CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

Toulouse, le 21 Janvier 1983
N° 00004 CT/GEPAN


 

NOTE TECHNIQUE
N° 14


 

MINI - ENQUETES
EN 1981 ET 1982

 

 

ISSN : 0750-6694




SOMMAIRE

INTRODUCTION

  1. - ENQUETE 81/03 (19.01.81)

  2. - ENQUETE 81/05 (01.04.81)

  3. - ENQUETE 81/08 (01.11.81)

  4. - ENQUETE 81/06 (AVRIL à OCTOBRE 81)

  5. - ENQUETE 82/01 (03.01.82)

  6. - ENQUETE 82/02 (23.02.82)

  7. - ENQUETE 82/03 (02.0382)

  8. - ENQUETE 82/04 (03.05.82)

  9. - ENQUETE 82/05 (07.11.81)

 




 

8 - ENQUETE 82/04 -
OBSERVATION DU 3 MAI 1982

 

 

SOMMAIRE :

  1. - INTRODUCTION

  2. - TÉMOIGNAGES

    • LE TÉMOIGNAGE DE MADAME MARTIN
    • LE TÉMOIGNAGE DE MONSIEUR GERMAIN

  3. - ANALYSE DES DISCOURS

    • PREMIERS ÉLÉMENTS PERMETTANT DE CARACTÉRISER LE PHÉNOMÈNE
    • ÉVOLUTION DU PHÉNOMÈNE
    • SYNTHÈSE

  4. - INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES

    • CARTE DU CIEL
    • RENSEIGNEMENTS A CARACTÈRES AÉRONAUTIQUES
    • VOLS DE BALLONS

  5. - DISCUSSION

 

 

1. - INTRODUCTION

Le lundi 3 mai 1982, le GEPAN est interpellé par une personne, Madame Martin, qui le matin même a observé un "phénomène lumineux étrange" dans le ciel vers 6 H 30.

 

2. – TÉMOIGNAGES

Le témoignage de Madame Martin

C'est vers 15 H le lundi 3 mai 1982 que Madame Martin appelle le GEPAN. Au préalable, elle avait pris contact successivement avec l'observatoire de V1 puis celui de V4 qui l'a guidée vers le GEPAN.

"Chaque matin, je quitte mon domicile pour me rendre à mon travail, il est 6 H 45 lorsque j'arrive devant mon entreprise. En portant mon regard vers le ciel, j'aperçois une lueur très blanche, violente et fixe. Cette lueur est très haute dans le ciel et approximativement en direction du nord. Cette lueur ne devait pas être très éloignée et ne bougeait pas.

A 6 H 48 très précisément, j'ai consulté ma montre à ce moment, cette lueur s'est décomposée. Il y a eu une explosion, l'une est devenue très petite en s'éloignant vers le nord, l'autre est descendue vers le sol. Pour cette dernière sa couleur était rouge ou marron.

C'était un peu fantastique, on avait jamais vu ça, on a été intrigué et tout de suite on a cherché d obtenir des informations. Dans la matinée, j'ai téléphoné à V1, mais je ne les ai pas obtenu alors j'ai appelé V4 à l'observatoire. Ils m'ont dit qu'il fallait que je m'adresse à vous.

Plusieurs autres personnes étaient en ma compagnie, des collègues de travail, mais aussi des commerçants qui ouvraient leur boutique. Tout le monde s'est posé la question de savoir ce que c'était".

 

Le témoignage de Monsieur Germain

Un collègue de Madame Martin, Monsieur Germain, présent également au moment de l'observation, nous communique aussi son témoignage.

"J'ai eu un sentiment de curiosité pour savoir si c'était un phénomène naturel ou bien si c'était un engin. L'impression que j'ai eue : le soleil n'était pas levé, et il y avait une espèce de clarté. Cet objet était haut dans le ciel, il voyait le soleil et nous répercutait la lumière. Sa localisation nous semblait difficile car nous étions sur le pas de la porte de notre entreprise, au centre de V1, et nous apercevions cet objet au travers des branches d'antennes de télévision. Le ciel était bleu sans aucun nuage. J'ai pensé que c'était peut-être un corps de fusée car à un moment une partie s'est éloignée laissant derrière elle une poussière d'étoiles qui est restée, a tourné autour et s'est éteinte. J'ai vu cette surface lumineuse dans le ciel vers 6 H 30.

La forme ressemblait à un haricot. Cette surface se distinguait des étoiles. La seule surface dans le ciel qu'on voit d'ordinaire c'est la lune, mais ce n'était pas la lune que nous avons vue.
J'ai demandé ensuite à des gens qui étaient sur la terrasse du café en face de l'entreprise s'ils voyaient la même chose que moi.
Ils ont répondu par l'affirmative et m'ont répondu qu'ils ne comprenaient pas non plus ce que cela pouvait être. Ensuite ils ont assisté avec moi à la séparation en deux parties. Trois ou quatre minutes après, il est passé un avion en haute attitude qui se dirigeait de P1 vers V5, il était merveilleusement placé pour observer le phénomène. On avait divers paramètres de référence : premièrement les étoiles étaient visibles et deuxièmement l'avion avec sa traînée mais ce n'était pas cela. Ce qui était curieux, c'est qu'on a vu cette surface se séparer puis un point lumineux qui est resté plusieurs minutes. L'observation statique a duré entre 6 H 25 et 6 H 50. La séparation, elle, a duré 4 à 5 minutes
".

Le témoignage de Monsieur Germain a été enregistré à la suite de celui de Madame Martin. Les deux personnes n'étaient pas vraiment ensemble au moment des observations, Madame Martin attendant devant la porte de leur entreprise alors que Monsieur Germain se dirigeait vers son lieu de travail, est passé et s'est arrêté devant le café situé en face de l'entreprise.

 

3. - ANALYSE DES DISCOURS

  • Premiers éléments permettant de caractériser le phénomène

    1. la direction d'observation

      Selon le témoignage de Madame Martin, elle observe le phénomène lumineux depuis le centre de V1 en direction du Nord. Monsieur Germain indique simplement qu'il distinguait cet objet au travers des branches d'une antenne de télévision.

    2. la dimension apparente estimée

      Les témoignages sont peu précis sur l'estimation des dimensions du phénomène lumineux. Monsieur Germain nous donne seulement un élément après la séparation puisqu'il compare cette lueur à un petit point lumineux.

    3. la forme

      Le premier témoin, Madame Martin, ne fournit guère de détail sur la ( ou les ) forme(s) de cette lueur.

      Par contre, Monsieur Germain essaye de trouver analogiquement une forme qui corresponde à ce qu'il voit. Sa réflexion le pousse tout d'abord à chercher une forme par rapport aux vecteurs aérospatiaux qui peuvent évoluer à de telles altitudes.

      Il avance l'idée d'un "engin" mais sans donner davantage de détails. Ensuite après la séparation, la fragmentation, il compare un des éléments à un "haricot".

    4. luminosité et couleur

      Selon les témoignages, la perception de la source lumineuse était très nette car elle contrastait très fortement avec la clarté du ciel.

      Cette lueur, d'après Madame Martin, était violente et très blanche dans la phase statique puis, après la séparation, la partie qui s'est dirigée vers le sol était de couleur orange et marron.

      Pour Monsieur Germain, cet objet lumineux "représentait la lumière du soleil", il voulait sans doute dire sans employer le terme exact, "réfléchissait la lumière solaire", ce qui selon lui indiquait que cet objet lumineux n'émettait pas de lumière propre.
      Le témoin distinguait parfaitement les étoiles, pouvait comparer la différence de luminosité entre elles et le phénomène observé.

  • Evolution du phénomène

    Les témoignages nous apportent à ce sujet des éléments qui concordent dans le sens de deux phases distinctes, dans l'évolution suivie par ce phénomène, pendant toute la durée de l'observation.

    1. la phase statique

      Le phénomène lumineux serait resté dans une position haute et fixe dans le ciel ( début de l'observation par Madame Martin vers 6 H 15 ).

      Monsieur Germain indique la même position vers 6 H 50. Beaucoup plus tard, à 6 H 48 précises pour Madame Martin et 6 H 50 pour Monsieur Germain, il se serait produit un mouvement brutal ascendant et descendant.

    2. phase dynamique

      Ensuite, selon les témoins, la forme lumineuse s'est séparée brutalement en deux parties. Madame Martin déclare avoir constaté une explosion et tout de suite après une partie s'est dirigée vers le Nord en diminuant de taille apparente, la seconde est descendue vers le sol.

      Monsieur Germain, quant à lui, indique le même scénario en deux phases. Il est cependant plus précis dans sa description de la séparation puisqu'il signale que la partie qui s'est éloignée laissait derrière elle "une poussière d'étoiles" mais n'a pas précisé les directions prises par les deux fragments.

  • Synthèse

    Nous possédons dans ce cas d'observation avec témoins multiples, des éléments qui permettent de dégager des indications sur le type de phénomène qui a été observé le 3 mai 1982 dans le ciel de la région de V1.

    En résumé on peut dire que celui-ci correspondait aux caractéristiques suivantes :

    • il était très brillant, fortement éclairé
    • de dimension angulaire apparente plus grosse qu'une étoile
    • qu'il était haut dans le ciel ( en site ) et observé en direction Nord.
    • qu'il était fixe pendant plus de 30 minutes
    • qu'il y a eu séparation et disparition brutale vers 6 H 50.

    Le GEPAN a appelé le jour même la gendarmerie de V1 pour connaître d'éventuels témoins supplémentaires. La gendarmerie a répondu qu'elle n'avait reçu aucun appel de ce genre et que si tel était le cas elle nous avertirait. Néanmoins, la gendarmerie se renseignerait auprès des autorités compétentes notamment la base aérienne de parachutistes qui pouvait avoir procédé à des largages ou des essais sans en référer aux autorités locales.

 

4. - INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES

En partant des paramètres fondamentaux de l'observation ( date, heure, lieu, direction ), nous avons procédé à la recherche des informations susceptibles de nous guider vers une solution, une explication plausible à ce cas d'observation.

  • Carte du ciel

    Une carte du ciel a été dressée au lieu ( centre ville ) à la date et à l'heure où le phénomène lumineux a été observé dans la direction du Nord.

    Bien entendu, la direction du Nord ne peut correspondre à la présence d'autres astres que des étoiles. Cependant, la carte du ciel indique que même assez loin de cette direction aucune planète, ni la lune ni aucune étoile majeure, ne pouvait prêter à confusion

     

  • Renseignements à caractère aéronautique

    Les bases militaires de V1 et V6 ainsi que les renseignements demandés par l'intermédiaire de la circulation aérienne, n'indiquent aucune manoeuvre ni mouvements particuliers dans le ciel de la région V1.

  • Vols de ballons

    A une cinquantaine de kilomètres au nord de cette localité, le CNES possède à V2 un centre de lâcher de ballons. De ce centre opérationnel permanent, des lâchers de ballons sont occasionnellement effectués, du mois de septembre à mai. Nous avons contacté le centre V2 pour leur demander s'il n'y avait pas eu un lâcher de ballon le 3 mai 1982 au matin. Le responsable des vols nous apprend qu'il a été procédé dans la nuit du 2 au 3 mai à un lâcher de ballon stratosphérique avec une nacelle ( charge utile ) emportant des expériences scientifiques.

    Il nous fournit les premières indications sur le vol :

    • date de lancement : nuit du 2 au 3 mai - 23 H 25 TU ( 1 )
    • plafond atteint à 2 H 02 TU ( 1 )
    • séparation à 4 H 48 TU
    • localisation du lieu de récupération à la verticale de V3 à 25 km au Nord Ouest de V1.

    (1) L'heure locale s'obtient en ajoutant deux heures à l'heure TU ( heure d'été ).

    L'agent responsable du vol nous précise que nous pourrons obtenir des renseignements plus précis sur les caractéristiques techniques du ballon, mais également sur les paramètres de vol, dès que la télémesure aura été exploitée.

    Effectivement, nous obtenons ultérieurement ces renseignements ainsi qu'une carte ci-après localisant les différentes étapes de l'évolution du ballon.

  • Renseignements techniques du ballon

    Le Centre National d'Etudes Spatiales dispose à V2 d'une base de lancement de ballons stratosphériques. Ces ballons servent de vecteur à des nacelles équipées de charges instrumentales, d'instruments scientifiques.

  • Caractéristiques du ballon

    Pour ce vol, le ballon était de type 74352 sphérique américain, d'une contenance de 330 000 m3, longueur des faisceaux de l'enveloppe 136 m ce qui, compte tenu de l'altitude et de la charge utile, lui conférait un diamètre d'environ 100 mètres au plafond.

    • poids du ballon : 563 kg
    • poids de la charge utile : 607 kg ( nacelles servitude et scientifique ).

    Deux ballons auxiliaires de petite dimension sont utilisés au moment du lâcher pour lever l'enveloppe. Ces deux ballons ont une capacité respective de 1 400 m3 et 500 m3. Ils sont largués peu après le lancement et détruits par télécommande.

  • Eléments généraux du vol ( fournis après dépouillement )

    • lâcher 23 H 25 mn TU
    • durée montée : 02 H 41 mn
    • arrivée au plafond : 2,6 m/s 41 km altitude
    • durée plafond 02 H 42 mn
    • séparation TC : 04 H 48 mn TU
    • lieu d'arrivée au sol V3 ( voir carte jointe ).

 

 

5. - DISCUSSIONS

Les témoignages multiples recueillis ont décrit un phénomène lumineux dont l'évolution a surpris les observateurs. Plus précisément, c'est la séparation de cette lueur en deux parties qui a le plus intrigué les témoins. Madame Martin a noté à 6 H 48 locale cette séparation, Monsieur Germain, de son côté, est moins précis puisqu'il indique l'heure de fragmentation aux alentours de 6 H 50 locale.

Or 6 H 48 est très exactement l'heure de la séparation charge utile ballon ; la direction d'observation, au nord de la ville, qui est mentionnée par les témoins correspond su point de plafonnement du ballon vu de V1.

Quant à la forme "en haricot", elle correspond à la silhouette d'un ballon de grosse dimension ( jusqu'à 350 000 m3 ) avec la charge utile placée en dessous.

La séparation semble très proche de la description fournie par Monsieur Germain : il mentionne qu'il aperçut une partie qui s'est éloignée et laissait derrière une poussière d'étoiles. Ceci correspond parfaitement à la séparation entre le ballon et la charge utile par déclenchement télécommandé d'une petite charge pyrotechnique.

La masse sombre, tombant à la verticale, serait alors simplement la charge utile avant ouverture du parachute.

L'intérêt de traiter un tel cas par le GEPAN est grand car il permet, à partir d'un témoignage visuel d'un phénomène parfaitement connu par ailleurs, d'en apprécier la déformation, mais aussi de saisir l'interprétation qui peut en être donnée par l'observateur. Dans ce cas précis, un vol de ballon stratosphérique, qui est quelque chose de banal dans cette région, a surpris quelques personnes qui n'avaient jamais constaté auparavant ce genre de phénomène.

Ces témoins n'ont pas cherché à trouver une interprétation sensationnelle à leur observation, mais leur intérêt a été avivé du simple fait de la difficulté à obtenir une explication auprès des organismes auxquels elles se sont tout d'abord adressées.

 

 




SUITE...




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