se débarrasser" des gens du GEPAN. Nous lui réitérons la proposition d'aller procéder à des examens à l'hôpital de Bonneval, avec ses amis et sa famille s'il le désire. Il nous dit alors qu'il n'ira que s'il est accompagné de son médecin, le Docteur Sylvain. Il nous donne son adresse. Nous décidons d'aller le voir et Nestor nous donne rendez-vous chez Ernest le soir-même après le repas.

Le Docteur Sylvain est d'accord pour aller à Bonneval, de préférence un mercredi ( c'est son jour de congé ). En attendant, nous convenons que dès le lendemain, il ira procéder à des analyses de sang et d'urines sur Nestor ( les effets perturbateurs, si perturbations il y a, risquent de se dissiper ), chez Ernest et s'entendra avec Nestor pour aller à Bonneval.

Nous retournons chez Ernest vers 10 h 00. Nestor est parti voir son fils. Il y a là Ernest et Rosalie, Albert et une certaine Lorette, la journaliste Isabelle et deux jeunes gens*.

(*) L'un d'eux, Théodule, se trouvera être le représentant d'un groupement sicilien, le "Centre d'Étude de la Fraternité Cosmique" dont le grand maître Eugenio Syragusa se présente comme un "contacté" en rapport avec des entités extra- terrestres qui lui communiquent des messages.

La première partie de la réunion est dominée par la personnalité d'Ernest. De toute évidence, c'est le "leader" ; c'est lui qui a le plus de facilité d'élocution le plus de vocabulaire, le plus d'aisance. Rosalie et Nadège n'ouvriront pas la bouche. Albert parlera peu, citant essentiellement son incroyance profonde envers tout ce qui est scientifique. Il ne croyait pas que des hommes avaient marché sur la Lune ( depuis une semaine, il a un peu changé d'avis ). Par contre ; il a été impressionné par les démonstrations d'hypnose de l'après-midi : induction post-hypnotique pour annihiler les désirs ( se lever d'un siège, fumer ). Nous expliquons que cela montre bien l'influence de l'hypnotiseur sur le sujet et suffit à mettre en doute l'objectivité du discours sous hypnose ; cette logique semble échapper à nos interlocuteurs...

Théodule sera finalement plus bavard qu'Albert. En fait, il est là moins pour écouter que pour parler, moins pour apprendre que pour enseigner. Il parle de ce qu'il "sait" sur les extraterrestres, de ce qui va arriver à Nestor et aux autres ( ils vont devenir plus intelligents, il y aura de nouveaux "contacts", ... ). Il parle beaucoup de sentiments et des rapports avec autrui : "tu es d'une grande sensibilité" dira-t-il à Nestor ; "je te perçois comme un cœur". Le vocabulaire est pauvre, les idées simples. Il intervient souvent, coupant la parole aux autres.

Ernest est loquace, au moins jusqu'à l'arrivée de Nestor. Il expose ses vues sur les problèmes les plus divers. Quelques thèmes ressortent : méfiance et mépris de la police et d'une manière générale de tout ce qui est officiel ( GEPAN y compris ). L'amalgame GEPAN-Police ( ou Gendarmerie ) est évident. Nous aurons beaucoup de mal à le démentir et à faire admettre une image de chercheur scientifique ( le concept ne semble pas avoir beaucoup de sens pour nos interlocuteurs ). Ernest revendique une étiquette anarchiste.

Il exprime un mépris certain pour les journalistes "de tout poil" et leurs intérêts financiers. Des américains ( du "National Enquirer" après vérification ) leur ont proposé 1 000 dollars à chacun. Il en rit. L'argent ne l'intéresse pas d'autant plus que tout le monde ( la police, ... ) a tendance à penser qu'ils font ça pour de l'argent. Cependant, il insistera longuement sur la situation catastrophique dans laquelle ils sont maintenant : Pas d'argent, impossibilité de continuer à vendre sur les marchés ou même d'aller faire des courses sans être accostés, interpellés raillés, les loyers à payer, etc...

Il affiche aussi un profond mépris pour la secte "Raëlienne" organisée en France autour de Claude Vorilhon, alias Raël, et qui collecte des fonds pour construire de somptueuses villas destinées à accueillir les extraterrestres. "Ceux-là, dit-il, il faudrait les enfermer ; ils trompent les gens".

Ernest change de ton pour parler des événements de la semaine écoulée. Il dit que cela lui pose des problèmes par rapport à ses convictions antérieures, en particulier après avoir parlé avec Nestor. Il dit même à Théodule qu'il trouve dans certains de ses propos des choses qui lui rappellent les confidences de Nestor. Il exprime un certain inconfort. Il est en état de crise. Mais tout cela reste peu explicité.

Vers 11 h 00, arrivent Nestor et Nadège accompagnés d'un autre jeune homme. Ils viennent de voir leur enfant et ont renversé une vieille dame avec la voiture ( Taunus Break ) sur le chemin du retour*.

(*) Deux gendarmes sont venus brièvement quelques instants auparavant, pour chercher les papiers de la voiture. Ils ne les ont pas et elle n'est pas assurée...

Nestor devient vite le pôle de la discussion. Il expose d'emblée son idée du "destin". Rien n'est dû au hasard, tout a un sens. Il le pensait mais maintenant il en est sûr. A preuve, la lueur qu'ils ont vue le 26 novembre, le fait qu'il soit parti en voiture dans sa direction ( il dit conduire très mal et être d'un naturel peureux ), son enlèvement et l'accident avec la vieille dame ( il avait le choix entre deux routes et a choisi celle où l'accident a eu lieu peu après ). Il croit à des forces supérieures et à la réincarnation : "je crois en dieu et au Diable. Ils existent indiscutablement mais je suis incroyant (sic)". Il raconte aussi son intérêt pour le spiritisme mais dit s'en être détourné par crainte ou peur de mettre en jeu des pouvoirs occultes. Il parle aussi de quelques expériences de drogues et motive au passage son refus de se faire hypnotiser** par crainte de les faire ressurgir dans son discours.

(**) Seul Ernest a été hypnotisé par l'équipe d'Ignace dans l'après-midi.

Dans le courant de la conversation, revient la question des examens physiologiques. Nestor dit en avoir peur ( "si on me fait une piqûre, je tombe dans les pommes" ) et être toujours réticent à l'idée d'aller à Bonneval, même accompagné de son médecin, le Docteur Sylvain. Par contre, il est d'accord pour que son médecin l'examine chez Ernest le lendemain. Rendez-vous est pris pour 11 h 30.

Nestor parle aussi de son peu d'intérêt pour les "OVNI". Il a vu "Rencontres du troisième type" mais n'a pas aimé. Par contre, "L'exorciste" lui a fait une très forte impression ; il a "vécu" le film à la place de l'héroïne et "chacune de ses paroles était comme un coup de couteau dans sa tête".Quant aux observations d' "OVNI'', il n'y croit pas ; seuls comptent les rencontres et les enlèvements.

Pour ce qui est des événements qu'il a vécus à partir du 26 novembre 79, Il se montre méfiant envers nous et déclare ne pas vouloir parler sans avoir "des garanties" que la police n'utilisera pas ses révélations contre lui. Mais à la question de savoir quelles garanties il désire, il n'apporte pas de réponse explicite.

Il parle pourtant petit à petit de cette période en insistant sur son caractère onirique ( sans employer le mot ) : elle peut être considérée comme une expérience intérieure. Il dit lui-même qu'elle s'est passée "dans sa tête". Quand il s'est "réveillé" le lundi 3 décembre, au bord du champ de choux, il a pensé tout d'abord qu'il venait de faire un rêve. Il a marché et constaté l'absence de la voiture. Sa première idée fut qu'elle avait été volée, et il s'est précipité chez ses copains pour le leur dire...

Maintenant et progressivement, certaines choses lui reviennent à l'esprit. La nuit du lundi au mardi a été bonne : il a dormi. Mais il a revécu des fragments de son expérience dans son sommeil ( il n'emploie pas le mot rêve ), ce qui produit un rappel de ce qu'il a vécu : "maintenant, ça commence à me revenir" dit-il. Il se souvient de beaucoup de choses, mais pour ajouter aussitôt qu'il ne désire pas en parler et qu'il ne nous dira pas tout.

Il explique avoir été en contact avec des êtres ( sans employer le mot ) qu'il désigne par "quelqu'un", "il(s)", "elle(s)". Sollicité sur ce point, il précise que là où il était, il y avait des sexes. Cependant, ces êtres n'ont pas de corps, et lui-même n'avait pas de corps. D'après lui, il ne faudrait pas se les représenter avec deux tètes et trois yeux par exemple. Il baignait dans une sorte de brouillard ; les échanges avec les êtres n'étaient pas verbaux. Cependant, ils "parlaient" français, lentement, comme si c'était pour eux une langue étrangère et avec une "voix" caverneuse. La communication s'établissait "d'eux" vers lui, il n'y avait pas de discussion.

Nestor a le sentiment que ces êtres savaient tout, et qu'en regard nous ne savons rien. Il semble s'expliquer ainsi la communication à sens unique. Il se moque au passage de ceux qui auraient prétendu s'être approché d'un "OVNI" en se cachant, car "eux" voient tout et les murs ne leur sont pas des obstacles.

Là où il était, le temps avait disparu. Comme l'un de nous parle des "jours" Pendant lesquels Nestor a disparu, celui-ci l'arrête aussitôt en disant "non, il n'y a pas de temps. J'ai pu ne rester là-bas qu'une demi-heure". Nestor a fait l'expérience d'une absence de limites ( "il n'y avait pas de limites" ) mais aussi d'autres dimensions ou de faits impossibles et contradictoires. Il s'explique par une image : comme cette table sur laquelle la tasse de café est posée, mais à travers laquelle la main passerait... Il éprouve un changement plus radical de lui-même qu'il décrit comme une abolition de toute peur et de tout orgueil. Et pour cette raison, son expérience ne ressemble pas du tout, d'après lui, à celles que procurent la drogue ou l'alcool car avec ces derniers "on reste soi-même". Ce fut un rêve, ni agréable, ni désagréable à proprement parler, mais pas du tout un cauchemar. Comme on s'étonne de la différence de ses réactions face au film "L'exorciste" et à cette aventure bien plus singulière il répond qu'il était dans une position de pur observateur, dénué de toute peur.

A partir de 2 h 00 du matin, la conversation commence à languir. Nestor ne semble pas disposé à en dire plus. Mais l'atmosphère, tendue au départ, s'est nettement améliorée. Les membres du GEPAN se retirent en rappelant le rendez-vous pour la fin de la matinée.

 

2.4. LE MERCREDI 5 DÉCEMBRE 79

Arrivés à 11 h 30 en L1, nous tombons sur de nombreux journalistes, magnétophone en bandoulière, qui se précipitent vers l'appartement d'Ernest. Nous suivons sans comprendre et sans répondre aux questions des reporters. Devant chez Ernest, la situation s'éclaire. Une conférence de presse a été organisée par Nestor, Ernest, Albert et les autres, ou affluent tout ce que Paris compte de radios et journaux à large audience. Devant la porte, un jeune homme ( celui qui a ramené Nestor et Rosalie, la veille au soir ) surveille les entrées. Il nous offre d'assister à la conférence de presse mais nous déclinons l'invitation. Nous attendons en compagnie du Docteur Sylvain.

Vers midi, après quelques dernières prises de vue de Nestor dans le champ de choux, nous entrons chez Ernest pour retrouver Nestor et la plupart des protagonistes de la veille. Seule personne nouvelle, un méridional obèse qui se trouve être le propriétaire du Break Taunus, et en quelque sorte le commanditaire des ventes sur les marchés. L'atmosphère est très différente de la veille, plus méfiante, plus tendue.

Le Docteur Sylvain tente de procéder à une prise de sang sur Nestor ; celui-ci se rebelle, surtout quand le Docteur Sylvain lui dit que seul le GEPAN demande ce prélèvement, indépendamment de la Police et du Parquet. Le Docteur le rabroue et le "charrie" comme un père le ferait d'un enfant capricieux. Finalement, Nestor le laisse faire ( sans s'évanouir ), puis le Docteur procède à un examen dermatologique rapide qui ne révèle rien de particulier. De plus, le médecin confie un bidon à Nestor avec mission d'y recueillir ses urines pendant 24 heures, puis de l'apporter au Laboratoire d'analyse de V2. Enfin, le médecin demande à Nestor de passer le voir à son cabinet de V3 pour faire une radio des poumons. Finalement, le Docteur Sylvain nous confie les flacons de sang et se retire.

Nous restons discuter encore un moment. Les thèmes de la veille sont abordés, sans ardeur. Le méridional affiche à notre égard méfiance et mépris, voire même une certaine agressivité. Nestor, Ernest et Albert se montrent fuyants. Le méridional se moque d'eux et leur dit qu'ils devraient essayer de gagner de l'argent avec cette histoire, grâce aux journalistes. Il dispute le leadership du groupe à Ernest. Celui-ci se défend. La conversation languit. Nous nous apprêtons à partir. Albert, énervé, clame "'qu'il sait que nous travaillons pour la police". Nous protestons. Il crie : "vous pouvez raconter ce que vous voulez je le sais !". Nous nous retirons en serrant les mains.

Dans l'après-midi, des journalistes qui ont assisté à la conférence de presse nous abordent : "ils ne vous ont pas gâtés !" disent-ils. Petit à petit nous apprenons le contenu de cette conférence. Les propos de Nestor et Ernest seront d'ailleurs largement repris par la presse et la radio. Selon eux, les membres du GEPAN sont venus chez eux la veille au soir et "sont partis au bout d'une demi-heure en disant qu'ils étaient fatigués. Alors le GEPAN ça suffit comme ça !".

Un tel compte rendu de la soirée précédente exigeait de nous une réflexion sur la conduite à tenir. Les comptes furent vite faits. Pour ce qui est des analyses, le Docteur Sylvain nous avait permis d'obtenir des prélèvements sanguins. Pour le reste ( urine, radiographies ou toute autre analyse plus poussée ) Nestor n'avait confiance qu'en son médecin et avait rendez-vous avec lui. Toute intervention de notre part ne pourrait être que nuisible. Par ailleurs, l'attitude des témoins à notre égard ne nous poussait pas à continuer : ils n'avaient tenu aucun compte des rendez-vous successifs qu'ils nous donnaient ; ils avaient complètement déformé les faits pour les inscrire dans leurs présupposés. Les rapports qu'ils avaient ainsi définis avec nous étaient totalement inacceptables. D'autre part, nous avions beaucoup de détails à vérifier et à étudier. Nous décidâmes donc de suspendre notre enquête auprès des témoins.

 

 




SUITE...




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