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CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES
Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés
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Toulouse, le 27 avril 1981 N° 110 CT/GEPAN
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NOTE TECHNIQUE N°3
METHODOLOGIE D'UN PROBLEME
Principes & Applications
(Méthodologie - Isocélie - Information)
PRÉSENTATION
1 - LE PROBLÈME DES PHÉNOMÈNES AÉROSPATIAUX NON IDENTIFIÉS
1.1. Introduction
1.2. Quelques idées fausses
1.3. Quelques études contradictoires
1.4. Que faire ?
2 - ÉLÉMENTS D'UNE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE
2.1. Remarques préliminaires
2.2. Schéma directeur
2.3. Stratégie de recherche
2.4. Conclusion
3 - ÉTUDE DE L'ISOCÉLIE
3.1. Les résultats de JC. FUMOUX et JF. GILLE
3.2. D'autres résultats
3.3. Remarques méthodologiques
4 - QUESTIONS D'INFORMATION
4.1. Questions de principes
4.2. Quelques aspects pratiques
4.3. Polémique de la recherche et recherche de la polémique
4.4. A propos des erreurs de lecture
5 - CONCLUSION DES CHAPITRES PRÉCÉDENTS
- ÉLÉMENTS D'UNE MÉTHODOLOGIE DE RECHERCHE -
P. BESSE - A. ESTERLE - M. JIMENEZ
2.1. REMARQUES PRÉLIMINAIRES
On vient de voir à quel point les opinions les plus courantes sur le sujet s'avèrent peu
fondées, et les études et recherches menées jusqu'à présent insuffisantes. Ces opinions
échappent largement à toute référence directe aux données immédiates ( et constituent donc
un phénomène de rumeur ) alors que ces études ont jusqu'à présent porté sur l'examen d'une
hypothèse particulière, combinant souvent une sélection a priori des informations et une
généralisation hâtive de résultats partiels ( en vue de "fonder" ou réfuter une hypothèse
globale explicative de l'ensemble du problème ).
Une fois faites ces quelques constatations, la question importante reste posée : "Existe-t-il
une démarche rigoureuse, non réductioniste, qui permette d'aborder ce problème et de
progresser vers sa solution ? Quelle dynamique définir à partir d'une telle démarche ?
Quelles étapes envisager sur le chemin d'une telle recherche ?".
Il ne s'agit pas là de fuir les problèmes pratiques en s'évadant dans une réflexion
épistémologique abstraite et générale. La question est cependant fondamentale, car les
réponses que nous pouvons y apporter, déterminent notre capacité de scientifiques à étudier
en tant que tels le problème correspondant. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : nous ne prétendons
pas que la méthode scientifique soit la seule envisageable ou la seule susceptible d'apporter
des réponses intéressantes. Des démarches plus spéculatives, philosophiques, religieuses
ou autres, peuvent tenter certains. Chacun est libre de ses choix. Nous voulons simplement
souligner à quel point la démarche scientifique possède sa propre originalité, ses propres
règles avec lesquelles on ne saurait transiger : les ufologues ont souvent reproché aux
scientifiques de ne pas s'intéresser à leur problème ; il serait mal venus de leur reprocher d'y
appliquer maintenant les méthodes qui font l'originalité de la démarche scientifique.
En quoi consiste cette originalité, et sur quels principes premiers peut se fonder une action de
recherche ?
Pour les approcher, revenons à la source de la démarche scientifique, en considérant les
sciences du réel ( physique, astronomie, sociologie, médecine, etc... ). On constate que toutes
reposent sur des observations ou des expériences. C'est ce que l'on peut appeler les
"observables". Les expériences du physicien, les observations de l'astronome, les enquêtes
du sociologue portent sur des "observables" qui leur permettent de fonder leurs théories et
auxquels ils doivent les soumettre. Ainsi, d'une certaine manière, on pourrait dire qu'un
domaine de recherche scientifique se délimite par le choix de ses observables
( indépendamment de la technique - outil - d'observation et de son évolution, comme par
exemple en astronomie ).
Pour l'étude des phénomènes aérospatiaux non identifiés, quels sont donc les observables ?
Les plus immédiats sont bien sûr les témoins et leurs témoignages ; c'est par eux que le
problème apparait et se développe. Ils sont l'information première. Cependant, ils ne
constituent pas les seuls éléments directement saisissables. En effet, les observations des
témoins se font en un lieu donné, dans des circonstances particulières ( topographique,
géographique, météorologique, etc... ). C'est ce que nous appellerons l'environnement
physique, au sens le plus large, dont l'étude est indispensable pour chaque cas d'observation
et pour toute recherche générale sur le problème.
Mais, ces trois éléments ( témoins, témoignages, environnement physique ) ne suffisent pas à
délimiter le champ d'étude. Un quatrième élément reste à désigner : celui qui intervient dans
le fait que le témoignage circule et dans la forme qu'il prend, dans le comportement du témoin
vis-à-vis de son témoignage et dans la manière dont celui-ci est reçu. C'est l'ensemble social,
culturel, idéologique dans lequel le témoignage vient s'insérer. Nous l'appellerons
l'environnement psychosocial ( au sens le plus large ).
En désignant ces quatre éléments "observables" ( étudiables ), nous constatons trois choses.
Tout d'abord, ils ne sont pas originaux : les scientifiques se sont longuement penchés sur ces
observables ( pour d'autres recherches que celles abordées ici ). Cependant, ils ont rarement
essayé de les intégrer tous les quatre dans une même approche, et c'est peut-être là que
résident l'originalité et la difficulté du sujet.
Ensuite, il n'y a pas, a priori, de raison de privilégier l'étude d'un élément par rapport aux trois
autres : ils forment un tout indissociable où chacun d'eux est en relation particulière avec les
trois autres. C'est un système et le chercheur doit en étudier tous les pôles ainsi que leurs
inter-relations.
Enfin, on constate ( mais est-il encore besoin de le rappeler ? ) que la seule chose qui échappe
à l'observation directe, ce sont justement les stimulus, qui sont présumés être au cœur du
problème, ces stimulus dont il s'agit de déterminer la nature. mais, ils ne peuvent être
approchés qu'à travers le reflet, l'image renvoyée au chercheur/observateur par les quatre
pôles décrits ci-dessus. Cette remarque n'est pas sans importance car elle situe plus
clairement le niveau des approches possibles par rapport aux buts ultimes de la recherche.
Ces préliminaires sont nécessaires. Ils déterminent le champ d'actions de recherches
rigoureuses, celles auxquelles l'adjectif de "scientifiques" pourra être attribué. Ils permettent
de déceler certaines erreurs fondamentales dues à une définition imprécise du domaine
observable, qui condamneraient les recherches dès leurs prémisses. Ils ne sont cependant
pas suffisants à nous indiquer une stratégie à suivre, une dynamique de recherche claire
combinant les quatre observables. En effet, un certain nombre de difficultés doivent encore
être levées sur la manière dont les études pourront s'orienter et se combiner, en rapport avec
la portée des conclusions qui pourront en être tirées : il y a là plusieurs dangers à ne pas
ignorer.
Le premier piège, la première tentation à éviter, est celui de la relation mi-causale, de
l'implication directe. Quels que soient les observables que ces études mettent en oeuvre, une
erreur grave serait d'ignorer qu'ils interagissent étroitement à tous les niveaux, par la création
des boucles de rétroaction ( feed-back ). Par exemple, une composante essentielle du
problème est l'ensemble des comportements des témoins ( qui répondent à certains stimulus
et en témoignent de telle ou telle manière ) mais, inversement, chacun de ces comportements
est lui-même le reflet de cette composante essentielle à un moment donné.
De la même manière, les témoignages et les études sur tel ou tel aspect physique du
problème ( corrélation avec des variations des champs magnétiques, influence sur des
systèmes électriques, etc... ) orientent les études et les témoignages ultérieurs vers ces
aspects et cette dynamique particulière peut ainsi introduire un biais nouveau dont il faut être
conscient.
Le deuxième danger consisterait à se limiter à une hypothèse de séparabilité, c'est-à-dire à
ne mettre en relation que quelques éléments du problème et à croire que les relations ainsi
étudiées vont rendre compte de l'ensemble du problème. En pratique, nous pouvons espérer
mettre en évidence certains types de relations à la suite d'études partielles, par exemple,
quels sont les objets connus qui prêtent le plus à confusion ? Quels sont les rapports entre
certains traits de caractère et le fait de témoigner de l'observation de phénomènes non
identifiés ? Quelle est la variation de la fréquence des témoignages par rapport à d'autres
types d'événements ? Est-il possible, théoriquement et expérimentalement, de faire
disparaître des ondes de chocs et autres effets aérodynamiques classiques ?
Nous pourrons constituer ainsi une série de résultats partiels sur différents aspects du
problème. Nous ne saurons pas pour autant comment ces différents aspects s'articulent entre
eux, le rapport profond entre la perception individuelle des témoins et le mouvement
psychosocial qui l'accompagne, la dynamique générale du problème et la nature réelle des
éléments qui la sous-tendent.
Ces difficultés particulières peuvent se résumer en remarquant simplement que, les quatre
observables désignés et les stimulus, qui restent le souci premier de cette recherche, forment
un "système". Ceci traduit bien le fait que les approches strictement analytiques et
ponctuelles resteront impuissantes à rendre compte de l'ensemble du problème puisque,
comme dans tout système, le tout est plus ( et aussi d'une certaine manière, moins ) que
l'ensemble des parties (cf. Réf. 3).
Cependant, cette réflexion resterait incomplète si nous ne discutions à ce stade du rôle du
chercheur et de son action, par rapport aux observables. Ceci est en effet capital. Nous ne
devons pas, nous ne pouvons pas, ignorer que le chercheur intervient lui-même dans la
manière dont il étudie les observables par le choix des outils d'analyses ou d'investigations.
Ceci n'est pas nouveau. Ce problème a été mis en évidence dans de multiples domaines de
recherches scientifiques. En mécanique quantique, les physiciens "choisissent" avec leur
instrumentation, la nature du phénomène qu'ils vont mettre en évidence ( aspect corpusculaire
ou ondulatoire de la lumière ). De façon plus évidente encore, le chercheur en sciences
sociales intervient dans son champ d'étude sous forme d'un "biais idéologique" introduit dans
ses sondages, ses enquêtes qui, en retour, invitent les sujets à se conformer à l'image d'eux-
mêmes qui leur est ainsi proposée. Nous sommes bien sûr dans une situation analogue où
l'action de recherche peut introduire, par sa nature, ou par son existence même, des biais ou
des boucles de rétroaction qu'il faut prendre en compte.
Voilà un aperçu des difficultés et pièges tendus aux chercheurs s'interrogeant sur les
observations de phénomènes aérospatiaux non identifiés.
Ce tour d'horizon permet de mieux envisager la question fondamentale : quelle peut être
l'action des scientifiques dans cette affaire ? Il permet aussi d'écarter sans hésitation les
différentes démarches qui ignoreraient ces difficultés ou céderaient aux tentations à la
réduction, à la simplification. Par exemple, prétendre étudier directement les stimulus en
négligeant le rôle des témoins ou le caractère ambigu de l'environnement physique est une
erreur catastrophique. De même croire qu'une théorie psychosociale peut indiquer en toute
certitude la nature des stimulus intervenant en rendant inutile toute réflexion en science
physique n'est qu'une naïveté révélatrice d'une ignorance certaine en psychosociologie. Et la
liste serait longue des théories élaborées à partir d'idées simples ( simplistes ) et reposant sur
des informations tronquées. Nous ne la détaillerons pas ici.
Il reste maintenant à exposer la manière dont nous pensons que ce problème difficile peut
être abordé en respectant sa complexité propre et les différentes difficultés signalées.
2.2 SCHÉMA DIRECTEUR
Il s'agit d'élaborer un schéma de recherches qui réponde aux conditions que nous venons de
discuter :
-
Intervention de quatre domaines d'études :
- les témoins,
- les témoignages,
- les environnements physiques,
- les environnements psychosociologiques et culturels ;
- L'inobservabilité directe des stimulus dont les témoins sont sensés avoir rendu compte
par leur témoignage ;
-
L'insuffisance des mises en relations linéaires ( déterministes ) de certains de ces
domaines pour rendre compte des rapports qui s'établissent entre eux ;
-
la non-acceptabilité des hypothèses de séparabilité pour fournir une analyse complète
du problème.
Pour répondre à toutes ces exigences, nous avons construit un schéma de relations
tétraédriques. Les quatre domaines observables se situent aux sommets du tétraèdre. Le
non-observable ( le stimulus ), se trouvant au centre, forme donc, avec les triplets de sommets,
un ensemble de quatre tétraèdres intérieurs à celui des domaines observables.

Cette représentation a de multiples avantages. Tout d'abord, elle respecte le caractère
original du stimulus par rapport aux éléments qui sont effectivement étudiables ( témoins,
témoignages, etc... ). En effet, le stimulus lui-même n'est pas en général, expérimentable ou
reproductible. Cette représentation montre bien que l'on ne peut atteindre que les différents
reflets qu'il renvoie de lui-même à travers les quatres pôles désignés.
De plus, cette représentation relativise bien les différents types d'études qui ont été
entreprises jusqu'à présent et celles à venir. L'attention peut se porter sur l'un des sommets
( les témoignages, par exemple ) mais, dans ce cas, seul un des reflets du phénomène est
perçu et le tétraèdre est là pour rappeler que ce sommet n'existe en fait que par sa relation
avec les autres ; ignorer les témoins, l'environnement physique et le contexte
psychosociologique condamne donc l'étude à un certain arbitraire ( une certaine insuffisance )
et limite d'autant la portée des conclusions que l'on pourra en tirer. Aucune étude spécifique
de ce type ne pourra donc à elle seule être pleinement satisfaisante ; les analyses
particulières à entreprendre ne valent que dans la mesure où elles sont le prélude à une
réflexion synthétique englobant l'ensemble des différents aspects observables. L'étude des
parties ne vaut que par rapport à une réflexion sur le tout.
Ce tétraèdre a aussi l'avantage d'être adaptable à différents niveaux de recherche. Celle-ci
peut en effet être clinique : étude du cas particulier du témoignage d'un témoin dans une
situation donnée ( physique et psychologique ). Elle peut s'étendre à un ensemble de
témoignages dans un espace socio-culturel et géographique, à une époque donnée. Enfin,
l'étude peut porter sur la dynamique qui, dans le temps, s'établit entre les témoins, le contenu
de leurs témoignages, les environnements psychosociologiques et physiques. A chaque
stade, une représentation tétraédrique nous permet de schématiser l'ensemble des
recherches, les résultats obtenus, les relations qui se dégagent entre les différents éléments
et les relations entre ces différents résultats.
Enfin, le graphisme du tétraèdre a l'avantage de bien représenter la situation du chercheur
par rapport à son domaine d'étude. Comme signalé précédemment, l'intérieur de ce tétraèdre
n'est pas directement accessibles à l'action de recherche ; seuls peuvent être perçus, ses
reflets à la surface. Le chercheur ne peut y pénétrer. Mais, ce serait une erreur aussi de
croire que ce même chercheur peut se trouver à l'extérieur et le considérer "du dehors",
abstraction faite de ce qu'il peut porter en lui de choix implicites ou explicites, et
indépendamment de ce que son action de recherche, par son existence même, peut susciter
parmi les observables, à la surface du tétraèdre. Il faut bien s'y résoudre : le chercheur n'est
ni à l'intérieur, ni à l'extérieur, il est, qu'il le veuille ou non, à la surface, quelque part dans le
champ de sa propre étude, champ qu'il parcourt selon les modalités de la stratégie qu'il aura
adoptée.
2.3 STRATEGIE DE RECHERCHE
Il reste à examiner maintenant plus en détails, quelles peuvent être les actions de recherches
à entreprendre, et suivant quelle logique elles peuvent se développer et s'enchaîner tout en
respectant l'inéluctable structure tétraédrique.
Ces recherches, comme nous l'avons dit, peuvent s'orienter vers différents pôles ou arêtes
formées par les observables. Elles auront cependant toutes en commun un double
mouvement possible :
-
d'une part, le savoir scientifique actuel qui permet d'éclairer les différents aspects des
informations disponibles, voire de les expliquer dans de nombreux cas,
-
d'autre part ces mêmes informations peuvent servir à illustrer, compléter, modifier ou
étendre ces mêmes connaissances scientifiques.
Des événements ne peuvent être considérés comme non existants, simplement parce qu'ils
n'ont pas encore été reconnus par le champ d'application scientifique ; inversement, des
événements ne peuvent remettre en cause le savoir scientifique sans une analyse préalable
parfaitement rigoureuse et/ou un minimum de confirmation théorique ou expérimentale. Ces
principes s'appliquent bien entendu aux différentes orientations d'étude que nous pouvons
envisager.
Celles-ci sont en effet multiples. Elles peuvent porter sur les domaines physiques ; il s'agira
alors d'étudier l'environnement des observations ( données atmosphériques, astronomiques,
géographiques ) et d'éventuelles traces ( sur le sol ou sur les témoins ) ou enregistrements
( photos ou autres ).
Ces études sont essentielles car elles permettent souvent d'élucider la nature du stimulus
intervenant ( les confusions avec des astres sont fréquentes ). Cependant ce n'est pas toujours
le cas, et les analyses sont souvent délicates : par exemple, si une photo donne en général
peu d'indications sur la nature du phénomène photographié, l'utilisation d'un réseau de
diffraction permet d'obtenir un spectre de la source lumineuse et de faire des comparaisons
instructives avec des sources connues. De même, les traces doivent être étudiées sur
différents plans :
-
les effets mécaniques, s'ils existent dans le sol, doivent être mesurés au plus vite
( moins de 48 heures ),
-
les analyses chimiques pourraient déceler la présence d'hydro-carbure et révéler le
passage de moteurs,
-
des effets plus subtils pourraient être rapprochés de l'intervention de champs
électromagnétiques ( effets biochimiques ).
Enfin, des détections peuvent intervenir de façon plus automatique ( radar ou autres, ... ), outre
que leur analyse est toujours délicate, elles ne fournissent qu'un reflet très partiel du
phénomène si elles ne s'accompagnent pas d'autres éléments d'information.
Mais il est possible de retourner en quelque sorte le problème, en réfléchissant aux lois
physiques connues, par rapport aux contenus des témoignages. Ceci conduit à examiner les
différents modèles d'univers actuellement élaborés, les recherches en microphysique, les
progrès technologiques prévisibles, etc... Il est ainsi possible d'alimenter des études déjà
existantes ou de déclencher des études nouvelles particulières. Bien entendu, ainsi obtenus
ne donneront pas de conclusions directement applicables, les résultats aux observations. Ils
vont cependant contribuer à la réflexion générale.
Mais, tout ceci ne constitue encore qu'une facette du problème. Restent les études
indispensables portant sur les témoignages eux-mêmes ( analyse de contenu ), les témoins et
leur environnement psychosocial.
Si les témoins peuvent et doivent être considérés d'un point de vue physiologique, on ne peut
sous-estimer tous les problèmes liés à la psychologie de la perception, aux traits de
personnalité, aux cadres de référence pré-établis qui, liés à l'environnement
psychosociologique, modulent et influencent l'interprétation que différentes personnes font
d'une même observation.
De plus, cet environnement psychosociologique suit sa propre dynamique à travers la
manière dont l'information sur un sujet donné circule, se développe, s'amplifie ou s'estompe.
Parallèlement, le témoin ne répond pas à sa situation vécue uniquement par le biais d'un
témoignage ( il peut d'ailleurs ne pas témoigner ). Il sera conduit à élaborer une réponse plus
intime sur le plan de sa personnalité et éventuellement de son cadre de référence
psychologique ( sciences, religion, etc... ). Ainsi, se développent deux dynamiques
individuelles et collectives, personnelles et sociales dont il serait arbitraire de considérer a
priori qu'elles puissent être indépendantes.
Comment situer toutes ces recherches par rapport au but ultime de l'entreprise, à savoir la
nature des stimulus intervenant ? La réponse est relativement simple : il faut d'abord
reconnaître que tout porte à considérer qu'entrent en jeu plusieurs stimulus de natures
différentes. Par exemple, les examens de l'environnement physique en liaison avec le
contenu des témoignages ont déjà mis en évidence l'existence de confusions "classiques"
( telles que la planète Vénus au soleil levant, ou la pleine Lune se levant le soir, observée
d'une voiture en mouvement, etc... ). Dans ces cas là, le stimulus, au lieu d'être au centre du
tétraèdre, peut être rapproché du sommet "environnement physique". Cependant, il garde des
composantes "environnement psychosociologique" et "témoins", dans la mesure où cette
méprise se répète, car cela montre que certaines personnes ont une propension particulière à
faire ce gente de confusion. De plus, il est alors intéressant d'examiner comment et avec
quelle fréquence ce type de confusion est rapporté par les media.
Ainsi, il peut se faire qu'un phénomène "physique" participe aussi à la dynamique propre de
l'environnement socioculturel du problème avec des répercussions possibles au niveau des
témoins. Ces exemples simples montrent que même lorsque le stimulus a une nature claire et
bien définie, son rôle dans l'ensemble du problème peut être par contre fort complexe. A plus
forte raison lorsque les identifications sont moins faciles, elles ne pourront être entreprises
sérieusement qu'après avoir étudié les différents reflets que les stimulus ont produits sur les
quatre éléments étudiables. Par exemple, la mise en évidence d'une dynamique particulière
de la circulation de l'information à propos d'un phénomène donné, ne peut prouver qu'il n'y a
là qu'une rumeur. Ce résultat permettrait cependant de mieux considérer la qualité, la valeur,
la pertinence des témoignages disponibles.
En résumé, nous voyons sur ces quelques exemples, comment s'articulent les différents
résultats de recherches dont aucun ne fournit la réponse ultime, mais tous concourent à
cerner d'un peu plus près la réponse cherchée, à mieux situer le phénomène dans l'ensemble
des interactions quadripolaires mises en jeu dans le tétraèdre.
Ainsi, les études en sciences humaines ( physiologie, psychologie, sociologie ), et en sciences
physiques s'inscrivent parfaitement dans une stratégie d'ensemble dont le propos avoué est
la connaissance de la nature d'un certain nombre de phénomènes mal connus ou incompris,
connaissance qui passe par la compréhension de plusieurs mécanismes qui y sont associés.
2 .4. CONCLUSION
Les éléments que nous venons d'exposer fournissent un cadre de réflexion indispensable
pour guider les travaux et se prémunir de certaines tentations courantes à la simplification, à
la réduction sommaire d'un domaine très complexe.
Les erreurs possibles sont en effet multiples. Elles peuvent être purement techniques et sont
alors en général facilement décelables. Le cas peut se présenter en statistique ou au cours
de n'importe quelle mesure physique, par exemple. Nous en donnons un exemple au chapitre
suivant. De telles erreurs peuvent souvent être mises en relation avec une médiocre
appréciation par le chercheur de la complexité du problème traité et la tentation de confirmer
à tout prix une interprétation ou une hypothèse précédemment posée.
Plus subtiles et plus fréquentes sont sans doute les erreurs d'interprétation qui,
indépendamment d'erreurs purement techniques, consistent souvent en des généralisations
hâtives de résultats ( très ) partiels, en un tri conscient ou inconscient des données
disponibles, voire en la falsification, pas toujours totalement volontaire, des informations.
Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce "phénomène" très particulier est aussi très
fréquent.
Il peut intervenir aussi bien dans le cadre des enquêtes menées par un chercheur, qu'à
propos de son appréciation des recherches, résultats et actions d'autrui. Ceci est bien
entendu extrêmement dommageable et constitue un des biais, un des mouvements de
rétroaction créés par le chercheur lui-même.
Il existe cependant une défense possible contre une telle tentation. Outre une pleine
acceptation par le chercheur de la complexité du problème qu'il traite et des pièges qui lui
sont tendus, celui-ci se doit de garder autant que possible la plus grande sérénité vis-à-vis de
sa propre démarche et du sujet étudié. Bien sûr, l'enthousiasme et la passion permettent de
faire de grandes choses, ils peuvent aussi conduire à un certain aveuglement.
Trente années d'études ufologiques passionnées ont conduit à des résultats très modestes
en rapport avec le temps passé et les efforts déployés. Peut-être serait-il temps maintenant,
d'accéder à plus de sérénité.
RÉFÉRENCES
Scientific Study of Unidentified Flying objects, Dr Edward CONDON - Bantam Books
Evaluation of the Condon Report on the Colorado UFO Project, P.A. STURROCK -
Stanford University - Rapport n° 599 - october 74
"La Méthode - la nature de la nature", Edgar MORIN - Seuil - 1977
Note Technique n° 1 - CNES/GEPAN - octobre 79, "Analyse du problème du
pré-traitement des données"
Note d'Information n° 1 - CNES/GEPAN février 80, "Observations de phénomènes
atmosphériques anormaux en URSS"
Note Technique n° 2 - CNES/GEPAN - avril 80, "Etude comparative de résultats
statistiques relatifs aux observations de phénomènes aérospatiaux non identifiés"
"Un mythe moderne", Carl G. JUNG - Gallimard
"Les OVNI, mythe ou réalité", Dr. Allen HYNEK - J'ai lu
SUITE...
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