CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES
Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés
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Toulouse, le 27 avril 1981 N° 110 CT/GEPAN
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NOTE TECHNIQUE N°3
METHODOLOGIE D'UN PROBLEME
Principes & Applications
(Méthodologie - Isocélie - Information)
PRÉSENTATION
1 - LE PROBLÈME DES PHÉNOMÈNES AÉROSPATIAUX NON IDENTIFIÉS
1.1. Introduction
1.2. Quelques idées fausses
1.3. Quelques études contradictoires
1.4. Que faire ?
2 - ÉLÉMENTS D'UNE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1. Remarques préliminaires
2.2. Schéma directeur
2.3. Stratégie de recherche
2.4. Conclusion
3 - ÉTUDE DE L'ISOCÉLIE
3.1. Les résultats de JC. FUMOUX et JF. GILLE
3.2. D'autres résultats
3.3. Remarques méthodologiques
4 - QUESTIONS D'INFORMATION
4.1. Questions de principes
4.2. Quelques aspects pratiques
4.3. Polémique de la recherche et recherche de la polémique
4.4. A propos des erreurs de lecture
5 - CONCLUSION DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS
L'histoire des individus, comme celle des groupes sociaux, subit parfois des accélérations
brutales. Des événements qui semblaient suivre un cours à peu près régulier, se voient
soudain happés dans un tourbillon et, comme si le temps s'accélérait, fournissent d'un seul
coup une masse abondante d'informations enchevêtrées, d'autant plus difficiles à recueillir et
à analyser.
L'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés n'échappe pas à la règle : un tel
soubresaut s'est produit en France, entre l'automne 1979 et l'été 1980. Le calme qui,
généralement, suit la tempête, peut tarder à venir, et rien ne permet d'affirmer aujourd'hui que
ce nouveau stade soit atteint.
Mais, ces périodes d'accélérations ont parfois un avantage ; elles peuvent servir de
révélateurs. Ainsi, des aspects d'un problème, qui d'ordinaire peuvent sembler secondaires
ou s'estomper dans l'ensemble des données routinières, se trouvent soudain mis en évidence
et amplifiés par la précipitation générale avec laquelle les idées et les informations sont
présentées et défendues.
Les media et le public répondent alors à cette offre par une demande en proportion. C'est
ainsi qu'en ufologie, l'accélération que nous avons signalée a porté au premier plan quelques
résultats et informations sensationnels présentés comme scientifiques.
Qu'en est-il exactement de ces théories, de ces informations et de la manière dont elles ont
été obtenues et diffusées ? Nous allons maintenant entreprendre de l'examiner.
Nous ne considérerons pas en détail dans cette seule note, toutes les informations ainsi
valorisées au cours de la période allant de l'automne 1979 à l'été 1980 ; elles sont trop
nombreuses. De plus, un tel examen ne pourra être clair sans commencer par un exposé de
l'état antérieur ( et encore largement actuel ) des idées couramment admises, à tort ou à raison
concernant les phénomènes aérospatiaux non identifiés.
Nous en profiterons pour réfléchir sur la portée et les insuffisances des études antérieurement
menées à ce sujet, et sur la manière dont les chercheurs scientifiques, avec la portée et les
limites des méthodes qui leur sont propres, peuvent entreprendre d'étudier ces questions.
Sans que cette réflexion puisse être considérée comme achevée ( mais le sera-t-elle
jamais ? ), nous pourrons ainsi mieux examiner ces théories et informations.
Bien entendu, de telles analyses pourront se poursuivre dans des notes ultérieures.
LE PROBLÈME
DES PHÉNOMÈNES AÉROSPATIAUX
NON IDENTIFIÉS
A. ESTERLE
1.1. INTRODUCTION
Chacun sait maintenant que certaines personnes témoignent, occasionnellement avoir
observé dans le ciel ou près du sol, des phénomènes généralement lumineux dont elles n'on
pu reconnaître la nature ( 1 ). Les descriptions et les narrations les plus diverses ( voire les plus
fantastiques ) circulent à ce sujet, utilisant tous les supports d'information radio, presse,
télévision, cinéma, livres, magazines spécialisés, ...
(1) Ces phénomènes, les témoignages qui en font état, d'éventuels enregistrements ou traces physiques qui y
sont associés, constituent ce que l'on appelle couramment le phénomène OVNI.
Parallèlement à ces récits, un certain nombre d'idées, d'interprétations, d'hypothèses
( d'ailleurs contradictoires ), se sont répandues à leur sujet. Face à une telle confusion et à la
persistance de ces informations, le Centre National d'Etudes Spatiales décidait en 1977, de
créer un service spécialisé : le GEPAN ( Groupe d'Etudes des Phénomènes
Aérospatiaux Non identifiés ) chargé d'examiner ces informations, d'en extraire le
contenu pertinent et de développer les études qui paraîtraient appropriées.
La première difficulté était d'arriver, autant que possible, à dépouiller ce problème des
présupposés et des informations erronées qui y abondent, en vue de le définir tel qu'il se
pose réellement.
1.2. QUELQUES IDEES FAUSSES
Rappelons tout d'abord que ce phénomène n'est pas aussi réduit et limité en quantité qu'on
ne le croit souvent. Par exemple, depuis le début de l'année 1974 ( date à laquelle la
Gendarmerie Nationale a décidé de recueillir les témoignages volontaires ), on peut constater
qu'une moyenne de 150 procès verbaux annuels ( 2 ) ont été rédigés dans les brigades de
Gendarmerie, chacun constitué des témoignages d'une ou plusieurs personnes. Ce nombre
semble plus représentatif que celui des articles de presse ( difficilement mesurable ) ou des
témoignages issus d'un groupe social réduit ( Armées, par exemple ). Les brigades de
Gendarmerie sont en rapport avec l'ensemble de la population et forment un circuit
d'information stable et constant ; c'est une courroie de transmission neutre et "désintéressée",
ce qui n'est pas toujours le cas de la démarche journalistique. Indépendamment du fait que
les phénomènes incriminés puissent être finalement identifiés ou non, nous avons là une
situation ( perception, interprétation, témoignage ) qui est loin d'être exceptionnelle ou
numériquement négligeable.
(2) Ce nombre annuel oscille en fait entre 120 et 180. Ce nombre de témoignages en France est en accord
avec les quelques 12 000 témoignages recueillis aux U.S.A. ( parmi une population 4 fois plus nombreuse ), par
les Commissions officielles chargées de les étudier de 1950 à 1970.
Il existe une autre idée très couramment répandue selon laquelle toutes ces informations ne
seraient que des confusions, des témoignages inventés de toute pièce ou des méprises
facilement reconnaissables par des spécialistes.
Il est parfaitement exact que de nombreuses confusions existent au point que certaines sont
devenues classiques : un astre ( Lune, planète ) observé à partir d'un véhicule en mouvement
peut donner parfois l'impression qu'il suit le témoin à quelques centaines de mètres ; des
hélicoptères "sous le vent" peuvent ne pas être entendus la nuit et former un ballet lumineux
très étrange.
Il est aussi parfaitement exact que des canulars ont été montés à partir de ce thème :
n'offrent-ils pas un moyen extraordinaire de se reconstruire une personnalité flatteuse, voire
lucrative, vis-à-vis d'autrui ? Des sectes se sont même construites sur de telles bases, aux
Etats-Unis comme en Europe ( 3 ). Elles font preuve dune excellente santé financière et d'un
impact populaire croissant.
(3) Citons les "Space Brother" aux U.S.A., le "Mouvement Raéllien" en France, le "Centre d'Etudes de la
Fraternité Cosmique" en Italie, etc...
Enfin, on peut constater sans peine que la transmission des informations à propos de telles
observations s'accompagne très souvent des phénomènes classiques de sélection,
déformation, exagération, interprétation gratuites qui peuvent apparaître à l'occasion de toute
circulation d'informations. Les versions proposées n'ont parfois que de lointains rapports avec
le témoignage initial.
En fait, la réalité n'est pas aussi simple car ces différents aspects, parfaitement constatables,
ne suffisent pas à rendre compte de l'ensemble des données. En effet, depuis que les
brigades de Gendarmerie recueillent systématiquement les témoignages, il s'est constitué un
corpus d'informations de première main qui par leur forme, leur structure, présentent une
certaine homogénéité et dont l'origine peut être vérifiée et contrôlée sans ambiguité. Dans ce
corpus, une analyse approfondie met en évidence une proportion extrêmement réduite de
canulars et falsifications. On n'en trouve plus que quelques exemples isolés. Ceci est
parfaitement compréhensible en raison du statut des enquêteurs ( gendarmes ), du sérieux des
enquêtes menées et de l'idée que peuvent s'en faire les candidats aux canulars.
Ces analyses détaillées permettent de déceler de nombreuses confusions possibles,
probables ou certaines. Restent cependant une proportion non négligeable ( de l'ordre de
20 % ) de cas d'observations qui ne peuvent être raisonnablement classés dans l'une de ces
catégories ( cf. Réf. 4 ). Certains d'entre eux suggèrent alors des approfondissements
théoriques ou expérimentaux dans des domaines particuliers ( météorologie,
électromagnétisme, psychologie, ... ). La réduction à des confusions, des canulars ou de
fausses nouvelles est une vue beaucoup trop simpliste de la question.
Une troisième série d'idées couramment répandues qui ne résistent pas à l'examen des
données, concerne les témoins eux-mêmes, leur statut social, leur compétence, leur capacité
à observer. Quelques études ont été menées dans ce sens
( cf. Réf. 4 & 6 ) d'où il ressort que
ni le sexe, ni l'âge, ni la catégorie socio-professionnelle ne permettent de dégager
formellement une loi particulière caractérisant les témoins déclarés. Plus précisément, toutes
les classes de la société sont représentées et les écarts par rapport à la distribution normale
( proportion dans l'ensemble de la population ) peuvent se justifier par les conditions
d'observations ( un paysan est plus souvent à l'extérieur qu'un employé de bureau ). En
particulier, il faut abandonner l'idée que les "scientifiques" n'observent pas de phénomènes
insolites. Ceci est en contradiction directe avec le fait que nous ayons recueilli plusieurs
témoignages de hautes personnalités du monde des Sciences. C'est aussi en contradiction
avec les résultats statistiques obtenus tant en URSS ( cf. Réf. 5)
qu'aux USA ( cf. Réf. 8 ). La
compétence scientifique se retrouve parmi les témoins déclarés, tout autant, sinon plus, que
dans l'ensemble de la population. Similairement, il serait faux de croire qu'il n'y aurait jamais
plusieurs témoins indépendants. Les études montrent que les témoins sont souvent multiples
( 30 % de témoins uniques ) ( cf. Réf. 6 )
et qu'il arrive qu'une observation soit faite par plusieurs témoins indépendants.
Signalons enfin une dernière idée que l'on rencontre fréquemment selon laquelle les témoins
seraient d'une manière ou d'une autre atteints de troubles d'ordre psychopathologique. Il est
exact que le thème extra-terrestre peut servir à rationaliser un certain nombre de psychoses
( sentiment d'être persécuté, observé, poursuivi, contrôlé, ... ). Nous en avons des exemples.
Mais cette situation ne s'accompagne généralement pas de l'observation de phénomènes
lumineux, comparables à ceux décrits dans les procès-verbaux de Gendarmerie. Les témoins
de tels phénomènes, à l'inverse, ne montrent pas dans leur comportement, pour autant que
nous ayons pu en juger jusqu'à présent, d'éléments qui révèlent un quelconque problème
psychopathologique.
On voit donc que le problème des phénomènes aérospatiaux non identifiés n'a pas le contenu
qu'on lui prête généralement. Il n'est pas aussi simple, aussi facilement réductible à quelques
idées élémentaires. C'est vers une réflexion beaucoup plus élaborée qu'il nous faut nous
tourner si nous voulons éclaircir ce problème et répondre à la question qui reste posée :
"Quelles sont les natures des stimuli qui occasionnent ces informations ?".
Plusieurs tentatives ont été faites à ce jour pour défendre telle ou telle hypothèse. Bien que
ces travaux soient dignes d'intérêt, il s'avère à l'examen que la portée des conclusions que
l'on peut en tirer est généralement plus réduite que l'on ne pourrait l'espérer. Ceci soulève
des problèmes de méthodologie sur lesquels nous serons appelés à revenir.
1.3. QUELQUES ETUDES CONTRADICTOIRES
La principale difficulté que l'on voit immédiatement apparaître, tient à la très grande variété
des descriptions de phénomènes et à la diversité des témoins. Comme nous l'avons vu au
paragraphe précédent, quelques exemples peuvent venir conforter telle ou telle interprétation
immédiate, mais aucune de ces idées simples ne vient répondre à l'ensemble des données. Il
y a une difficulté certaine à formuler seulement une hypothèse générale interprétative de
l'ensemble du phénomène dans tous ses aspects.
Cette constatation étant faite, examinons brièvement quelques-uns des travaux les plus
intéressants qui aient été développés à ce sujet.
C'est du côté de la psychologie que nous allons trouver une des premières réflexions de fond
menée à propos de ces observations de phénomènes aérospatiaux non identifiés
(cf. Réf. 7 )( 4 ).
(4) A l'époque, ces phénomènes n'étaient pas désignés sous le nom d'OVNI mais sous celui de "soucoupes
volantes".
En 1960, Carl JUNG publie "Un mythe moderne", livre de réflexion sur la psychologie des
observations de "soucoupes volantes". Refusant de se prononcer sur la matérialité physique
des faits observés, il étudie ces phénomènes que l'on prétend souvent avoir "vus" comme si
on les avait "rêvés".
Cette étude s'inscrit dans le cadre de sa démarche générale et s'appuie sur les concepts qu'il
avait préalablement introduits. C'est le cas, en particulier, de "l'inconscient collectif", cette
fonction psychologique dont l'homme serait imprégné depuis l'aube de l'humanité et qui
porterait en elle un symbolisme immuable que JUNG a exploré dans les démarches
alchimistes, cabalistiques, et ésotériques ainsi que dans nos structures culturelles modernes.
Ainsi, selon JUNG, ces phénomènes "observés" ne seraient qu'une forme d'expression de
l'inadéquation de l'homme moderne à lui-même et au monde, de la détresse qu'il en ressent
et de ses efforts pour réconcilier les forces contraires qui l'habitent. Cette expression
particulière puise dans l'actualité du moment et dans cet inconscient collectif riche en
symboles. D'autres voies d'émergence de l'inconscient ( littérature, peinture, poésie, ... )
expriment des idées analogues et JUNG a amplement étudié ces aspects.
Quant à la composante physique des phénomènes observés, l'auteur refuse de prendre parti
tout en proposant une solution d'ordre parapsychologique, une fonction "imaginante"
inconsciente susceptible de "matérialisation".
Une telle étude est riche d'idées sous-jacentes mais ne peut être considérée comme un point
final, une solution ultime. Le système conceptuel sur lequel elle s'appuie est loin de faire
l'unanimité ; il ne correspond qu'à une "école" de psychologie. A plus forte raison, les
explications parapsychologiques ne peuvent être considérées au mieux que comme une
hypothèse. D'ailleurs, JUNG était parfaitement conscient que la psychologie et la
psychosociologie ne pouvaient, à elles seules, nous instruire sur la nature ultime des choses.
Malheureusement, ses épigones avoués ou occultes ont largement oublié la prudence du
célèbre psychopathologiste.
La recherche d'une explication psychologique ou psychosociologique des phénomènes
aérospatiaux non identifiés est en fait aussi vieille que leur manifestation contemporaine
( depuis la dernière guerre ). Mais, à l'inverse de JUNG, les défenseurs de cette thèse ont
souvent suggéré, explicitement ou non, des conclusions réductionnistes ( puisqu'il y a une
explication d'ordre psychologique, il n'y a que ça ). C'est confondre le désir, l'attente des faits
et les faits eux-mêmes. L'étude de ces attentes est certes indispensable, c'est une
composante importante du problème. Mais elle ne pourra, par nature même, nous conduire à
elle seule à une solution.
Aussi, n'est-il pas étonnant de voir que cette méprise n'intervient guère que dans les travaux
de non-psychologues. Beaucoup de personnes s'y sont essayées ; certaines dotées d'une
formation scientifique ( M. MENZEL, astrophysicien, M. KLASS, journaliste en aéronautique ),
d'autres exemptes d'une telle formation ( M. MONNERIE, par exemple ). Les idées
développées dans cette perspective ne sont pas inintéressantes et tournent autour du rapport
entre la psychologie individuelle ( perception, interprétation, témoignage ) et l'environnement
psychosocial. Elles restent cependant souvent sommaires et conduisent à orienter à priori
l'analyse des données en vue d'une réduction systématique, voire simpliste, à cet aspect.
En résumé, la composante psychologique ( à tous niveaux ) est un des éléments du problème
dont l'étude doit être poursuivie et approfondie. En retour, ce ne saurait être la seule si l'on
veut éviter des conclusions infondées.
Diamétralement opposée à l'orientation psychosociale, l'hypothèse de l'origine extra-terrestre
des phénomènes rapportés a eu depuis 30 ans, une grande vogue. Outre l'attirance qu'elle
peut avoir en elle-même ( nous ne sommes pas seuls, "ils" sont plus intelligents, "ils" nous
guident, ... ) elle a "l'avantage" ( ou l'inconvénient ) de proposer peu de démarches de
recherches proprement dites : face à une intelligence et une technologie supérieures,
comment pourrions-nous agir pour accéder à leur compréhension ?
C'est si vrai que cette hypothèse s'accompagne parfois chez ses défenseurs du sentiment
d'être choisis, guidés vers la solution, programmés pour comprendre... La paranoïa n'est pas
loin. Peut-être est-ce pourquoi ces personnes se montrent souvent réfractaires à l'idée de
composante psychologique du problème et d'étude dans ce sens.
A l'inverse, il faut noter la position prise par quelques unes des personnes qui ont examiné la
question depuis l'après-guerre ( M. A. MICHEL par exemple ) : si le phénomène est
métanthropique ( 5 ), nous sommes impuissants à le comprendre. Position logique et
finalement courageuse, mais elle reste liée au choix de l'hypothèse étudiée et cette situation
rencontre là un précédent historique fameux qu'il nous faut maintenant rappeler.
(5) Meta-anthropos : au-delà de l'homme.
De 1966 à 1968, une Commission scientifique américaine a étudié, sous la direction du Dr
CONDON, les informations faisant état de l'observation "d'objets volants non identifiés". Dans
le rapport final ( cf. Réf. 1), le Dr CONDON s'attachait à examiner la validité de l'hypothèse
extra-terrestre tout en discutant de la méthodologie employée :
"Bien qu'après deux années d'études intensives, nous concluions que nous ne voyons
pas de direction prometteuse venir de l'étude des OVNI, nous pensons que tout
scientifique, nanti de la formation et de la compétence requises, qui présente un
programme d'études détaillées et clairement définies, devrait être soutenu ( ... ). Reste
la question de savoir ce que devrait faire le Gouvernement Fédéral, pour autant qu'il
doive faire quelque chose, à partir des témoignages d'observations d'OVNI qu'il reçoit
du public. Nous avons tendance à penser que rien ne devrait être fait de ces
témoignages qui serait justifié par l'espoir de contribuer au progrès scientifique ( ... ).
Dans les cas que nous étudions... nous avons trouvé qu'aucune preuve de quelque
nature que ce soit n'existe actuellement en faveur de l'idée qu'un OVNI serait un
véhicule spatial venu visiter la Terre à partir d'une autre civilisation".
Comme on le sait, la conséquence de ce rapport fut l'arrêt de toute recherche officielle aux
Etats-Unis, ainsi que la fermeture des services chargés de recueillir les informations.
Cependant, de nombreux scientifiques ont critiqué ces conclusions.
En particulier, le Dr STURROCK ( cf. Réf. 2) nota des différences certaines entre les
conclusions générales du Dr CONDON et les conclusions plus spécifiques des enquêteurs et
chercheurs de son équipe. Pour les cas étudiés, ceux-ci ont plusieurs fois conclu qu'ils ne
pouvaient pas identifier le phénomène malgré l'abondance et la qualité des informations
disponibles. Pour cette raison, ils sont restés beaucoup plus prudents quant à la validité de
l'hypothèse proposée.
Comme le fait remarquer le Dr STURROCK : "Le problème OVNI est probablement plus
proche de l'astronomie que de la physique... l'importance des faits observés ne peut devenir
significative que lorsqu'un très grand nombre d'observations sont combinées... Un autre point
important d'une méthode scientifique est, dans le cas où quelqu'un émettrait une hypothèse
( extraterrestre par exemple ), de ne la considérer que comme un élément d'un ensemble
d'hypothèses complètes et mutuellement exclusives". Ceci a été clairement reconnu par
THAYER ( rapport final page 116 ) mais apparemment ignoré par CONDON et les autres
membres du Projet.
Nous retrouvons donc bien la même idée : difficilement réfutable, l'hypothèse extra-terrestre
est encore plus difficile à mettre en oeuvre, à elle seule, dans une stratégie de recherche
cohérente. Les scientifiques sont donc contraints de procéder pas à pas à partir des éléments
dont ils disposent, sans en négliger aucun, avec les concepts et les méthodes de la
recherche la plus rigoureuse, en gardant un champ largement ouvert d'hypothèses
envisageables. Nous verrons, au chapitre suivant, comment une telle recherche peut
s'organiser.
A la suite des travaux de la Commission CONDON, d'autres études plus ponctuelles et
individuelles furent entreprises. Nous en citerons seulement une qui se différencie nettement
de tout ce qui précède.
Cette recherche ( due à C. POHER ) part de quelques idées simples et utilise l'outil statistique.
Il s'agit simplement de vérifier si les lois de perception de phénomènes physiques sont
respectées sur l'ensemble des témoignages. Pour cela, plusieurs études furent faites pour
comparer le nombre d'observations aux conditions de visibilité évaluée, la distance évaluée à
la luminosité et à la hauteur dans le ciel ( loi de BOUGUER ), etc... Les résultats obtenus à
partir d'un ensemble de témoignages divers furent très positifs apparemment, les
phénomènes décrits étaient perçus comme des phénomènes physiques.
Mais beaucoup de personnes se sont méprises sur la portée de ces résultats partiels.
Certains ont cru pouvoir en conclure qu'il s'agissait bien de phénomènes physiques, d'autres
qu'il s'agissait même de phénomènes physiques connus ( 6 ). De telles conclusions sont
beaucoup trop prématurées. D'abord parce que ces lois de perceptions de phénomènes
physiques ne sont établies que pour des objets assez éloignés ( loi de BOUGUER par
exemple ), et ne peut donc s'appliquer qu'à cette catégorie de témoignages. Ensuite, et
surtout, parce qu'un paramètre tel que la distance est généralement évalué sans point de
repère, plus ou moins intuitivement. On peut donc se demander s'il n'existerait pas une
boucle de régulation inconsciente qui à partir de certains paramètres ( hauteur sur l'horizon,
luminosité, quantité de détails ) viendrait ajuster l'évaluation de la distance pour rendre
l'ensemble conforme au vécu quotidien. Ces résultats statistiques appellent donc, pour être
correctement interprétés, des prolongements en psychologie expérimentale.
(6) Cette petite perle est due à la plume rationalisée de MM. BARTHEL, BRUCKER et MONNERIE ( Sciences et
vie - n° de mars 1980 ).
De ce panorama rapide et nécessairement partiel des études antérieures, nous pouvons
retenir quelques résultats intermédiaires. Ils ne concernent au mieux que des aspects choisis
du problème, considérés séparément. Ils suggèrent des études plus approfondies sans
pouvoir apporter de réponse définitive.
1.4. QUE FAIRE ?
Ce qui caractérise ce problème c'est sans doute sa variété, sa complexité, son absence
d'homogénéité. Cette variété se constate si l'on considére la population des témoins, les
circonstances d'observations ( lieux et dates ) et le contenu des témoignages ( observations
lointaines de phénomènes lumineux quasi-ponctuels, "atterrissages" présumés, photos peu
probantes, descriptions "d'entités", etc... ). La non-homogénéité se constate aussi dans le fait
qu'on n'a pu jusqu'à présent relier les observations par un lien logique quelconque ( à part
pour certains canulars à répétition ).
Une pareille absence d'homogénéité apparait aussi lorsque l'on considére les quelques
études sérieuses menées jusqu'à présent dans ce domaine. La portée en a toujours été
assez limitée soit par vice de méthode soit en raison du choix particulier des éléments
étudiés. Les orientations d'études complémentaires ainsi suggérées sont d'ailleurs elles aussi
diverses, voire contradictoires.
L'action du GEPAN consiste donc à examiner le problème dans toute sa complexité pour en
déceler les différents éléments et pour chacun d'eux envisager les méthodes d'études
possibles. Nous sommes en présence d'un problème authentique ( l'abondance des
témoignages, qui fait partie du problème, le prouve ), qui n'est pas réductible à quelques idées
simples ( confusion, canular, incompétence des témoins, etc.... ) et qui ne peut être résolu par
des études ponctuelles, indépendantes et dispersées. Jusqu'à présent, ces difficultés ont
favorisé la prolifération désordonnée de croyances, convictions, certitudes les plus diverses et
les plus contradictoires.
La question qui se pose maintenant est de savoir comment un tel problème doit être abordé
par les différentes branches de la recherche scientifique ( en Sciences physiques comme en
Sciences humaines ) pour tracer le chemin vers une compréhension de ses fondements
premiers et répondre à tant d'incertitudes.
SUITE...
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