CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES
Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés
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Toulouse, le 05 mai 1982 N° 0064 CT/GEPAN
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NOTE TECHNIQUE N° 12
( ENQUÊTE 81/07 et 81/09 )
ISSN : 0750-6694
( D. AUDRERIE - JJ. VELASCO )
SOMMAIRE
- PRÉSENTATION
- 1.1. - INTRODUCTION
- 1.2. - RÉSUMÉ DU CAS
- 1.3. - RAPPORT DE GENDARMERIE
- 1.4. - DÉROULEMENT DE L'ENQUÊTE
- 1.5. - DESCRIPTION DES LIEUX
- COLLECTE DES INFORMATIONS A CARACTÈRE PHYSIQUE
- 2.1. - ÉLÉMENTS GÉNÉRAUX
- 2.2. - MESURES DE CHAMPS
- 2.3. - DESCRIPTION ANALYTIQUE DE LA TRACE
- 2.4. - MESURES MÉCANIQUES
- 2.5. - PRÉLÈVEMENT D'ÉCHANTILLONS DE SOL
- 2.6. - COLLECTE DES INFORMATIONS A CARACTÈRE BIOLOGIQUE
- INFORMATIONS COMPLEMENTAIRES
- 3.1. - ACTIONS VOLONTAIRES SUR LE SOL ENVIRONNANT
- 3.2. - DONNÉES MÉTÉOROLOGIQUES
- ÉTUDE DE L'ENVIRONNEMENT PSYCHOSOCIAL
- 4.1. - LES DONNÉES
- 4.2. - ANALYSE DES TÉMOIGNAGES
- 4.3. - CONCLUSION
- CONCLUSION GENERALE
ANNEXES
3.1. - ACTIONS VOLONTAIRES SUR LE SOL ENVIRONNANT
Ces éléments d'information apportent un complément sur la connaissance du milieu étudié. Ils sont de toute façon
indispensables à toute analyse en laboratoire.
Ils portent essentiellement sur des éléments liés à la nature des produits e t traitements utilisés pour la culture du maïs.
Ces éléments d'information excluent toute explication du type de celle rencontrée dans l'enquête 79/07 ( Note
Technique N° 6 page 29 ).
3.2. - DONNÉES MÉTÉOROLOGIQUES
Monsieur GUY nous a signalé ( voir plus loin, § 4.1. ) qu'il y avait eu dans la nuit du lundi 8 au 9 juin
un violent orage au-dessus de la localité de V2. Il ajouta d'ailleurs : "Les coups de tonnerre étaient très forts et il a
beaucoup plu". Depuis cet orage jusqu'à notre visite, le temps était redevenu beau et sec.
Les renseignements fournis par la station météorologique de V4 ( à 30 km au Nord/ouest de V1 )
nous indiquent pour V1 :

Les indications météorologiques nous confirment que le 8 et le 9 juin la couverture nuageuse était maximale et le taux
d'humidité supérieur à ceux des jours précédents et suivants. Les informations communiquées par la météorologie ne
précisent pas s'il s'agit de formation orageuse.
Ces remarques sur la situation orageuse dans la nuit du 8 au 9 juin conduisent à examiner l'hypothèse d'une chute
de foudre ayant frappé le champ de M. GUY. Dans ce but, le GEPAN a visité de nombreux laboratoires et organismes
pour chercher à savoir :
Ce genre d'enquête s'est rapidement trouvé avoir pour le GEPAN un intérêt dépassant largement le cas que nous
discutons ici. D'une part parce qu'un autre cas, quelques mois après, soulèvera le même type d'interrogation ( voir
enquête 81/09 ) dans une configuration physique toutefois assez différente. D'autre part parce que cette enquête
a rapidement révélé que certaines études scientifiques pouvaient bénéficier d'informations spontanées, imprévisibles et que
pour l'accès à celles-ci, une méthodologie analogue à celle du GEPAN pourrait être fort utile. Ces considérations sont
exposées plus en détail à la fin de l'enquête 81/09. Nous nous contenterons ici d'énoncer les informations ayant un intérêt
pour l'analyse du cas présent.
Il n'y a pas de détection systématique des décharges atmosphériques.
Il n'y a pas ( pas eu ) d'études ( générales ) des effets de la foudre sur le sol ou les végétaux.
Cependant la foudre engendre un effet de souffle ( onde de choc ) pouvant expliquer l'arrachement
des plants de maïs au centre de la trace. La décharge s'accompagne aussi d'un échauffement ohmique éventuellement important
qui pourrait expliquer les effets constatés sur la terre ( desséchée, craquelée, dure )
et les maïs ( desséchés ).
La foudre est "attirée" par une pointe ( arbre, paratonnerre ) si celle-ci se trouve dans un relief absolument
plat, ce qui n'est jamais parfaitement le cas. En fait la foudre peut tomber à peu près n'importe où, y compris au milieu
d'un champ, même si c'est peu fréquent. Dans ce cas, le chemin suivi par le courant dans le sol peut être à peu près
quelconque. Tout dépend de la distribution des résistances des matériaux.
En complément de l'étude physique de la trace, nous présentons ci-dessous une analyse plus spécialement centrée
sur les témoignages recueillis. Précisons d'emblée que nous entendons par témoignage le discours du sujet, dans son
ensemble, à propos de sa perception de la trace et de l'évocation de son propre cadre de référence.
Comme cela a été mentionné plus haut, il n'y a eu pour ce cas aucune observation de phénomène lumineux,
malgré l'interprétation fournie au GEPAN par la Gendarmerie. L'intérêt d'une brève analyse de l'environnement psychosocial
réside donc dans les circonstances qui ont entouré l'origine d'une interprétation OVNI des causes d'une telle trace.
Afin de recueillir des données à ce propos, nous avons posé à M. GUY, ainsi qu'aux principaux membres de
son entourage, des questions relatives à leurs connaissances ufologiques*, leurs croyances, leurs conditions
d'observation de la trace, et leur vécu face à celles-ci.
* "ufologique" : propos des objets volants non identifiés ( UFO en anglais ).
On trouvera successivement ci-dessous les données recueillies, l'analyse des témoignages et enfin la conclusion.
4.1. - LES DONNÉES
4.1.A. - PRESENTATION DES TEMOINS INTERROGES
ORDRE CHRONOLOGIQUE PREMIERE OBSERVATION DE LA TRACE

Remarquons que tous les témoins interrogés se sont montrés très coopérants avec les enquêteurs du GEPAN,
ce qui n'a pu que faciliter les recherches.
4.1.B. - LE DISCOURS DES TEMOINS, CAS PAR CAS
M. EMMANUEL.
Le premier à avoir vu la trace, M. EMMANUEL, l'ouvrier agricole de M. GUY, désherbait en tracteur le champ de maïs,
dans l'après-midi du 12 juin. Il a remarqué à un endroit la "terre grattée" mais n'est pas descendu du tracteur, pensant
que des chiens auraient "enterré une poule ou quelques os".
Au retour du sillon, voyant que "c'était brûlé", il est allé aussitôt dire à M. GUY que "son maïs était en train
de crever". M. GUY a alors répondu que "c'était pas une maladie". Ils ont pensé à la foudre, puis
M. GUY lui a dit que "c'était quelque chose qui s'était posé à cause du maïs brûlé". Selon M. EMMANUEL,
M. REMI est venu ensuite voir les traces, "les trous".
M. EMMANUEL, qui ne s'intéresse pas du tout aux OVNI, estime "qu'il y a quelque chose pour que ce soit brûlé
comme ça", mais ne sait pas quoi, et n'a rien vu d'autre que la trace. Il ne se souvient pas d'un événement particulier lié à
ces traces. Il n'a pas parlé de celles-ci à un voisin, qui a évoqué devant lui, le 18 juin au matin, le cas "d'une
soucoupe qui s' était posée" en V1.
M. REMI.
M. REMI dit avoir vu pour la première fois la trace le vendredi 12 juin vers 17 H, quand M. EMMANUEL lui
a annoncé "qu'il y avait un trou dans le bas du jardin" (*). M. REMI a cru sur le moment que "c'était
des animaux qui s'étaient battus, des lièvres qui s'étaient amusés... je n'ai pas du tout pensé à çà" ( à
une trace laissée par un OVNI, cf. plus bas ).
(*) Le champ de mais est situé en bas du jardin de M. GUY.
M. EMMANUEL lui a montré les feuilles de maïs qui étaient jaunes, sans donner d'explication. M. REMI dit en
avoir aussitôt parlé à son beau-père, M. GUY. De retour près de la trace, ils ont conclu "que ça pouvait être un engin
comme ça". Par peur des moqueries, M. REMI n'a pas osé le dire à M. GUY, qui mesurait le
trou : "les enjambées correspondaient a peu près, c'était a peu près pareil d'un côté comme de l'autre ;
alors il m'a dit : c'est peut-être un OVNI. Et moi je dis : je pensais la même chose".
Il a aussi pensé à la foudre : "... j'ai aussi pensé que c'était la foudre, parce qu'il y a eu un orage violent
dans la nuit de lundi a mardi (**), mais alors vraiment violent, et puis la foudre est peut-être bien tombée
par là mais... ( silence ) ".
(**) 8 au 9 juin.
Son impression par rapport aux traces : "C'est surprenant parce qu'on imagine çà toujours chez quelqu'un d'autre,
toujours dans une autre région, et puis, bon, ben, çà peut aussi bien arriver à sa porte, quoi !"
Il dit qu'il savait qu'on pouvait prévenir la Gendarmerie, mais que "ce n'était pas son champ", et qu'il s'est de plus
absenté tout le week-end suivant. D'après lui, il a souvent pensé à la trace pendant ce week-end ( "Je me
suis dit : bon sang, c'est extraordinaire !" ). De retour le lundi, il a parlé de "cet OVNI"
à quelques personnes, dont M. BERNARD, le logeur de M. EMMANUEL.
Au sujet de son intérêt pour le phénomène OVNI, il déclare s'y intéresser "sans plus. Je lis ce qui se passe".
Il n'évoque qu'une émission TV, diffusée il y a 5 ans environ, et consacrée aux OVNI. Il "croit qu'on peut imaginer tout
à fait la chose... pas mal d'hypothèses de toute façon, une autre galaxie pourrait intervenir…" .
A la question sur le rappel éventuel d'un événement particulier associé aux traces, M. REMI signale l'observation,
par son épouse, d'un phénomène lumineux, 2 ans auparavant, près de V1, au-dessus d'un champ ( "Elle
a vu quelque chose tombez violemment dans un champ sur le bord de la route" ). C'était un soir alors qu'ils
revenaient tous deux du cinéma en auto. M. REMI précise qu'ils ne se sont pas arrêtés pour le regarder, lui-même
pensant "à une étoile filante".
M. GUY.
Lors de son premier témoignage à notre arrivée sur les lieux de la trace, M. GUY nous montre les feuilles de
maïs "hachées, ... comme si çà avait été soufflé violemment... du fait que les feuilles sont un peu déshabillées, ( ... )
comme si avec un jet on avait... ( silence )". Puis, un peu plus tard : "comme si carrément on avait
enlevé la terre ; ça m'avait intrigué, il y avait des brûlures, juste le trou, pas de remblais...".
A notre question, M. GUY élimine l'hypothèse du canular. En voyant la trace, il avait pensé "c'est pas un chien qui est venu
se rouler, et puis on a pensé à ça : je lui ai dit ( à mon gendre ) : c'est un OVNI qui est venu
se poser là". "C'est-y ça ou pas ça, je peux pas vous dire, hein !".
Le lendemain, M. GUY raconte plus longuement, à notre demande, sa découverte de la trace : "c'est mon employé
( M. EMMANUEL ) qui est venu me dite qu'il y aurait un endroit, dans le champ, où le maïs crevait.
Alors je suis donc venu voir, et en effet, sur un rond approximatif, le maïs paraissait fané et, après observation,
on a vu que c'était brûlé. On a vu des traces de... comment vous expliquer, moi, c'est assez difficile. La terre sur un rond
de quelques dizaines de cm de diamètre avait disparu et on apercevait 5 trous. On a trouvé ça étrange. Ca se trouvait
à peu près au centre du maïs qui semblait brûlé. Alors nous avons donc, après mûre réflexion, prévenu la Gendarmerie
qui est venue faire un état des lieux, en somme".
C'est par crainte du ridicule et pour éviter les curieux que, selon lui, M. GUY a attendu les conseils d'un
correspondant du journal local rencontré à V1, et d'un voisin ( M. BERNARD ), venu voir la trace le
14 juin, d'où le retard apporté à la déclaration du PV. Selon M. GUY, l'orage ( il a envisagé cette hypothèse ),
qui s'est produit quelques jours avant la découverte des traces, n'aurait pu les provoquer : "on a l'air de penser que,
si c'était l'orage, bon, il n'y aurait pas eu ces traces, ces trous comme ça ; ça aurait plutôt fait un cône. Puis,
enfin, l'orage, a plutôt tendance à tomber sur un arbre ou sur un bâtiment qu'en plein champ, comme ça, enfin, on sait pas".
A la question sur "ce que lui dit le terme OVNI", il répond qu' "on penserait à des extraterrestres... qui viendraient nous
rendre visite, et c'est curieux, parce que, d'habitude, les témoignages font état de traces lumineuses dans la nuit". A propos
d'autres civilisations, il insistera sur le fait que ce ne sont que des suppositions. Il se dit intrigué par le phénomène OVNI, mais
pas particulièrement intéressé par celui-ci.
M. GUY ne connaissait pas l'existence du GEPAN, bien qu'il savait que des organismes s'occupaient en France de
ces questions, après "avoir lu des revues de vulgarisation" ( il cite Science et vie et Sélection ).
A propos des traces, il souhaite posséder, de la part du GEPAN, "une explication de ce fait qui paraît mystérieux".
Avant de nous quitter, M. GUY évoque certains thèmes couramment abordés dans les livres ufologiques ( Cf. les
interprétations ufologiques de fresques anciennes ). Il dit avoir feuilleté la veille au soir ( le 18 juin )
deux de ces ouvrages présents à son domicile. Il semble y attacher du crédit au début de la conversation ( "Dans
l'Antiquité, dans les temps anciens il y a eu des trucs extraordinaires qui se sont passés... Il y a quand même des traces
indélébiles qui sont restées dans les roches... des sculptures avec des scaphandres..." ), mais ne rejettera pas
notre point de vue critique sur la question.
Mme GUY.
Mme GUY a vu la trace pour la première fois le vendredi 12 juin vers 18 h, quand son mari lui a dit qu'il y
avait "des traces bizarres" Elle a pensé que "quelque chose c'était posé", en voyant le "maïs grillé"
et "la terre nue, il ne restait plus de maïs dessus". Elle précise avoir "tout de suite pensé à un OVNI (...),
à un appareil qui s'est posé sur ses pieds pour faire des prélèvements de terre".
A propos des OVNI, Mme GUY affirme : "J'y ai toujours cru". Elle n'a pas lu de livres sur la question,
mais elle ajoute : "je crois que je vais me lancer maintenant !". Elle se demande si l'appareil
provient "d'un autre pays - espionnage ? - (...) je penserais plutôt à une autre planète".
Elle situe l'orage le lundi précédant le jour de la découverte de la trace et écarte une possible origine naturelle :
selon elle, la pluie aurait bouché les trous de la trace, or les trous étaient d'une très grande netteté.
Elle a remarqué que "les trous étaient vraiment espacés, à exactement la même distance". Elle trouve "formidable
que ce soit vraiment au milieu de ce champ, vraiment au milieu, comme si quelque chose... n'aurait pas gêné nulle part pour
se poser".
A propos de la trace, ce n'est pour elle ni inquiétant, ni rassurant "parce qu'on osait jamais ce qu'ils peuvent faire, parce
qu'ils peuvent aussi bien nous amener des microbes, on sait jamais".
Elle ne connaissait pas l'existence du GEPAN, et dit s'être demandée pendant 2 jours à qui faire part de l'observation
de cette trace. Mme GUY souhaite connaître les résultats de l'enquête du GEPAN.
Melle GUY.
Melle GUY a vu la trace pour la première fois le vendredi 12 juin vers 19 H. Elle a trouvé que ça faisait "bizarre"
et s'est demandée ce que c'était, "mais sans trop croire que ça pouvait être un OVNI". Elle se dit étonnée par la
petitesse des traces, et a pensé à l'atterrissage d'un engin d'origine Russe, Japonaise ou Française.
A propos des OVNI, elle pense "que les OVNI c'est obligé que ce soit des extraterrestres, sinon on appellerait pas
ça OVNI, enfin, je crois !" ( Elle a simplement consulté quelques ouvrages sur la question "c'est toujours
intéressant de savoir ce qu'il peut y avoir sur une autre planète" ).
Melle GUY établit également une relation entre la trace et la nuit de l'orage "très violent, avec de très forts coups
de tonnerre". Elle n'a pas remarqué d'éclairs particuliers cette nuit-là car "il n'y a pas d'ouvertures de la maison
du côté du champ de maïs". Elle ne connaissait pas l'existence du GEPAN.
Mme REMI.
Ce témoin a vu pour la première fois la trace le vendredi 12 juin vers 20 H : "tout te monde en parlait alors j'étais
pressée d'aller voir, par curiosité". Elle précise que "tout te monde avait déjà interprété ça, alors..." , elle a
pensé elle aussi à un OVNI ( "On avait envie d'y croire" ).
En voyant les traces, son impression est que "ça fait bizarre, enfin quand on arrive dessus ça fait drôle, parce que c'est pas
symétrique. On a l'habitude de la symétrie, alors ça m'a fait bizarre… et puis tout de suite on a envie de croire à quelque
chose, on serait déçu de… que ce soit quelque chose d'ordinaire". Elle a également pensé que les traces pouvaient être
causées "par un orage sur un nid de taupe", mais elle estime que dans ce cas, la terre projetée aurait été visible à côté
des traces. Elle élimine l'hypothèse du canular : "là, ça aurait été quelque chose de plus évident", et dit qu'elle n'a
pas parlé de la trace autour d'elle pour éviter le défilé des curieux.
Au sujet du problème OVNI en général, Mme REMI déclare ne s'y être jamais tellement intéressée, ne pas avoir lu
d'ouvrages sur la question. Elle pense à des engins espions d'origine terrestre ( USA ou URSS ) "aux formes
extraordinaires... déguisés en OVNI..." Ce côté "extraordinaire" (aspect "bizarre, rapidité" ) des témoignages
OVNI dont elle a entendu parler la conduit à écarter l'hypothèse d'un phénomène naturel.
Le mot extra-terrestre évoque pour elle "un autre système solaire sans doute, des créatures je sais pas quelles formes…
qui y voient la nuit certainement parce qu'on les voit toujours la nuit, et peut-être imperceptibles, enfin, je ne sais pas trop,
hein, (…), j'y croyais pas tellement, mais je critiquais pas ceux qui avaient vu, quand même !".
A la question d'un événement particulier lié à ces traces, Mme REMI y associe une observation d'OVNI deux ans
auparavant : elle dit avoir "vu une forme de sou...., de 2-3 m de haut. C'était ovale, sur une douzaine
de mètres de long", à moins d'un kilomètre du champ à vol d'oiseau. C'était "une lumière blanche comme vue à travers
une vitre embuée", aperçue alors qu'elle passait en voiture. Elle a alors pensé à un OVNI et l'a dit, mais ne l'a répété à
personne.
Signalons enfin qu'elle ne connaissait pas l'existence du GEPAN mais se doutait qu'il existait un organisme qualifié.
Elle pense à ce sujet que même si le GEPAN découvrait quelque chose, il garderait secrètes ses conclusions, entre autre
pour ne pas affoler la population.
M. BERNARD.
M. BERNARD dit avoir vu la trace pour la première fois le dimanche 14 juin dans l'après-midi, après en avoir
entendu parler par M. EMMANUEL, qu'il loge à son domicile. Il était avec un ami ( M. URBAIN )
qui a partiellement détérioré la trace en mesurant celle-ci. M. BERNARD a remarqué les feuilles mâchées, les trous
et "deux mottes de terre qui avaient un peu obstrué les trous".
Son impression par rapport aux traces : "Disons que c'est pas un truc qu'on voit tous les jours".
M. BERNARD "croit que c'est l'orage, violent" ( qu'il situe dans la nuit du 8 au 9 juin ) qui
est à l'origine de la trace et élimine l'hypothèse d'un canular, à cause de la forme des trous et de la brûlure du maïs.
Il pense aussi à une possible origine OVNI du phénomène : "Sorti de l'orage ou des OVNI, qu'est-ce qui peut faire
un truc comme ça ?" (...) "quand il y a un phénomène qu'on n' explique pas, tout le monde pense c'est un OVNI".
Mais il ne se dit pas persuadé que les OVNI existent et reconnaît ne s'être " jamais penché sur la question"
( "Je n'ai pas d'opinion personnelle" ). Il signale seulement qu'une de ses belles soeurs "est fana de ça",
et il répondra par la négative à toutes les autres questions.
4.2. - ANALYSE DES TÉMOIGNAGES
A la lecture des données ci-dessus, apparaissent à la fois des points communs dans le discours des sujets ( sur les
sentiments éprouvés face à la trace ) et des divergences quant au degré d'investissement de chacun, par rapport à
cette trace et à son mode propre de représentation imaginaire d'un "OVNI" (*).
(*) Nous parlerons par la suite "d'OVNI", de "Problème OVNI", de "Phénomène OVNI". Ceci ne signifie absolument
pas l'existence d'une spécificité physique dans le concept d'OVNI, mais seulement d'une spécificité symbolique,
sémantique et psychosociale. "Problème OVNI", "OVNI", "Interprétation OVNI" et "Phénomène OVNI" doivent être
considérés comme équivalents.
Nous distinguerons du reste du groupe les discours de M. EMMANUEL et de M. BERNARD, en raison
du faible degré d'investissement qu'ils apportent à la trace. Cela vient-il de leur statut extérieur à la famille de M. GUY
au sein de laquelle on peut raisonnablement penser que le problème des traces a été souvent évoqué ?
En effet, bien que M. EMMANUEL soit le premier à avoir vu la trace, il n'apparaît pas dans son discours une interprétation
autre qu'ordinaire ( "des chiens auraient enterré une poule ou quelques os" ) ou un simple
constat ( "il y a quelque chose pour que ce soit brûlé comme ça" ) qui ne se prolonge pas par un désir
manifeste d'explications. A l'arrière plan, notons l'absence d'intérêt pour le problème OVNI.
De même, le discours de M. BERNARD ne traduit pas un intérêt particulier pour le problème OVNI en général, qu'il envisage
comme la réponse du commun à l'inexplicable. Son discours concorde avec sa déclaration à la Gendarmerie,
où il se borne à décrire la trace, sans mentionner d'explications.
Pour le reste du groupe de sujets ( la famille de M. GUY ), notons le statut particulier du discours
de M. GUY : c'est lui qui a prononcé pour la première fois le terme "OVNI" et est allé déposer à la Gendarmerie.
Mise à part l'absence de ce type d'interprétation dans le PV, ( seule l'hypothèse d'atterrissage d'un simple "objet"
est évoquée ), nous ne notons pas de contradiction importante entre son témoignage à la Gendarmerie et ses
réponses à nos questions.
Dans ces dernières, on peut observer le cheminement des interprétations de la trace, à partir du sentiment d'étrangeté
éprouvé par M. GUY devant les brûlures et les trous ( "On a trouvé ça étrange... intrigué... fait mystérieux' ').
M. GUY élimine l'hypothèse d'une maladie du mais, du passage d'un chien. En filigrane, les brûlures lui font penser
à "un souffle, un jet", provoqué par un agent doué d'intentions ( "comme si avec un jet on avait... comme
si carrément on avait enlevé la terre" ), ce qui le conduit à parler à son gendre d'un atterrissage d'OVNI.
Cette interprétation nous parait découler de son propre cadre de référence, dans lequel réside un certain intérêt pour le
phénomène OVNI. En témoignent ses associations à propos du terme OVNI ( "on penserait à des extra-terrestres...
qui viendraient nous rendre visite" ), un certain crédit qu'il accorde aux livres ufologiques ( "il y a quand même
des traces indélébile qui sont restées dans les roches... des sculptures avec des scaphandres..." ), et enfin
sa rationalisation pour écarter l'hypothèse de l'orage, malgré son constat d'ignorance
dans ce domaine ( "... si c'était l'orage, bon il n'y aurait pas eu des traces, ces trous comme ça, ça aurait
plutôt fait un cône..." et "enfin, on sait pas").
Mais ce désir de croire de préférence à une explication OVNI du phénomène de la trace est cependant tempéré par la peur
du ridicule, et par la présence d'une ouverture à la critique ( Cf. la fin de notre conversation avant le départ
du GEPAN du domicile de M. GUY, et le caractère de supposition qu'il confère à l'existence d'autres civilisations ).
Chez les autres membres de sa famille, se révèlent des différences quant au crédit attaché par chacun à l'interprétation
OVNI, ou au mode de représentation de celui-ci. Avec M. EMMANUEL, c'est M. REMI qui est un des premiers
à risquer d'être influencé par l'interprétation OVNI fournie par son beau-père. Mais il reconnaît lui-même "qu'il pensait ma
même chose que M. GUY" avant que ce dernier ne la fournisse.
A noter cependant l'évolution de ses interprétations, puisque, au tout début, en voyant la trace, il pense à des animaux.
De même, au moment de l'entretien, il évoque l'hypothèse de l'orage, dont ( par rapport à M. GUY qui n'en
parle pas ) la violence l'a particulièrement frappé ( "mais alors, vraiment violent" ). Mais il ne
s'attachera pas davantage à cette interprétation : "la foudre est peut-être bien tombée par là, mais... -silence- )".
En arrière plan de son attitude face à la trace, M. REMI se déclare surpris de la présence des traces aussi près de
chez lui, ce qui pourrait indiquer sa croyance d'être devant un signe tangible de ce qui ne relevait avant que de
suppositions ; de même qu'il ne fait "qu'imaginer la chose" quand il parle d'une intervention possible d'une
autre galaxie.
Enfin, nous estimons que son désir d'interpréter la trace en terme de manifestation OVNI serait lié moins à l'influence
de ses connaissances ( réduites, selon lui ) dans ce domaine, qu'à un lien plus ou moins conscient
avec le témoignage d'observation OVNI de son épouse, puisque c'est à ce souvenir précis qu'il associera le phénomène
de la trace.
Toujours à propos des différences entre les témoignages au sujet du crédit apporté à cette interprétation, notons
que Melle GUY prend en compte l'hypothèse de l'orage et doute d'une manifestation de type OVNI ( "sans trop
croire que ça pouvait être un OVNI" ). A la différence des discours étudiés plus haut, elle dissocie sa forme
de croyance aux OVNI/extra- terrestres ( "les OVNI, c'est obligé que ce soit des extraterrestres sinon on
appellerait pas ça OVNI") de la possibilité de l'atterrissage d'un engin terrestre inhabituel ( elle insiste
sur la "petitesse des traces") dans le champ de maïs.
Cette même dissociation est établie par Mme REMI, qui a reconnu être influencée par les autres membres de
sa famille ( "tout le monde avait déjà interprété ça, alors !" ) et confirme que tous avaient
envie de croire à un OVNI. Pour elle aussi, le fait qu'elle évoque davantage un engin-espion terrestre et qu'elle
imagine l'aspect d'un extraterrestre indique l'absence d'une réelle imprégnation du mythe OVNI/ extra-terrestre dans
son cadre de référence. Cependant, son désir de croire à l'intervention d'un engin-espion la conduit à rechercher aux
alentours de la trace de quoi la conforter ( Cf. :"On sait jamais, s'ils ont pris du maïs, ils auraient pu prendre
autre chose" ).
Enfin, c'est le discours de Mme GUY qui reflète le plus manifestement son investissement de la trace
( Cf. : "j'y ai toujours crû", à propos des OVNI ). Elle reprend à son compte cette interprétation
dans son sens "classique" ("Je pensais plutôt à une autre planète"), et va jusqu'à parler de prélèvements
de terre. Si Mme REMI parle de l'aspect asymétrique des traces, Mme GUY évoque une même distance
entre les trous.
Il est ici intéressant de remarquer qu'une perception opposée des traces a néanmoins conduit à la même interprétation
du phénomène.
NOTE SUR LE DISCOURS DES GENDARMES.
Avant de conclure, il est à noter que la lecture des PV de gendarmerie révèle implicitement un type d'interprétation
OVNI du phénomène. Le PV 774/81 porte en effet en titre "Découverte traces atterrissage Objet Volant Non-Identifié"
et parle de "l'engin ayant occasionné ces traces", en précisant qu'"aucun engin connu de nous dans quelque domaine
que ce soit n'a pu laisser une telle empreinte sur le sol".
4.3. - CONCLUSION
Les différents discours recueillis au cours de l' entre tien d'enquête font état de points communs et de divergences
entre les sujets, à propos du phénomène de la trace.
Un désir de croire à une interprétation OVNI du phénomène se manifeste dans le discours de la majorité des témoins,
dont, globalement, le cadre de référence est certainement imprégné du mythe OVNI/extra-terrestre. Toutefois, aucun
sujet n'apparaît comme un croyant "fanatique" à l'hypothèse OVNI.
Il semble seulement que le désir de croire à l'intervention d'un OVNI, outre la séduction rencontrée par ce mythe,
ait répondu chez ces sujets à la nécessité d'une production imaginaire, pour trouver un sens sécurisant à la perception
d'une trace, qui avait provoqué chez eux un sentiment général d'étrangeté.
L'ensemble des informations que nous venons de présenter et discuter ici appelle des conclusions sur plusieurs plans :
Tout d'abord, pour ce qui est des événements ayant fait apparaître les traces constatées dans le champ de
M. GUY, l'analyse peut raisonnablement s'arrêter à l'hypothèse d'une chute de foudre dans la nuit du 8 au 9 juin.
Ceci est tout à fait possible en raison des témoignages des personnes concernées et des données météorologiques
fournies ( mais ce n'est pas certain car aucun système de détection systématique n'existe pour apporter la preuve
que la foudre est bien tombée ce soir-là dans le champ de M. GUY ). Ceci est aussi suffisant pour expliquer les
principaux traits observés, par effet de souffle ( disparition de plants de maïs ), propagation d'un courant très
intense ( trous dans le sol ) et échauffement ohmique ( dessèchement local du sol et des végétaux ).
Toutefois certains effets significatifs ne pouvaient être observés ( magnétisme rémanent consécutif au champ induit )
en raison de l'absence de matériaux appropriés ( magnétisables ). En retour, un trait au moins a été
observé ( frein momentané de la croissance du maïs ) dont on ne sait s'il confirme l'hypothèse de la foudre,
faute d'études antérieurement faites dans ce domaine. Ce point justifierait donc quelques expériences simples pour
éclaircir la question.
D'une manière plus générale nous sommes donc finalement dans le cas d'une enquête qui permet de conclure
à un scénario très probable des événements en argumentant essentiellement à partir des observations physiques,
et cette conclusion s'accompagne de quelques questions restées ouvertes, invitant à un effort expérimental. Il est
remarquable que même dans le cas d'un phénomène aussi anodin que la foudre il soit pratiquement impossible
d'apporter une preuve irréfutable par observation directe ( détection systématique ) ou indirecte ( connaissance
exhaustive des caractéristiques des effets secondaires associés ). Ceci augure mal de la possibilité
d'apporter aujourd'hui des preuves irréfutables d'occurrence de phénomènes plus originaux.
Les réactions des personnes impliquées sont tout aussi intéressantes que le reste de l'enquête. Elles
montrent ( Cf. § 4. ), s'il en était encore besoin, que le choix d'une terminologie "OVNI"
ne résulte pas d'une caractéristique physique particulière. La comparaison avec les autres enquêtes du GEPAN
confirme ce point. L'interprétation "OVNI" répond à une interrogation ( éventuellement combinée d'une attente )
beaucoup plus qu'à un fait.
On peut aller plus loin dans cette voie et M. GUY nous y aide en décomposant le mécanisme de sa pensée : le
maillon qui lui permet de passer de l'incertitude à l'interprétation "OVNI" c'est la révélation de l'intentionnalité
( Cf. § 4.2. ). Mme GUY suit une démarche analogue : les distances
( soi-disant ) égales révèlent une construction, c'est-à-dire une intention. Il ne faut pas oublier que
ce processus intellectuel est l'un des fondements de l'esprit pré-scientifique l'habituel est accepté comme tel,
seul l'exceptionnel suscite la réflexion car il est chargé de sens, il est le signe qui traduit les intentions de l'Autre
( ou des Autres ) ; la tâche du témoin est alors de reconnaître ces signes en tant que tels et,
si possible, de les traduire.
Bien évidemment, cette démarche est un état d'esprit ( et non une méthode ) car la révélation
de l'intentionnalité peut se fonder sur à peu près n'importe quoi ( "distances égales" de Mme GUY,
par opposition à "l'asymétrie" remarquée par sa fille ). Rappelons que cet état d'esprit avait déjà été
signalé chez certains ufologues ( voir Note Technique N° 3 ) , et que son caractère très ancien
avait été souligné. Il s'agit bien là de quelque chose qui est fondamentalement différent de, voire opposé à, la
méthode rigoureuse et patiente d'observation du réel qui sous tend la recherche scientifique.
SUITE...
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