CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

Toulouse, le 27 avril 1981
N° 110 CT/GEPAN


 

NOTE TECHNIQUE N°3


 

METHODOLOGIE D'UN PROBLEME
Principes & Applications

(Méthodologie - Isocélie - Information)




TABLE DES MATIÈRES

PRÉSENTATION

1 - LE PROBLÈME DES PHÉNOMÈNES AÉROSPATIAUX NON IDENTIFIÉS

1.1. Introduction
1.2. Quelques idées fausses
1.3. Quelques études contradictoires
1.4. Que faire ?

2 - ÉLÉMENTS D'UNE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE

2.1. Remarques préliminaires
2.2. Schéma directeur
2.3. Stratégie de recherche
2.4. Conclusion

3 - ÉTUDE DE L'ISOCÉLIE

3.1. Les résultats de JC. FUMOUX et JF. GILLE
3.2. D'autres résultats
3.3. Remarques méthodologiques

4 - QUESTIONS D'INFORMATION

4.1. Questions de principes
4.2. Quelques aspects pratiques
4.3. Polémique de la recherche et recherche de la polémique
4.4. A propos des erreurs de lecture

5 - CONCLUSION DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS

 




 

CHAPITRE II

- ÉLÉMENTS D'UNE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE -

P. BESSE - A. ESTERLE - M. JIMENEZ

 

2.1. REMARQUES PRÉLIMINAIRES

On vient de voir à quel point les opinions les plus courantes sur le sujet s'avèrent peu fondées, et les études et recherches menées jusqu'à présent insuffisantes. Ces opinions échappent largement à toute référence directe aux données immédiates ( et constituent donc un phénomène de rumeur ) alors que ces études ont jusqu'à présent porté sur l'examen d'une hypothèse particulière, combinant souvent une sélection a priori des informations et une généralisation hâtive de résultats partiels ( en vue de "fonder" ou réfuter une hypothèse globale explicative de l'ensemble du problème ).

Une fois faites ces quelques constatations, la question importante reste posée : "Existe-t-il une démarche rigoureuse, non réductioniste, qui permette d'aborder ce problème et de progresser vers sa solution ? Quelle dynamique définir à partir d'une telle démarche ? Quelles étapes envisager sur le chemin d'une telle recherche ?".

Il ne s'agit pas là de fuir les problèmes pratiques en s'évadant dans une réflexion épistémologique abstraite et générale. La question est cependant fondamentale, car les réponses que nous pouvons y apporter, déterminent notre capacité de scientifiques à étudier en tant que tels le problème correspondant. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : nous ne prétendons pas que la méthode scientifique soit la seule envisageable ou la seule susceptible d'apporter des réponses intéressantes. Des démarches plus spéculatives, philosophiques, religieuses ou autres, peuvent tenter certains. Chacun est libre de ses choix. Nous voulons simplement souligner à quel point la démarche scientifique possède sa propre originalité, ses propres règles avec lesquelles on ne saurait transiger : les ufologues ont souvent reproché aux scientifiques de ne pas s'intéresser à leur problème ; il serait mal venus de leur reprocher d'y appliquer maintenant les méthodes qui font l'originalité de la démarche scientifique.

En quoi consiste cette originalité, et sur quels principes premiers peut se fonder une action de recherche ?

Pour les approcher, revenons à la source de la démarche scientifique, en considérant les sciences du réel ( physique, astronomie, sociologie, médecine, etc... ). On constate que toutes reposent sur des observations ou des expériences. C'est ce que l'on peut appeler les "observables". Les expériences du physicien, les observations de l'astronome, les enquêtes du sociologue portent sur des "observables" qui leur permettent de fonder leurs théories et auxquels ils doivent les soumettre. Ainsi, d'une certaine manière, on pourrait dire qu'un domaine de recherche scientifique se délimite par le choix de ses observables ( indépendamment de la technique - outil - d'observation et de son évolution, comme par exemple en astronomie ).

Pour l'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés, quels sont donc les observables ? Les plus immédiats sont bien sûr les témoins et leurs témoignages ; c'est par eux que le problème apparait et se développe. Ils sont l'information première. Cependant, ils ne constituent pas les seuls éléments directement saisissables. En effet, les observations des témoins se font en un lieu donné, dans des circonstances particulières ( topographique, géographique, météorologique, etc... ). C'est ce que nous appellerons l'environnement physique, au sens le plus large, dont l'étude est indispensable pour chaque cas d'observation et pour toute recherche générale sur le problème.

Mais, ces trois éléments ( témoins, témoignages, environnement physique ) ne suffisent pas à délimiter le champ d'étude. Un quatrième élément reste à désigner : celui qui intervient dans le fait que le témoignage circule et dans la forme qu'il prend, dans le comportement du témoin vis-à-vis de son témoignage et dans la manière dont celui-ci est reçu. C'est l'ensemble social, culturel, idéologique dans lequel le témoignage vient s'insérer. Nous l'appellerons l'environnement psychosocial ( au sens le plus large ).

En désignant ces quatre éléments "observables" ( étudiables ), nous constatons trois choses.

Tout d'abord, ils ne sont pas originaux : les scientifiques se sont longuement penchés sur ces observables ( pour d'autres recherches que celles abordées ici ). Cependant, ils ont rarement essayé de les intégrer tous les quatre dans une même approche, et c'est peut-être là que résident l'originalité et la difficulté du sujet.

Ensuite, il n'y a pas, a priori, de raison de privilégier l'étude d'un élément par rapport aux trois autres : ils forment un tout indissociable où chacun d'eux est en relation particulière avec les trois autres. C'est un système et le chercheur doit en étudier tous les pôles ainsi que leurs inter-relations.

Enfin, on constate ( mais est-il encore besoin de le rappeler ? ) que la seule chose qui échappe à l'observation directe, ce sont justement les stimulus, qui sont présumés être au cœur du problème, ces stimulus dont il s'agit de déterminer la nature. mais, ils ne peuvent être approchés qu'à travers le reflet, l'image renvoyée au chercheur/observateur par les quatre pôles décrits ci-dessus. Cette remarque n'est pas sans importance car elle situe plus clairement le niveau des approches possibles par rapport aux buts ultimes de la recherche.

Ces préliminaires sont nécessaires. Ils déterminent le champ d'actions de recherches rigoureuses, celles auxquelles l'adjectif de "scientifiques" pourra être attribué. Ils permettent de déceler certaines erreurs fondamentales dues à une définition imprécise du domaine observable, qui condamneraient les recherches dès leurs prémisses. Ils ne sont cependant pas suffisants à nous indiquer une stratégie à suivre, une dynamique de recherche claire combinant les quatre observables. En effet, un certain nombre de difficultés doivent encore être levées sur la manière dont les études pourront s'orienter et se combiner, en rapport avec la portée des conclusions qui pourront en être tirées : il y a là plusieurs dangers à ne pas ignorer.

Le premier piège, la première tentation à éviter, est celui de la relation mi-causale, de l'implication directe. Quels que soient les observables que ces études mettent en oeuvre, une erreur grave serait d'ignorer qu'ils interagissent étroitement à tous les niveaux, par la création des boucles de rétroaction ( feed-back ). Par exemple, une composante essentielle du problème est l'ensemble des comportements des témoins ( qui répondent à certains stimulus et en témoignent de telle ou telle manière ) mais, inversement, chacun de ces comportements est lui-même le reflet de cette composante essentielle à un moment donné.

De la même manière, les témoignages et les études sur tel ou tel aspect physique du problème ( corrélation avec des variations des champs magnétiques, influence sur des systèmes électriques, etc... ) orientent les études et les témoignages ultérieurs vers ces aspects et cette dynamique particulière peut ainsi introduire un biais nouveau dont il faut être conscient.

Le deuxième danger consisterait à se limiter à une hypothèse de séparabilité, c'est-à-dire à ne mettre en relation que quelques éléments du problème et à croire que les relations ainsi étudiées vont rendre compte de l'ensemble du problème. En pratique, nous pouvons espérer mettre en évidence certains types de relations à la suite d'études partielles, par exemple, quels sont les objets connus qui prêtent le plus à confusion ? Quels sont les rapports entre certains traits de caractère et le fait de témoigner de l'observation de phénomènes non identifiés ? Quelle est la variation de la fréquence des témoignages par rapport à d'autres types d'événements ? Est-il possible, théoriquement et expérimentalement, de faire disparaître des ondes de chocs et autres effets aérodynamiques classiques ?

Nous pourrons constituer ainsi une série de résultats partiels sur différents aspects du problème. Nous ne saurons pas pour autant comment ces différents aspects s'articulent entre eux, le rapport profond entre la perception individuelle des témoins et le mouvement psychosocial qui l'accompagne, la dynamique générale du problème et la nature réelle des éléments qui la sous-tendent.

Ces difficultés particulières peuvent se résumer en remarquant simplement que, les quatre observables désignés et les stimulus, qui restent le souci premier de cette recherche, forment un "système". Ceci traduit bien le fait que les approches strictement analytiques et ponctuelles resteront impuissantes à rendre compte de l'ensemble du problème puisque, comme dans tout système, le tout est plus ( et aussi d'une certaine manière, moins ) que l'ensemble des parties (cf. Réf. 3).

Cependant, cette réflexion resterait incomplète si nous ne discutions à ce stade du rôle du chercheur et de son action, par rapport aux observables. Ceci est en effet capital. Nous ne devons pas, nous ne pouvons pas, ignorer que le chercheur intervient lui-même dans la manière dont il étudie les observables par le choix des outils d'analyses ou d'investigations. Ceci n'est pas nouveau. Ce problème a été mis en évidence dans de multiples domaines de recherches scientifiques. En mécanique quantique, les physiciens "choisissent" avec leur instrumentation, la nature du phénomène qu'ils vont mettre en évidence ( aspect corpusculaire ou ondulatoire de la lumière ). De façon plus évidente encore, le chercheur en sciences sociales intervient dans son champ d'étude sous forme d'un "biais idéologique" introduit dans ses sondages, ses enquêtes qui, en retour, invitent les sujets à se conformer à l'image d'eux- mêmes qui leur est ainsi proposée. Nous sommes bien sûr dans une situation analogue où l'action de recherche peut introduire, par sa nature, ou par son existence même, des biais ou des boucles de rétroaction qu'il faut prendre en compte.

Voilà un aperçu des difficultés et pièges tendus aux chercheurs s'interrogeant sur les observations de phénomènes aérospatiaux non identifiés.

Ce tour d'horizon permet de mieux envisager la question fondamentale : quelle peut être l'action des scientifiques dans cette affaire ? Il permet aussi d'écarter sans hésitation les différentes démarches qui ignoreraient ces difficultés ou céderaient aux tentations à la réduction, à la simplification. Par exemple, prétendre étudier directement les stimulus en négligeant le rôle des témoins ou le caractère ambigu de l'environnement physique est une erreur catastrophique. De même croire qu'une théorie psychosociale peut indiquer en toute certitude la nature des stimulus intervenant en rendant inutile toute réflexion en science physique n'est qu'une naïveté révélatrice d'une ignorance certaine en psychosociologie. Et la liste serait longue des théories élaborées à partir d'idées simples ( simplistes ) et reposant sur des informations tronquées. Nous ne la détaillerons pas ici.

Il reste maintenant à exposer la manière dont nous pensons que ce problème difficile peut être abordé en respectant sa complexité propre et les différentes difficultés signalées.

 

2.2 SCHÉMA DIRECTEUR

Il s'agit d'élaborer un schéma de recherches qui réponde aux conditions que nous venons de discuter :

  • Intervention de quatre domaines d'études :
    • les témoins,
    • les témoignages,
    • les environnements physiques,
    • les environnements psychosociologiques et culturels ;
  • L'inobservabilité directe des stimulus dont les témoins sont sensés avoir rendu compte par leur témoignage ;
  • L'insuffisance des mises en relations linéaires ( déterministes ) de certains de ces domaines pour rendre compte des rapports qui s'établissent entre eux ;
  • la non-acceptabilité des hypothèses de séparabilité pour fournir une analyse complète du problème.

Pour répondre à toutes ces exigences, nous avons construit un schéma de relations tétraédriques. Les quatre domaines observables se situent aux sommets du tétraèdre. Le non-observable ( le stimulus ), se trouvant au centre, forme donc, avec les triplets de sommets, un ensemble de quatre tétraèdres intérieurs à celui des domaines observables.

Cette représentation a de multiples avantages. Tout d'abord, elle respecte le caractère original du stimulus par rapport aux éléments qui sont effectivement étudiables ( témoins, témoignages, etc... ). En effet, le stimulus lui-même n'est pas en général, expérimentable ou reproductible. Cette représentation montre bien que l'on ne peut atteindre que les différents reflets qu'il renvoie de lui-même à travers les quatres pôles désignés.

De plus, cette représentation relativise bien les différents types d'études qui ont été entreprises jusqu'à présent et celles à venir. L'attention peut se porter sur l'un des sommets ( les témoignages, par exemple ) mais, dans ce cas, seul un des reflets du phénomène est perçu et le tétraèdre est là pour rappeler que ce sommet n'existe en fait que par sa relation avec les autres ; ignorer les témoins, l'environnement physique et le contexte psychosociologique condamne donc l'étude à un certain arbitraire ( une certaine insuffisance ) et limite d'autant la portée des conclusions que l'on pourra en tirer. Aucune étude spécifique de ce type ne pourra donc à elle seule être pleinement satisfaisante ; les analyses particulières à entreprendre ne valent que dans la mesure où elles sont le prélude à une réflexion synthétique englobant l'ensemble des différents aspects observables. L'étude des parties ne vaut que par rapport à une réflexion sur le tout.

Ce tétraèdre a aussi l'avantage d'être adaptable à différents niveaux de recherche. Celle-ci peut en effet être clinique : étude du cas particulier du témoignage d'un témoin dans une situation donnée ( physique et psychologique ). Elle peut s'étendre à un ensemble de témoignages dans un espace socio-culturel et géographique, à une époque donnée. Enfin, l'étude peut porter sur la dynamique qui, dans le temps, s'établit entre les témoins, le contenu de leurs témoignages, les environnements psychosociologiques et physiques. A chaque stade, une représentation tétraédrique nous permet de schématiser l'ensemble des recherches, les résultats obtenus, les relations qui se dégagent entre les différents éléments et les relations entre ces différents résultats.

Enfin, le graphisme du tétraèdre a l'avantage de bien représenter la situation du chercheur par rapport à son domaine d'étude. Comme signalé précédemment, l'intérieur de ce tétraèdre n'est pas directement accessibles à l'action de recherche ; seuls peuvent être perçus, ses reflets à la surface. Le chercheur ne peut y pénétrer. Mais, ce serait une erreur aussi de croire que ce même chercheur peut se trouver à l'extérieur et le considérer "du dehors", abstraction faite de ce qu'il peut porter en lui de choix implicites ou explicites, et indépendamment de ce que son action de recherche, par son existence même, peut susciter parmi les observables, à la surface du tétraèdre. Il faut bien s'y résoudre : le chercheur n'est ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, il est, qu'il le veuille ou non, à la surface, quelque part dans le champ de sa propre étude, champ qu'il parcourt selon les modalités de la stratégie qu'il aura adoptée.

 

2.3 STRATEGIE DE RECHERCHE

Il reste à examiner maintenant plus en détails, quelles peuvent être les actions de recherches à entreprendre, et suivant quelle logique elles peuvent se développer et s'enchaîner tout en respectant l'inéluctable structure tétraédrique.

Ces recherches, comme nous l'avons dit, peuvent s'orienter vers différents pôles ou arêtes formées par les observables. Elles auront cependant toutes en commun un double mouvement possible :

  • d'une part, le savoir scientifique actuel qui permet d'éclairer les différents aspects des informations disponibles, voire de les expliquer dans de nombreux cas,
  • d'autre part ces mêmes informations peuvent servir à illustrer, compléter, modifier ou étendre ces mêmes connaissances scientifiques.

Des événements ne peuvent être considérés comme non existants, simplement parce qu'ils n'ont pas encore été reconnus par le champ d'application scientifique ; inversement, des événements ne peuvent remettre en cause le savoir scientifique sans une analyse préalable parfaitement rigoureuse et/ou un minimum de confirmation théorique ou expérimentale. Ces principes s'appliquent bien entendu aux différentes orientations d'étude que nous pouvons envisager.

Celles-ci sont en effet multiples. Elles peuvent porter sur les domaines physiques ; il s'agira alors d'étudier l'environnement des observations ( données atmosphériques, astronomiques, géographiques ) et d'éventuelles traces ( sur le sol ou sur les témoins ) ou enregistrements ( photos ou autres ).

Ces études sont essentielles car elles permettent souvent d'élucider la nature du stimulus intervenant ( les confusions avec des astres sont fréquentes ). Cependant ce n'est pas toujours le cas, et les analyses sont souvent délicates : par exemple, si une photo donne en général peu d'indications sur la nature du phénomène photographié, l'utilisation d'un réseau de diffraction permet d'obtenir un spectre de la source lumineuse et de faire des comparaisons instructives avec des sources connues. De même, les traces doivent être étudiées sur différents plans :

  • les effets mécaniques, s'ils existent dans le sol, doivent être mesurés au plus vite ( moins de 48 heures ),
  • les analyses chimiques pourraient déceler la présence d'hydro-carbure et révéler le passage de moteurs,
  • des effets plus subtils pourraient être rapprochés de l'intervention de champs électromagnétiques ( effets biochimiques ).

Enfin, des détections peuvent intervenir de façon plus automatique ( radar ou autres, ... ), outre que leur analyse est toujours délicate, elles ne fournissent qu'un reflet très partiel du phénomène si elles ne s'accompagnent pas d'autres éléments d'information.

Mais il est possible de retourner en quelque sorte le problème, en réfléchissant aux lois physiques connues, par rapport aux contenus des témoignages. Ceci conduit à examiner les différents modèles d'univers actuellement élaborés, les recherches en microphysique, les progrès technologiques prévisibles, etc... Il est ainsi possible d'alimenter des études déjà existantes ou de déclencher des études nouvelles particulières. Bien entendu, ainsi obtenus ne donneront pas de conclusions directement applicables, les résultats aux observations. Ils vont cependant contribuer à la réflexion générale.

Mais, tout ceci ne constitue encore qu'une facette du problème. Restent les études indispensables portant sur les témoignages eux-mêmes ( analyse de contenu ), les témoins et leur environnement psychosocial.

Si les témoins peuvent et doivent être considérés d'un point de vue physiologique, on ne peut sous-estimer tous les problèmes liés à la psychologie de la perception, aux traits de personnalité, aux cadres de référence pré-établis qui, liés à l'environnement psychosociologique, modulent et influencent l'interprétation que différentes personnes font d'une même observation.

De plus, cet environnement psychosociologique suit sa propre dynamique à travers la manière dont l'information sur un sujet donné circule, se développe, s'amplifie ou s'estompe. Parallèlement, le témoin ne répond pas à sa situation vécue uniquement par le biais d'un témoignage ( il peut d'ailleurs ne pas témoigner ). Il sera conduit à élaborer une réponse plus intime sur le plan de sa personnalité et éventuellement de son cadre de référence psychologique ( sciences, religion, etc... ). Ainsi, se développent deux dynamiques individuelles et collectives, personnelles et sociales dont il serait arbitraire de considérer a priori qu'elles puissent être indépendantes.

Comment situer toutes ces recherches par rapport au but ultime de l'entreprise, à savoir la nature des stimulus intervenant ? La réponse est relativement simple : il faut d'abord reconnaître que tout porte à considérer qu'entrent en jeu plusieurs stimulus de natures différentes. Par exemple, les examens de l'environnement physique en liaison avec le contenu des témoignages ont déjà mis en évidence l'existence de confusions "classiques" ( telles que la planète Vénus au soleil levant, ou la pleine Lune se levant le soir, observée d'une voiture en mouvement, etc... ). Dans ces cas là, le stimulus, au lieu d'être au centre du tétraèdre, peut être rapproché du sommet "environnement physique". Cependant, il garde des composantes "environnement psychosociologique" et "témoins", dans la mesure où cette méprise se répète, car cela montre que certaines personnes ont une propension particulière à faire ce gente de confusion. De plus, il est alors intéressant d'examiner comment et avec quelle fréquence ce type de confusion est rapporté par les media.

Ainsi, il peut se faire qu'un phénomène "physique" participe aussi à la dynamique propre de l'environnement socioculturel du problème avec des répercussions possibles au niveau des témoins. Ces exemples simples montrent que même lorsque le stimulus a une nature claire et bien définie, son rôle dans l'ensemble du problème peut être par contre fort complexe. A plus forte raison lorsque les identifications sont moins faciles, elles ne pourront être entreprises sérieusement qu'après avoir étudié les différents reflets que les stimulus ont produits sur les quatre éléments étudiables. Par exemple, la mise en évidence d'une dynamique particulière de la circulation de l'information à propos d'un phénomène donné, ne peut prouver qu'il n'y a là qu'une rumeur. Ce résultat permettrait cependant de mieux considérer la qualité, la valeur, la pertinence des témoignages disponibles.

En résumé, nous voyons sur ces quelques exemples, comment s'articulent les différents résultats de recherches dont aucun ne fournit la réponse ultime, mais tous concourent à cerner d'un peu plus près la réponse cherchée, à mieux situer le phénomène dans l'ensemble des interactions quadripolaires mises en jeu dans le tétraèdre.

Ainsi, les études en sciences humaines ( physiologie, psychologie, sociologie ), et en sciences physiques s'inscrivent parfaitement dans une stratégie d'ensemble dont le propos avoué est la connaissance de la nature d'un certain nombre de phénomènes mal connus ou incompris, connaissance qui passe par la compréhension de plusieurs mécanismes qui y sont associés.

 

2 .4. CONCLUSION

Les éléments que nous venons d'exposer fournissent un cadre de réflexion indispensable pour guider les travaux et se prémunir de certaines tentations courantes à la simplification, à la réduction sommaire d'un domaine très complexe.

Les erreurs possibles sont en effet multiples. Elles peuvent être purement techniques et sont alors en général facilement décelables. Le cas peut se présenter en statistique ou au cours de n'importe quelle mesure physique, par exemple. Nous en donnons un exemple au chapitre suivant. De telles erreurs peuvent souvent être mises en relation avec une médiocre appréciation par le chercheur de la complexité du problème traité et la tentation de confirmer à tout prix une interprétation ou une hypothèse précédemment posée.

Plus subtiles et plus fréquentes sont sans doute les erreurs d'interprétation qui, indépendamment d'erreurs purement techniques, consistent souvent en des généralisations hâtives de résultats ( très ) partiels, en un tri conscient ou inconscient des données disponibles, voire en la falsification, pas toujours totalement volontaire, des informations. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce "phénomène" très particulier est aussi très fréquent.

Il peut intervenir aussi bien dans le cadre des enquêtes menées par un chercheur, qu'à propos de son appréciation des recherches, résultats et actions d'autrui. Ceci est bien entendu extrêmement dommageable et constitue un des biais, un des mouvements de rétroaction créés par le chercheur lui-même.

Il existe cependant une défense possible contre une telle tentation. Outre une pleine acceptation par le chercheur de la complexité du problème qu'il traite et des pièges qui lui sont tendus, celui-ci se doit de garder autant que possible la plus grande sérénité vis-à-vis de sa propre démarche et du sujet étudié. Bien sûr, l'enthousiasme et la passion permettent de faire de grandes choses, ils peuvent aussi conduire à un certain aveuglement.

Trente années d'études ufologiques passionnées ont conduit à des résultats très modestes en rapport avec le temps passé et les efforts déployés. Peut-être serait-il temps maintenant, d'accéder à plus de sérénité.

 

RÉFÉRENCES

  1. Scientific Study of Unidentified Flying objects,
    Dr Edward CONDON - Bantam Books

  2. Evaluation of the Condon Report on the Colorado UFO Project,
    P.A. STURROCK - Stanford University - Rapport n° 599 - october 74

  3. "La Méthode - la nature de la nature",
    Edgar MORIN - Seuil - 1977

  4. Note Technique n° 1 - CNES/GEPAN - octobre 79,
    "Analyse du problème du pré-traitement des données"

  5. Note d'Information n° 1 - CNES/GEPAN février 80,
    "Observations de phénomènes atmosphériques anormaux en URSS"

  6. Note Technique n° 2 - CNES/GEPAN - avril 80,
    "Etude comparative de résultats statistiques relatifs aux observations de phénomènes aérospatiaux non identifiés"

  7. "Un mythe moderne",
    Carl G. JUNG - Gallimard

  8. "Les OVNI, mythe ou réalité",
    Dr. Allen HYNEK - J'ai lu

 




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