CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

Toulouse, le 14 décembre 1981
N° 0294 CT/GEPAN


 

NOTE TECHNIQUE
N° 10


 

LES PHENOMENES AÉROSPATIAUX NON-IDENTIFIES
ET LA PSYCHOLOGIE DE LA PERCEPTION




SOMMAIRE

Introduction

Avant-propos

CHAPITRE 1- DIFFÉRENTES PERCEPTIONS DE LA PERCEPTION

  1. - Les postulats des théories de la perception
  2. - Les modèles s'inspirant des données psychophysiologiques
  3. - Les modèles s'inspirant de la psychophysique
  4. - Deux approches particulières
  5. - Les modèles dialectiques : la Gestalt-théorie
  6. - Les modèles dialectiques : J. PIAGET
  7. - Les modèles dialectiques : Le New Look
  8. - Les modèles dialectiques : J.S. BRUNER
  9. - Récapitulation

CHAPITRE 2 - PERCEPTION ET TEMOIGNAGES

  1. - Introduction
  2. - Elaboration d'un modèle d'analyse des témoignages de PAN
  3. - Analyse des témoignages de PAN
  4. - Exemple

CHAPITRE 3 - VERS DES DONNÉES EXPERIMENTALES

  1. - Introduction
  2. - Choix méthodologiques
  3. - Expérience A
  4. - Expérience B
  5. - Expérience C
  6. - Expérience D
  7. - Expérience E
  8. - Expérience F
  9. - Discussion générale

ANNEXES

CONCLUSIONS

BIBLIOGRAPHIE

 




 

CHAPITRE 3

 

VERS DES DONNEES EXPERIMENTALES

 

1. - INTRODUCTION

 

1.1. - RAPPEL DES HYPOTHÈSES GÉNÉRALES

Les deux chapitres précédents nous ont aidé à aboutir à une hypothèse forte : la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage de PAN croît avec les attentes de phénomène OVNI.

Le premier chapitre s'achevait sur les théories dialectiques, dont nous avons exposé les données expérimentales générales et les propositions théoriques nous permettant de postuler cette hypothèse forte.

Dans le deuxième chapitre, nous avons présenté la mise en oeuvre de cette hypothèse dans le cadre des enquêtes du GEPAN et nous avons illustré le modèle par un exemple pratique.

Dans le modèle nous avons fait appel à la théorie des processus d'influence pour expliciter deux autres hypothèses :

  • la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage de PAN croît avec la communication entre témoins sur le phénomène OVNI ;

  • la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage de PAN croît avec la communication entre le témoin et les enquêteurs sur le phénomène OVNI.

Dans le présent chapitre, nous allons confronter ces hypothèses avec des données expérimentales, obtenues le plus souvent dans des conditions de laboratoire rigoureuses.

 

1.2. - REMARQUE

La théorie des processus d'influence constitue, nous venons de le rappeler, le cadre théorique permettant d'étayer les deux dernières hypothèses au niveau théorique.

Dans ces cas, la démarche expérimentale suivie consistera à fournir à des sujets expérimentaux des informations sur le phénomène OVNI pendant ou après l'observation. Ces sujets-là constitueront le groupe expérimental par opposition à d'autres qui formeront le groupe neutre ( 1 ).

(1) On appelle groupe "neutre" ou "contrôle" les sujets dont la valeur de la variable indépendante est nulle ( ici une absence d'influence ).

Par contre, pour ce qui est d'étudier le rôle des attentes ( première hypothèse générale ), deux procédures sont possibles :

  • soit nous décelons d'une façon indirecte, des attentes particulières chez certains sujets expérimentaux ; ceux-ci constitueront le groupe expérimental par rapport aux autres qui formeront le groupe neutre ( voir remarque ( 1 ) page précédente ) ;

  • soit nous pouvons mettre en place un processus d'influence, en fournissant au groupe expérimental des informations allant dans le sens des attentes particulières recherchées, avant la présentation du stimulus, les attentes ayant été ainsi créées avant l'observation, c'est bien le rôle de ces attentes qui sera étudié chez ce groupe expérimental.

 

1.3. - CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

Finalement, signalons que la démarche expérimentale, mettant à l'épreuve nos hypothèses générales, teste ainsi la validité du modèle d'analyse des témoignages qui s'inspire de ces hypothèses générales.

De façon générale, si nos hypothèses sont confirmées par la démarche expérimentale, nous pourrons affirmer que lorsque un témoin a actualisé par un processus quelconque ( attente perceptive ou processus d'influence ) des informations sur le phénomène OVNI, cette actualisation augmentera la probabilité de l'influence de ces informations sur le compte- rendu du phénomène observé. Ce témoignage sera alors probablement différent de celui fourni par un témoin neutre.

Cependant, en suivant les conceptions classiques de la démarche scientifique ( 1 ), les hypothèses ne peuvent pas être prouvées, elles ne peuvent qu'être confrontées avec les données expérimentales.

(1) Cf. par exemple, POPPER, 1972.

En effet, l'hypothèse ouvre le passage entre une théorie et un champ expérimental, permettant de prédire à l'intérieur de la théorie et grâce au raisonnement logico-empiriste certains résultats expérimentaux.

Si les résultats sont contraires aux prédictions, la rigueur méthodologique obligera à conclure sur la fausseté de l'hypothèse, au moins en tant que trait d'union inadéquat entre la théorie et la pratique.

 

2. - CHOIX METHODOLOGIQUES

 

2.1. - EXPÉRIENCES OBSERVEES

Au moment actuel de la recherche, nos hypothèses sont trop générales pour permettre l'élaboration d'un véritable plan de recherches expérimentales, Nous nous trouvons au stade où l'observation ( 1 ) doit tester le bien-fondé de l'application d'une théorie générale, et doit permettre l'élaboration de véritables hypothèses opérationnelles, débouchant sur des plans expérimentaux fins.

(1) Au sens que lui donne la méthode scientifique.

Nous nous sommes alors contentés d'observer, à la lumière des trois hypothèses générales présentées plus haut, les données ( protocoles et résultats ) de plusieurs expériences.

La première de ces expériences est un sondage que nous avons réalisé lors du Salon du Bourget 1981, ayant entre autres le but de nous permettre d'avancer à l'intérieur d'un modèle psychophysique particulier ( nous en reparlerons ).

Les autres expériences ont été réalisées dans le cadre d'un séminaire de 4ème année de psychologie, sur la perception et le témoignage de PAN ( 2 ).

(2) Nous tenons à remercier vivement F. CEYTE, C. CORSINI, M. MAISON, B. ENGELMAYER, M.C. GAILLARD, C. LAGUNA, M. ROCHE, M. ROUANET, F. SOL, et S. TAMAIN, étudiants à l'Université de Toulouse II qui ont participé activement à ce séminaire.

 

2.2. - CHOIX DES STIMULI

Nous avons été confrontés au problème délicat du choix des stimuli à présenter dans ces expériences. Ce problème découle du manque de référent matériel des PAN ( voir chapitre 2 ). Nous avons choisi des phénomènes lumineux volontairement ambigus ( 3 ) pouvant être associés à l'idée d'OVNI, sans pourtant être aussi explicites que les Images consacrées par les média et qui ont permis de créer un référent OVNI.

(3) L'ambiguïté du stimulus recouvre un vaste champ de réflexions en psychologie ( cf. par exemple, FLAMENT, 1959 ). Dans les présents travaux nous nous en tiendrons à l'acception banale du terme.

Il restera toujours un doute sur la possibilité que ces stimuli soient foncièrement différents de ceux perçus par les témoins de PAN. Cependant, l'importance de ce doute est minimisée lorsqu'on rappelle, une fois de plus, que nos études se proposent seulement de connaître la probabilité de la subjectivité du témoignage ( et non la probabilité d'exactitude du témoignage par rapport à la réalité objective des événements ).

 

2.3. – LIMITES

Dans tous les cas, notre analyse des résultats consistera, en résumé, à composer un groupe neutre avec un groupe expérimental présentait la caractéristique testée.

Ce choix méthodologique interdit les généralisations absolues ( par exemple du type "les témoins ayant des attentes d'OVNI sous-estiment la taille angulaire de 50 % ) ; celles-ci ne seraient envisageables que s'il y avait équivalence entre les sujets, stimulus et conditions des expériences et les sujets, stimulus et conditions des témoignages d'OVNI. En revanche, le choix permet une certaine rigueur dans les généralisations relatives et qualitatives ( par exemple du type : "les témoins ayant des attentes d'OVNI font des erreurs plus prononcées lors de l'estimation de la taille angulaire" ). Ceci ne présuppose pas que les caractéristiques des sujets, conditions et stimulus, n'influeront pas sur la différence qualitative observée expérimentalement.

 

2.4. - TECHNIQUES D'ANALYSE

Au niveau des techniques d'analyse des résultats nous utiliserons les méthodes statistiques inférentielles non paramétriques classiques ( cf. par exemple SIEGEL, 1956 ), principalement les tests de Mann-Whitney, du chi-deux ( parfois avec la correction de YATES ) et la comparaison de deux propositions ( qui est une extrapolation du chi-deux ). Rappelons que ces méthodes testent le degré de signification, au sein des ensembles parents, des différences observées sur les échantillons qui en sont issus. Le calcul permet d'estimer la probabilité pour que ces différences ne soient dues qu'au hasard de deux échantillonnages réalisés sur un même ensemble parent. Lorsque cette probabilité est faible ( classiquement < .05 ou < .10 ), on considère que les différences sont significatives. Dans le cas contraire on conclut que les différences ne peuvent être considérées comme significatives, sans conclure cependant à l'inexistence de ces différences au sein des ensembles parents ( 1 ).

(1) Pour une discussion, voir par exemple SAPORTA, 1978.

 

3. – EXPERIENCE A – LE BOURGET

 

3.1. – INTRODUCTION

Les données qui sont étudiées dans le présent travail ont été recueillies lors du Salon du Bourget 1981, entre le 4 et le 14 juin. A cette occasion le GEPAN présentait ses méthodes de recherches dans un stand situé dans le pavillon du CNES.

Ce stand montrait, entre autres, deux panneaux intitulés "le témoignage humain peut-il être toujours objectif ?" et composés de plusieurs photos de phénomènes lumineux. Le visiteur était invité à répondre à des questions concernant ces photos, dans un questionnaire d'une page. Un peu plus loin, le visiteur pouvait prendre connaissance des "bonnes réponses" aux questions posées.

Une reproduction des panneaux, ainsi que des feuilles de questions et de réponses, est fournie en annexe ( voir aussi "Description du matériel" ci-après ).

Le but de la présentation de ces panneaux était de faire comprendre la difficulté à ne pas introduire dans un témoignage des informations qui ne se trouvaient pas dans l'événement rapporté.

La demande de participation à la recherche, faite sous la forme d'un questionnaire à remettre dans une urne, ne constituait qu'une façon d'inciter le public à avoir un comportement actif vis-à-vis de ces panneaux.

A l'analyse des données contenues dans les questionnaires remis par le public, il s'est avéré que les résultats correspondent assez bien aux hypothèses qui guidaient la présentation des panneaux ( voir cadre théorique ci-après ). Il nous est alors apparu intéressant de le signaler.

Pourtant, il serait illusoire de penser que la démarche suivie pour obtenir ces résultats rentre dans les démarches expérimentales. Aucune des conditions de rigueur nécessaire à un protocole expérimental n'était présente dans le recueil des données analysées ici.

D'un côté, l'échantillon des sujets est certainement issu d'une population très particulière que, de surcroît, nous ne connaissons pas. Nous savons seulement qu'il s'agit des visiteurs de l'exposition du Bourget, qui ont regardé le stand du GEPAN, et qui ont voulu se prêter à ce petit jeu.

De l'autre côté, le jeu lui-même, figé une fois pour toutes dans des panneaux et questionnaires donnés, ne jouit pas du contrôle des variables nécessaire à une manipulation expérimentale. Nous ne savons pas si la position des photos, le sens des questions, le contenu extrinsèque des photos... n'ont pas influencé les réponses, et le cas échéant, dans quel sens.

Pour ces raisons, entre autres ces résultats ne peuvent être considérés et signalés que dans la mesure où ils s'inscrivent à l'intérieur d'un cadre théorique préexistant, qu'ils confirment ; et surtout par le fait qu'ils permettent d'espérer des résultats analogues dans des manipulations réellement contrôlées.

 

3.2. – CADRE THEORIQUE

Les hypothèses qui ont guidé ce sondage sortent d'un cadre théorique s'inspirant des travaux de la psychophysique actuelle. Selon le modèle proposé ( GOGEL, 1969, 1973 ), dont nous avons déjà parlé au chapitre 1, l'espace perceptif serait toujours un espace en trois dimensions. Cela veut dire que l'acte perceptif implique l'attribution instantanée à chacun des points de l'image sensorielle ( à deux dimensions ), d'une position en profondeur, en éloignement, par rapport au sujet qui perçoit ( 3éme dimension ). Nous signalons l'aspect instantané de cette attribution, qui est en quelque sorte inséparable de l'acte perceptif ; nous faisons ainsi remarquer qu'il ne s'agit nullement d'un processus intellectuel, consistant par exemple à un calcul ou une déduction.

Cela peut sembler évident : notre expérience du monde qui nous entoure nous a toujours appris qu'il est en trois dimensions ; il est donc logique que la représentation perceptive que nous en avons le soit aussi. Mais cela ne signifie pas que la 3ème dimension, la profondeur, soit l'un des paramètres réels de l'information que nous recevons même si elle existe dans la scène que nous observons. Deux exemples aideront à le comprendre :

  1. L'image qui se trouve sur un écran de cinéma ou de télévision ou sur une photographie, ne contient pas le paramètre physique de la profondeur, elle n'est qu'une image plate, en deux dimensions. Mais cela n'empêche pas que nous voyons les objets représentés sur cette image en profondeur les uns par rapport aux autres.

  2. Beaucoup de gens ont vécu l'expérience de "voir" une tache diffuse à quelques mètres devant soi pour s'apercevoir ensuite qu'il s'agit d'une poussière située sur la cornée ( ce phénomène est connu en médecine sous le nom d'illusion entoptique ).

D'une façon générale, les données de la physiologie sensorielle et de la psychologie de la perception montrent que, dans la plupart des cas, l'image sensorielle visuelle est une image plate. Quelques cas échappent à cette loi générale, il s'agit de la perception d'objets proches, dont la disparité rétinienne, l'accommodation, les mouvements de la tête... permettent de composer une image en trois dimensions à partir d'indices qui sont contenus dans les informations fournies par la sensation. Mais ces indices disparaissent rapidement dès que les objets perçus sont notablement éloignés du sujet, ou lorsque ses contours sont flous, par exemple ( 1 ).

(1) Nous aborderons plus profondément l'exposé de ces indices dans un prochain travail JIMENEZ, à paraître.

Ainsi, pour revenir au cadre théorique, le modèle proposé ici postule que toute perception visuelle d'un objet comporte une profondeur, même si l'image visuelle de cet objet ne fournit aucune information physique à ce propos. Par ailleurs il serait plus adéquat de parler de configuration particulière de l'image visuelle plutôt que d'objet, dans la mesure où celui-ci est aussi construit lors du processus perceptif.

Pour nous résumer, le modèle implique que le sujet construit un espace d'objets en profondeur, à partir d'une image constituée exclusivement par des points ayant une luminosité et une couleur données et situés dans un espace à deux dimensions. La luminosité, la couleur et la place dans le plan de ces points constituent la seule information réelle de la sensation.

D'une façon générale, le sujet perçoit cet espace "construit" à partir de ses expériences antérieures ; y rentrent en jeu par exemple, les lois de constance signalées plus haut. Mais dans quelques cas particuliers, la forme nouvellement perçue ne s'inscrit pas facilement dans les cadres perceptifs préétablis c'est-à-dire dans l'expérience antérieure. La perception peut procéder alors de deux façons différentes et parfois complémentaires :

  • soit la forme nouvelle est assimilée à une classe assez rare d'objets, parfois à l'insu du sujet lui-même. Le processus compose alors avec l'expérience de cette classe et les informations réelles citées plus haut ; ces informations acquièrent des significations, elles deviennent forme, taille... apparentes et permettent de faire jouer les lois de constance pour attribuer une distance à la forme ( KILPATRIK, 1961 - EPSTEIN et PARK, 1963 ). Nous dirons que le sujet utilise des indices intrinsèques subjectifs du stimulus.

  • soit l'environnement perceptif de la forme prime sur celle-ci. Le sujet assimile alors la forme aux objets qui l'entourent. Elle est alors perçue à une distance proche de ces objets ( GOGEL, 1969 ). Nous dirons que le sujet utilise les indices extrinsèques du stimulus.

Mais, dans tous les cas, une forme est perçue à une distance donnée, même si elle ne comporte pas d'indices réels permettant de la percevoir. La distance apparente découle alors des indices intrinsèques ou des indices extrinsèques du stimulus.

 

3.3. - DESCRIPTION DU MATÉRIEL

Chacun des deux panneaux comportait deux questions, se rapportant à une ou deux photos. Au total, 7 photos étaient présentées avec un indice allant de A à G. Nous désignerons chaque item par les lettres des photos correspondant.

  • L'item AB comprenait deux photos représentant un phénomène lumineux dans un paysage. Les deux phénomènes étaient de taille et forme semblables mais le phénomène A était situé sur fond de colline, pendant que le B se situait sur fond de ciel. La question posée demandait au sujet d'indiquer lequel des deux phénomènes A ou B était le plus proche du photographe.

    Cette question, comme toutes les autres, était posée en termes subjectifs ( phénoménologiques ) : "Lequel vous semble...".

  • L'item C représentait un phénomène lumineux sur un fond de paysage vallonné et au- dessus d'une voiture arrêtée. Le sujet devait indiquer la distance au photographe à l'intérieur d'un choix fermé ( voir questionnaire en annexe 1 ).

  • L'item DE comprenait deux photos semblables d'un même paysage, comportant un phénomène lumineux en fond de ciel. La place et la forme du phénomène étaient similaires sur les deux photos, mais la taille angulaire du phénomène E était plus petite que celle du phénomène D. Le sujet devait indiquer le phénomène qui lui semblait être le plus éloigné.

  • Les photos F et G représentaient, dans leur plus grande place, deux phénomènes lumineux relativement complexes et ambigus. Le sujet était invité à identifier ces phénomènes ( identification qui, faute d'indice clair, ne pouvait être que très interprétative ).

  • Les deux dernières photos étaient réelles. Les cinq autres étaient le résultat de montages : la photo C comprenait un phénomène réel, situé à environ 100 M. Les phénomènes des items AB et DE étaient virtuels, ils n'avaient pas de distance objective.

Ces deux items ( AB et DE ) sont les seuls à rentrer parfaitement dans le cadre théorique utilisé. L'item C peut aussi être situé dans ce cadre, mais les résultats peuvent difficilement être attribués à l'une ou l'autre tendance ou même à une estimation de la distance réelle. L'item FG n'a qu'une valeur descriptive, mais il s'est avéré être un indicateur intéressant.

Nous reviendrons plus bas sur le cadre théorique et les indicateurs.

 

3.4. - HYPOTHÈSES OPÉRATIONNELLES

Le cadre théorique présenté plus haut permet d'avancer des hypothèses opérationnelles précises pour les items AB et DE. En effet, les phénomènes lumineux présentés dans les photos correspondantes constituent des stimuli parfaitement ambigus pour ce qui concerne leurs distances au photographe : ils ne sont de fait à aucune distance particulière. En outre leurs contours sont flous leur texture indifférenciée leur signification pauvre, ce qui ne permet pas de faire jouer l'expérience acquise sur les distances du monde environnant.

Cependant, la théorie permet d'avancer que le phénomène E "semble" plus éloigné que le D, si le sujet tient compte des indices intrinsèques subjectifs, autrement dit, si le sujet considère que les deux photos représentent un phénomène analogue, de taille réelle semblable. Il est alors aisé de comprendre que le phénomène de plus petite taille apparente semble être le plus éloigné.

Par contre, dans le cas de l'item AB, l'hypothèse s'appuie sur les indices extrinsèques : c'est l'environnement perceptif du stimulus qui fournit les apparences de distance. Les phénomènes couramment observés dans le ciel ( avions, ballons, astres ) sont en règle générale assez éloignés, plus éloignés en tous cas que le relief immédiat au sol ( colline ) ; le phénomène A parait ainsi plus proche que le phénomène B.

 

3.5. - RÉSULTATS GLOBAUX

Nous avons recueillis un total de 291 questionnaires remplis. 25 n'ont pas pu être utilisés dans la présente étude : ils manifestent d'un esprit humoristique dans les réponses. Pour le reste les réponses à l'item FG ont été codées sommairement phénomène connu, ou Phénomène Aérospatial Non-identifié, ou absence de réponse. Les réponses aux autres items ont été codées en fonction des choix proposés, y compris dans les cas d'absence de réponse ou de doublé choix, pour les items AB et DE.

Nous présentons ici les principaux résultats :

ITEM AB :
70,3 % des sujets indiquent que le phénomène A semble plus proche que le phénomène B.

ITEM C :
Plus la distance proposée est grande, plus elle est choisie par un grand nombre de sujets.
Le choix "plusieurs kilomètres" est indiqué par 37,6 % des sujets.

ITEM DE :
65,0 % des sujets choisissent le phénomène E comme semblant le plus éloigné.

ITEM FG :
60,5 % des sujets reconnaissent un phénomène connu dans la photo F, 19,4 % y voient un OVNI ( 1 ). Un seul sujet voit un OVNI dans la photo G. En général, si on considère les questions F et G ensembles, 19 % n'y donnent pas de réponse 58 % identifient les deux phénomènes comme des phénomènes connus, 20 % y reconnaissent un OVNI (photo F : 19,4 %). Parmi ces 20 % les trois quarts ( 15 % ) donnent une réponse de type connu à la photo G, 5 % n'y répondent pas.

(1) OVNI : "soucoupe volante", "engin extraterrestre" ...

Il serait hasardeux d'essayer de tirer d'autres conclusions au-delà de ces résultats eux- mêmes ; ils peuvent cependant être résumés en quelques phrases :

  • la majorité des sujets considèrent le phénomène A plus proche que le phénomène B, et le phénomène E plus éloigné que le phénomène D.

  • La majorité des sujets identifient le phénomène F et/ou le phénomène G, mais une minorité non négligeable 20 % voit dans l'un des deux ( F ) un OVNI.

Par rapport au cadre théorique proposé, les résultats items AB et DE correspondent bien aux prévisions annoncées dans les hypothèses opérationnelles.

 

3.6. - ANALYSE DES RÉSULTATS

Les photos F et G représentaient un nuage lenticulaire ( F ) et les phares d'un hélicoptère près du sol ( G ). L'analyse fine des réponses aux questions se rapportant à ces photos montre que, lorsque le sujet les identifie à des phénomènes connus, la réponse est très proche de la réalité.

Cela fait apparaître un groupe de sujets, pouvant être considéré comme homogène à ce niveau ; 155 sujets ont ainsi donné des réponses de type phénomène connu aux deux photos F et G.

A l'opposé, il peut paraître pertinent d'isoler les individus qui ont reconnu l'une de ces photos comme représentant un OVNI, en particulier les 52 sujets qui ont fourni une réponse de ce type à la photo F.

On peut considérer que le premier groupe constitue la norme du sondage, parce qu'il est majoritaire ( 58 % ) et aussi parce que ses réponses se rapprochent de la réalité qui a été photographiée.

Le deuxième groupe peut alors être considéré, dans les limites de la présente étude, comme ayant une tendance particulière à attribuer des significations subjectives.

Nous pouvons nous demander si ces deux groupes se différencient dans leurs réponses apportées aux autres items c'est-à-dire si l'indicateur invoqué à l'item FG se recoupe avec les choix aux autres items.

Nous allons analyser ces deux groupes, que nous appellerons neutre et expérimental, item par item.

ITEM AB :
Le tableau des réponses en fonction des groupes fait apparaître une légère différence : proportionnellement, le nombre de sujets choisissant la photo A dans le groupe expérimental est plus petit que dans le groupe neutre ( 67 % contre 73 % ) :

  A B  autre   total 
 Groupe neutre   113      38    4 155
 Groupe expérimental   35 16 1 52

Cette différence n'est pas significative d'un point de vue statistique. Le test de la comparaison de deux proportions indique une valeur observée de .825 ( p > .40 ).

ITEM DE :
Pour cet item la différence entre les deux groupes est plus prononcée ( 77 % contre 62 % ), le groupe expérimental choisissant plus la photo E que le groupe neutre :

  D E  autre   total 
 Groupe neutre   46      96    13 155
 Groupe expérimental   10 40 2 52

Cette différence est significative d'un point de vue statistique ( valeur observée 1,98, p < .05 ).

ITEM C :
Le tableau des réponses ne fait apparaître que deux légères différences, au niveau des choix 10 et 100 m ( 22 % contre 8 % et 20 % contre 29 % respectivement ). Ces différences ne sont pas significatives statistiquement ( valeurs observées : 1,42 et 1,22 respectivement, p > .15 et p > .20 ).

    10     100     500     km     autre     total  
  Groupe neutre 24 32 41 51 1 155
  Groupe expérimental   4 15 13 20 0 52

Un autre type de traitement souligne la signification des différences venant d'être signalées.

Les questionnaires remplis par les visiteurs ont été traités, dans un premier temps, en deux échantillons différents correspondant à deux périodes de l'exposition du Bourget. Les tailles de ces échantillons sont de 105 et 161 sujets. A l'intérieur de chaque échantillon, les tailles relatives des sous-groupes neutres et expérimentaux sont sensiblement les mêmes : 60 et 95 ( neutres ) et 20 et 32 ( expérimentaux ) respectivement.

La comparaison des réponses aux premiers items en fonction des sous-groupes fait apparaître exactement les mêmes différences que celles venant d'être citées.

Sans que cela constitue en soi une preuve statistique, ce fait montre que les différences constatées sont difficilement attribuables à un simple fait du hasard. Les différences remarquées au niveau de l'ensemble traité, bien que légères, sont le fruit des mêmes différences existant au niveau des sous-ensembles. Une position économique pousse à penser que ces différences indiquent plutôt une tendance générale qu'un produit du hasard.

 

3.7. - DISCUSSION

Les hypothèses qui dirigeaient les items AB et DE, même si elles sortent d'un cadre théorique commun, font appel à deux tendances assez différentes, our apprécier la distance, l'une d'elle utilise des indices tirés de l'environnement du stimulus sans qu'aucune interprétation n'intervienne.

L'autre tendance rajoute au stimulus une signification permettant d'utiliser les données projectives réelles pour apprécier, par exemple, la distance. Ainsi, attribuer une taille permet d'estimer la distance à partir de la taille angulaire, grâce aux lois de constance ( cf. chapitre 1 ). Nous avons résumé ces deux tendances sous les noms de l'utilisation d'indices extrinsèques ou intrinsèques subjectifs.

Il est alors sensé de penser que les indices intrinsèques subjectifs doivent être utilisés plus largement par les sujets qui, de façon générale, attribuent à un stimulus ambigu une signification subjective.

Inversement on peut penser que ces sujets utiliseront moins les indices extrinsèques, dans la mesure où cela va de pair avec une plus grande austérité dans la signification attribuée au stimulus.

Ces hypothèses particulières peuvent être rendues opérationnelles dans notre sondage si on considère que l'item FG permet de cerner un groupe de sujets se rapprochant de ceux qui viennent d'être invoqués. Il s'agit du groupe que nous avons appelé expérimental. A l'opposé l'autre groupe peut être considéré comme "neutre" pour les raisons déjà signalées.

Sans revenir sur le degré de signification des résultats, il est important de rappeler que ceux- ci n'infirment pas les hypothèses particulières : le phénomène E est considéré comme le plus éloigné, proportionnellement plus par le groupe expérimental que par le groupe neutre ; le phénomène A est considéré comme le plus proche proportionnellement moins par le groupe expérimental que par le groupe neutre.

A l'intérieur du cadre théorique, cela traduit une tendance générale des sujets, attribuant des significations subjectives, à utiliser particulièrement plus les indices intrinsèques et à utiliser particulièrement moins les indices extrinsèques.

Les différences constatées au niveau de l'item C sont d'une explication moins aisée. Les indices extrinsèques fournissent un large choix de distances : celles de la voiture de plusieurs crêtes situées en profondeur, de la colline qui est au fond de la photographie. La distance vraie du phénomène ( # 100 m ) peut, peut-être, apparaître réellement dans le montage.

En outre, un simple calcul indique qu'une distance apparente de 100 m va de pair avec une taille métrique apparente de 4 ou 5 m. On rappelle que la taille moyenne attribuée à un PAN se situe entre 3 et 15 m ( POHER, 1971 ).

Au stade actuel de la recherche on ne peut que poser la question de savoir si cette taille moyenne est passée dans les moeurs au point de constituer la taille stéréotypée d'un OVNI.

Comment comprendre le choix relativement privilégié par le groupe expérimental de la distance de 100 m ? L'attribution éventuelle d'une signification d'OVNI au phénomène représenté nous paraît une piste d'explication plus simple qu'un sens aigu distances, par exemple. Cette piste va de pair avec le jugement porté sur la photo F, et avec la réticence à choisir la distance de 10 m ( cette dernière correspond à une taille métrique apparente de 40 ou 50 cm ).

 

3.8. - CONCLUSION

Une recherche n'a de sens que dans le cadre théorique où elle s'inscrit. Elle doit l'illustrer ou répondre à une question spécifique ou généraliser un résultat particulier.

Le sondage qui est présenté ici, n'est pas à l'abri d'une multitude de critiques méthodologiques, il serait naïf de notre part de prétendre qu'il constitue une recherche scientifique.

Sa valeur est toute autre. Il se situe dans ce terrain inconfortable à la lisière entre la situation parfaitement contrôlée en laboratoire et l'observation invoquée dans la vie de tous les jours. Il permet simplement de fortifier un modèle théorique et les choix du GEPAN en matière de recherche sur la perception.

Les résultats nous confirment dans l'hypothèse que l'attitude du témoin et en particulier la signification qu'il attribue à un stimulus sont pertinentes pour comprendre les caractéristiques physiques décrites dans un témoignage.

Les résultats vont dans le sens de l'hypothèse que le sujet juge la distance d'un stimulus en fonction d'indices qui ne sont pas ceux de la distance réelle. Ces indices semblent se pondérer différemment par rapport à l'attitude plus ou moins subjective du témoin.

 

4. – EXPERIENCE B

 

4.1. – INTRODUCTION

Dans l'expérience A, nous avons observé de faibles différences entre les sujets ayant des attentes d'OVNI ( décelées opérationnellement par la dénomination OVNI ) et ceux qui n'en manifestent pas. Les premiers utilisent moins les indices extrinsèques et plus les indices subjectifs que les deuxièmes.

La faiblesse des différences observées eut être due par exemple au caractère indirect de la mesure de la variable indépendante ( l'attente, la dénomination ), faite sur un stimulus différent ( photo F ) de ceux qui fournissent la variable dépendante ( photos A et B, D et E ; la distance relative ).

En outre, le protocole, cherchant principalement à mettre en évidence l'utilisation des indices extrinsèques, surdéterminait ceux-ci.

Dans l'expérience B, nous avons testé directement l'hypothèse du rapport entre les attentes ( manifestées au niveau de la dénomination ) et les caractéristiques descriptives. Cette fois ci, les variables opérationnelles indépendantes et dépendantes ( dénomination et description ) portent sur le même stimulus.

Les caractéristiques demandées sont plus larges : elles comportent une question surdéterminée par les indices extrinsèques et deux questions surdéterminées par les indices subjectifs.

 

4.2. - PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL

La situation expérimentale comprend la présentation de trois diapositives, fabriquées de façon analogue à celles présentées dans l'expérience A.

Chaque diapositive représente un phénomène lumineux diffus situé sur l'horizon virtuel d'un paysage montagneux. La taille angulaire des phénomènes est de 1,65°, 1,65° et 4,35° respectivement. Les diapositives sont présentées à l'aide d'une visionneuse, individuellement et toujours dans le même ordre. L'échantillon comprend vingt sujets de 20 à 30 ans des deux sexes et de professions diverses ( 1 ).

(1) Deux consignes de présentation légèrement différentes ont été utilisées. Les résultats observés ne permettent pas de diviser l'échantillon en fonction des consignes.

Pendant la présentation de chacune des diapositives, il est demandé au sujet de répondre à quatre questions. La première porte sur l'identité du phénomène ( "que voyez-vous ?" ), les trois suivantes sur : la position relative du phénomène par rapport au paysage, la distance et la taille absolues du phénomène.

 

4.3. - HYPOTHESES

L'hypothèse générale est la première signalée au début du présent chapitre : "la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage ( de PAN ) croit avec l'attente de phénomène OVNI".

Elle se traduit dans le cas présent par "les attentes du phénomène OVNI décelées par la dénomination OVNI donnée au stimulus, sont accompagnées par des distorsions, dans la description, plus grandes que celles observées avec un groupe contrôle ne manifestant pas d'attentes particulières".

Il est possible de passer des réponses fournies aux variables théoriques. Ainsi la première question ( "que voyez-vous ?" ) permet de diviser les sujets, pour chaque diapositive, en deux groupes : le groupe expérimental est formé par les sujets qui répondent "OVNI" ou une dénomination analogue ( 1 ), les autres sujets constituant le groupe contrôle ; dans la pratique, ces derniers fournissent des réponses ambiguës, traduisant des attentes faibles. Bien entendu, la situation se présentant de façon indépendante pour chaque diapositive, il s'ensuit qu'un même sujet pourra faire partie du groupe expérimental pour certaines diapositives et du groupe de contrôle pour les autres. Cette question correspondant à la variable théorique des "attentes" ; c'est la variable indépendante de l'expérience.

(1) Soucoupe volante, etc.

Par contre, les réponses aux questions descriptibles ( distance, taille... ) constituent les variables dépendantes.

L'hypothèse expérimentale met en relation la dénomination d'une diapositive avec les caractéristiques descriptives qui lui sont attribuées, cette relation dévoile le rapport entre l'attente d'un sujet et sa perception du stimulus.

Toutefois, comme les phénomènes représentés n'ont pas des distances ou des tailles objectives le sujet ne peut utiliser que les indices extrinsèques paysage ou les indices subjectifs. Les acquis de l'expérience A nous permettent alors d'attendre des différences plus grandes pour les questions 3 et 4 ( distance et taille absolues ) que pour la question 2 ( taille relative ).

Cependant, en combinant les réponses 3 et 4, nous pouvons accéder à une réponse implicite, la taille angulaire, qui a un référent réel dans le stimulus.

Ce référent peut être un troisième indice ( intrinsèque objectif ). De quelle façon le modèle théorique prédit le comportement perceptif de l'un et l'autre groupe des sujets ? Il est sensé de penser que les trois types d'indices sont en interaction irréductible, cependant le groupe neutre utilisera de préférence les indices extrinsèques ( 2 ) et objectifs, alors que les attentes du groupe expérimental vont de pair avec une préférence pour les indices subjectifs et intrinsèques.

(2) Nous renvoyons au cadre théorique psychophysique présenté lors de l'expérience A.

La taille angulaire apparente implicite constitue la variable dépendante pouvant être comparée au stimulus, et permettant ainsi de déceler, par ses écarts, la manifestation des indices objectifs et subjectifs.

 

4.4. - ANALYSE DES RÉSULTATS

DENOMINATION ( Question 1 )

Sur un total de 20 sujets, 3 désignent les trois stimuli en tant qu'OVNI, 4 autres sujets, désignent ainsi les deux premiers, 1 seul ne désigne que le premier stimulus.

Les groupes sont composés donc de 8/12 sujets pour la première diapositive, 7/13 et 3/17 pour la deuxième et la troisième, respectivement. ( Quelques sujets n'ont pas répondu à certaines des questions 2, 3 et 4. La plupart de ces non-réponses émane des groupes neutres et des questions 3 et 4 ).

 

DISTANCE RELATIVE ( Question 2 )

D'une façon générale, les groupes expérimentaux situent les phénomènes moins en avant, par rapport au paysage, que les groupes neutres. Mais l'analyse statistique ne permet pas de penser que ces différences sont significatives ( chi-deux, p > .10 ).

 

DISTANCE ABSOLUE ( Question 3 )

D'une façon générale, les groupes expérimentaux situent les phénomènes plus loin que les groupes neutres. Pour expliquer cette différence, le hasard ne peut être écarté que pour la première diapositive ( Mann-Whitney, p < .05 ). Le tableau suivant représente les tendances centrales ( médianes ) par groupe et diapositive :

  DIAPOSITIVE     Groupe expérimental     Groupe contrôle  
1 10 km 0.5 km
2 15 km 2 km
3 25 km 5 km

 

TAILLE ABSOLUE ( Question 4 )

D'une façon générale, les groupes ne diffèrent pas significativement, mais le groupe expérimental tend à attribuer une taille plus petite à la troisième diapositive que le groupe neutre ( Mann - Whitney, p > .10 ). Le tableau suivant représente les tendances centrales médianes par groupe et par diapositive :

  DIAPOSITIVE     Groupe expérimental     Groupe contrôle  
1 20 m 30 m
2 20 m 15 m
3 20 m 100 m

 

TAILLE ANGULAIRE

Pour chacune des diapositives, les réponses du groupe expérimental correspondent à une taille angulaire implicite plus petite que celles du groupe neutre. Statistiquement, nous ne pouvons pas considérer les différences comme dues au hasard ( Mann - Whitney, p < .5 ). Le tableau suivant représente les tendances centrales médianes des groupes expérimentaux et neutres ainsi que les tailles angulaires réelles :

  DIAPOSITIVE     Groupe expérimental     Groupe contrôle     Réelle  
1 .11° 1.89° 1.65°
2 .17° .23° 1.65°
3 .11° .86° 4.35°

On remarque dans ce tableau que tous les groupes, sauf le groupe contrôle diapositive 1, sous-estiment la taille angulaire, et que cette sous-estimation est ( significativement ) plus importante pour les groupes expérimentaux.

4.5. – DISCUSSION

Les résultats observés corroborent notre hypothèse générale. Les sujets ayant des attentes particulières, manifestées par une dénomination particulière, attribuent au phénomène observé des caractéristiques différentes que les sujets appartenant à un groupe neutre.

D'un point de vue statistique, cette différence n'est significative que pour une variable implicite: la taille angulaire apparente. Mais cette variable est la seule qui a un réfèrent réel dans le stimulus : la taille angulaire réelle.

Ainsi, les résultats pour cette variable montrent, non seulement que les groupes expérimentaux diffèrent des groupes neutres par rapport aux tailles angulaires apparentes, mais aussi que les différences vont dans le sens d'une plus grande sous-estimation, de la taille angulaire.

Ces résultats particuliers peuvent être interprétés par au moins deux hypothèses :

  • les attentes du phénomène OVNI induisent une sous-estimation de la taille angulaire du PAN observé ;

  • les attentes du phénomène OVNI induisent une taille angulaire apparente se rapprochant d'un éventuel stéréotype OVNI ( 1 ).

Pour dépasser le stade de l'observation, ces hypothèses doivent être intégrées dans un cadre théorique permettant de les émettre et dans une démarche expérimentale permettant de les tester. Pour l'instant elles ne sont que des interprétations possibles.

(1) Nous avons déjà rappelé, lors de la discussion des résultats de l'expérience A, que la taille moyenne attribuée à un PAN se situe entre 3 et 15 m.

 

4.6. – CONCLUSION

En dehors de ces interprétations, les résultats observés correspondent à ce que suggéraient les données de l'expérience A :

  • la question 2 ( distance relative au paysage ) est surdéterminée par les indices extrinsèques ; les différences observées entre les groupes sont trop faibles pour être significatives ;

  • les questions 3 et 4 et la variable latente "taille angulaire apparente" font appel aux indices intrinsèques subjectifs : sur plusieurs des résultats, les différences observées sont significatives ; en particulier le groupe expérimental s'éloigne plus de la taille angulaire réelle que le groupe neutre.

En résumé, nous pouvons conclure que les résultats vont dans le sens de notre hypothèse générale et illustrent le modèle d'analyse des témoignages proposé : lorsqu'un sujet a des attentes relatives au phénomène OVNI et les actualise au moment de la perception d'un PAN la description de celui-ci en est probablement affectée dans le sens d'une déformation des caractéristiques du stimulus.

 

5. – EXPERIENCE C

 

5.1. – INTRODUCTION

L'expérience B a permis de mettre en évidence, sur un même stimulus, le rapport entre la dénomination et l'utilisation d'indices subjectifs pour estimer certaines caractéristiques descriptives ; on a ainsi confirmé ce que l'observation des données de l'expérience A laissait escompter.

Dans l'expérience C, nous nous proposons de généraliser ce rapport à des caractéristiques descriptives plus larges, en présentant un stimulus toujours ambigu mais plus riche dans sa structure et en demandant par la suite une description libre du stimulus observé.

Nous introduisons une autre différence de base dans l'expérience C : au lieu de constituer notre groupe expérimental avec les sujets qui ont manifesté spontanément des attentes du phénomène OVNI, nous induisons ces attentes sur l'un des deux groupes en utilisant la dénomination OVNI pendant la présentation du stimulus photographique ( 1 ).

Ce groupe sera le groupe expérimental, l'autre ne recevra qu'une annonce neutre et sera le groupe contrôle. Après expérience nous testerons la réalité de l'induction par l'apparition de la dénomination OVNI qui devra être plus forte dans le groupe expérimental que dans le groupe neutre.

(1) Nous utilisons dans cette expérience les "processus d'influence" comme un moyen contrôlé.

 

5.2. - PROTOCOLE EXPERIMENTAL

La situation expérimentale comprend la présentation collective d'une seule diapositive ; il s'agit de la photographie d'un nuage lenticulaire déjà présenté au Bourget. Le temps de présentation est de 10 secondes ( 2 ). Avant la présentation au groupe neutre, l'expérimentateur annonce : "voici une diapositive, regardez-là très attentivement".

(2) Cette durée, qui peut paraître très courte, est en réalité assez importante ; beaucoup d'expériences ( par exemple FRAISSE, 1974 ) montrent que le sujet humain est capable de voir beaucoup d'informations en quelques secondes ; rappelons par exemple que la durée de beaucoup de spots publicitaires télévisés est de 10 sec.

Pour le groupe expérimental, l'annonce est : "voici une diapositive d'OVNI, regardez-là très attentivement".

Les groupes étaient constitués respectivement de 18 et 31 étudiants de 2ème année de psychologie, l'expérience se déroulant au milieu des activités pédagogiques.

Immédiatement après la présentation de la diapositive, les sujets ont visionné un film didactique de 26 minutes, à la fin de celui-ci, l'expérimentateur, revenu sur place, demande aux sujets : "Pouvez-vous décrire sur une feuille, avec le plus de détails possibles la diapositive que nous avons projeté ?"

 

5.3. - ELABORATION DES RÉSULTATS

Nous n'avons tenu compte que des éléments descriptifs du phénomène lumineux, en dehors de l'environnement représenté dans la diapositive.

Nous appelons "élément descriptif" toute forme verbale ( nominale, adjective ou adverbiale ) non redondante contenue dans un rapport. Par exemple, le rapport "La photo de l'OVNI a été prise de nuit. L'objet ressemble à un chapeau très plat de couleur claire, entouré d'un halo en feu" contient 5 éléments descriptifs.

Nous appelons "dénomination" l'élément descriptif se référant à la totalité du phénomène. Dans l'exemple cité "OVNI" est la dénomination. La totalité des rapports sont dichotomisés par la variable "dénomination" en OVNI ( ou analogues ) et autres termes notés OVNI.

Nous appelons "nombre d'éléments" d'un rapport le nombre d'éléments descriptifs contenus dans le rapport, en dehors de la dénomination ( dans la mesure où le groupe expérimental reçoit une information supplémentaire pouvant induire une dénomination, celle-ci doit être éliminée si nous voulons comparer les deux groupes ). Dans l'exemple cité le nombre d'élément est 4.

Nous appelons "éléments faux" tout élément descriptif qui n'a pas de référent objectif dans la diapositive. Dans l'exemple cité "en feu" est un élément faux.

 

5.4. - HYPOTHESE OPÉRATIONNELLE

L'hypothèse générale prévoit, dans le cas de la présente expérience, un rapport direct entre le groupe expérimental et la variable "éléments faux". Nous attendons que les sujets appartenant au groupe expérimental rapportent un nombre, significativement plus important, d'éléments faux que ceux du groupe neutre.

Cette hypothèse doit être précédée de deux analyses de contrôle. La première concerne l'action de l'induction d'attentes du phénomène OVNI effectuée sur le groupe expérimental. Nous attendons que les sujets appartenant au groupe expérimental rapportent la dénomination OVNI de façon préférentielle et significative, par rapport au groupe neutre.

Le deuxième contrôle tend, au contraire à tester l'équivalence des deux groupes indépendamment des variables mises en rapport. Il nous paraît sensé de rejeter cette équivalence si les groupes rapportent des nombres d'éléments significativement différents. Dans ce cas, en effet le nombre d'éléments apparaîtrait comme une variable non contrôlée pouvant interagir de façon inconnue avec les variables mises en rapport ( groupe et éléments faux ).

Nous attendons que le groupe expérimental ne diffère pas du groupe neutre, par rapport au nombre d'éléments rapportés.

 

5.5. - ANALYSE DES RÉSULTATS

DÉNOMINATION

La plupart des sujets du groupe expérimental utilisent la dénomination OVNI ( ou analogues ) pour le phénomène représenté ; très peu des sujets du groupe neutre font de même ( voir tableau ci-dessous ) :

  Dénomination     Groupe expérimental     Groupe neutre  
OVNI 24 2
OVNI 7 16

La probabilité que ces différences soient dues au hasard est très faible, d'un point de vue statistique ( chi-deux, p < .001 ).

 

NOMBRE D'ELEMENTS

Le nombre d'éléments rapportés varie entre 1 et 9. La médiane du groupe expérimental est 4 celle du groupe neutre 3. Toutefois l'analyse statistique rejette l'idée que les échantillons soient extraits de deux ensembles parents différents ( Mann - Whitney, p > .10 ).

Les deux épreuves contrôle répondent à nos attentes : le groupe expérimental a été influencé par l'information OVNI, mais il peut être considéré équivalent au groupe neutre par rapport au nombre d'éléments.

Nous pouvons procéder à la confrontation des résultats avec l'hypothèse opérationnelle.

 

ELEMENTS FAUX

Le tableau suivant représente le nombre des sujets par groupe, ne rapportant aucun élément faux ou en rapportant un ou deux ( 1 ) :

  Éléments faux     Groupe expérimental     Groupe neutre  
0 19 17
1 ou 2 12 1

(1) Un seul sujet rapporte deux éléments faux.

La probabilité que ces différences soient dues au hasard est faible, d'un point de vue statistique ( chi-deux, p < .05 ).

Les sujets du groupe expérimental rapportent significativement plus d'éléments faux que ceux du groupe neutre.

 

5.6. - DISCUSSION

Les résultats observés confirment l'hypothèse opérationnelle et vont dans le sens de l'hypothèse générale. Le fait que les attentes du phénomène OVNI ont été induites par l'expérimentateur n'enlève rien au fait que, une fois acquises, ces attentes vont de pair avec une dénomination particulière du phénomène observé et une augmentation significative des distorsions dans sa description.

En extrapolant cette conclusion au modèle d'analyse de témoignages de PAN, il apparaît à nouveau que le témoignage d'un sujet ayant des attentes vis-à-vis du phénomène OVNI ( dévoilées par la signification attribuée au PAN observé ), est probablement plus subjectif que celui d'un sujet qui n'en a pas.

Pour ce qui est du contenu des éléments faux, leur analyse ne permet pas d'élaborer une hypothèse d'explication. Les éléments faux sont divers, ils se réfèrent autant à la forme, qu'à la couleur ou au mouvement du phénomène. En outre, le protocole expérimental ne permet de comprendre l'interaction entre les ( hypothétiques ) éléments attendus et les éléments objectifs du stimulus.

Toutefois, un nombre assez important des éléments faux rapportés semble très compatible avec l'hypothèse de la référence à un stéréotype OVNI.

 

6. – EXPERIENCE D

 

6.1. – INTRODUCTION

L'expérience C met en rapport la subjectivité d'un témoignage avec les informations fournies avant l'observation.

Nous avons, dans l'introduction du présent chapitre, rappelé les deux hypothèses sur le rapport entre la subjectivité d'un témoignage et les informations fournies après l'observation. L'une de ces hypothèses générales concerne les enquêteurs, l'autre, les témoins.

Dans la présente expérience, nous avons extrapolé au laboratoire la première de ces hypothèses "la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage de PAN croit avec la communication entre le témoin et les enquêteurs sur le phénomène OVNI".

 

6.2. - PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL

Le protocole expérimental utilisé est identique à celui de l'expérience précédente, à la différence près que les deux groupes reçoivent la même annonce de présentation ( "voici une diapositive, regardez-la très attentivement" ) alors que la variable indépendante opérationnelle apparaît au moment de la demande de rappel.

Au groupe expérimental on a demandé : "pouvez-vous décrire sur une feuille, avec le plus de détails possibles, la diapositive d'OVNI que nous avons projeté". La demande faite au groupe neutre est celle indiquée dans l'expérience C. Dans la pratique, nous utilisons en tant que groupe neutre, les mêmes données que celles de l'expérience C ( 1 ).

(1) En réalité, les expériences C, D et E sont issues d'un vaste plan expérimental comprenant 150 sujets répartis en 6 groupes.

Le groupe expérimental est constitué de 38 sujets ( différents, bien entendu, de ceux utilisés dans l'expérience C ).

Nous avons procédé à la même élaboration des résultats que dans l'expérience précédente, ainsi qu'aux mêmes analyses de contrôle.

 

6.3. - HYPOTHESE OPÉRATIONNELLE

Issue d'un cadre théorique analogue à celui de l'hypothèse précédente, l'hypothèse générale prévoit un rapport direct entre le groupe expérimental et la variable "éléments faux".

La théorie des "processus d'influence" montre que le sujet se conforme dans sa réponse perceptive aux informations fournies ( après observation dans le cas présent ) par l'expérimentateur. L'expérience C montre, à son tour, que l'information OVNI va de pair avec des distorsions particulières lors du rappel. Nous attendons que les sujets du groupe expérimental se comportent comme ceux de l'expérience précédente, même si l'information OVNI n'est fournie qu'après présentation du stimulus. Autrement dit : nous attendons que les sujets appartenant au groupe expérimental rapportent un nombre significativement plus important d'éléments faux que ceux du groupe neutre.

 

6.4. - ANALYSE DES RÉSULTATS

DENOMINATION

Le tableau suivant résume les valeurs observées pour cette variable. La probabilité pour que la différence observée soit due au hasard est très faible ( chi-deux, p < .001 ).

  Dénomination     Groupe expérimental     Groupe neutre  
OVNI 28 2
OVNI 10 16

NOMBRE D'ELEMENTS

L'analyse statistique ne permet pas de penser que les échantillons ( médianes = 4 ) sont extraits de deux ensembles parents différents ( Mann - Whitney, p > .10 ).

Comme dans l'expérience précédente, les deux épreuves contrôle sont positives : le groupe témoin a été influencé par l'information OVNI mais il peut être considéré comme équivalent au groupe neutre par rapport au nombre d'éléments.

ELEMENTS FAUX

Le tableau de la page suivante résume les valeurs observées pour cette variable. La probabilité que la différence observée soit due au hasard est faible ( chi-deux, p < .10 ).

  Éléments faux     Groupe expérimental     Groupe neutre  
0 26 17
1 ou 2 12 1

 

6.5. – DISCUSSION

Les résultats observés sont en accord avec ce qui était escompté à partir du cadre théorique : l'apport d'une "information" particulière, concernant un stimulus antérieurement perçu, est accompagné d'une distorsion significative dans la description de ce stimulus.

Tout se passe comme si "l'information" apportée interférait avec le souvenir du stimulus ( mis en évidence dans le groupe neutre ) en y ajoutant certaines caractéristiques fausses.

De surcroît, cet excédent de caractéristiques descriptives semble être fait au détriment des autres éléments : le nombre total de ceux-ci ne varie pas significativement entre le groupe neutre et le groupe expérimental.

Au plan de l'analyse des témoignages de PAN, ces résultats confirment l'importance de l'absence de questions directives lors d'une enquête, a fortiori lorsque ces questions contiennent des évocations de phénomène OVNI.

Cette affirmation a comme corollaire l'importance de recueillir, lors d'une enquête, tout ce qui se rapporte aux discussions concernant le phénomène observé, auxquelles le témoin a participé. Une importance particulière doit être accordée aux éventuelles conversations avec des enquêteurs amateurs, des journalistes...

La comparaison des données des expériences C et D laisse apparaître des résultats descriptifs intéressants. La comparaison statistique des deux groupes expérimentaux ne permet, pour aucune des variables étudiées ( dénomination nombre d'éléments, éléments faux ) de penser que les échantillons sont extraits d'ensembles parents différents.

On peut alors émettre l'hypothèse que l'effet de l'information OVNI est indépendant, du moment où elle est actualisée : avant ou après l'observation.

 

7. - EXPERIENCE E

 

7.1. – INTRODUCTION

On peut considérer que les différences observées dans les deux expériences précédentes dépendent fortement des conditions de l'expérimentation ; l'accent peut être fortement mis en particulier sur la brièveté du délai de présentation ( 10 sec ), suivie dune activité de distraction ( un film de 26 min ).

Ces considérations peuvent mener à l'élaboration d'une hypothèse alternative, selon laquelle on n'observera pas de différence lorsque les conditions d'expérimentation sont optimales pour l'observation du stimulus.

Cette hypothèse ne contredit pas le cadre théorique ; elle se situe à côté de celui-ci en rappelant la possibilité pour le sujet expérimental ( et pour le témoin ) d'avoir un comportement échappant aux processus d'influence.

Avec une attitude strictement exploratoire ( 1 ) nous avons testé cette hypothèse par rapport aux attentes induites pendant l'observation du stimulus, à mi-chemin entre l'expérience C et l'expérience D.

(1) Et non pas hypothético-déductive, qui aurait besoin d'un cadre théorique et d'un plan expérimental beaucoup plus élaborés.

 

7.2. - PROTOCOLE EXPÉRIMENTAL

Le protocole utilisé est semblable à celui de l'expérience C, sauf qu'il n'y a pas de délais entre la présentation et le rapport, ces deux-là se confondant : la diapositive reste visible pendant la rédaction de sa description.

Les consignes respectives pour le groupe contrôle et pour le groupe expérimental sont les suivantes :

  • "Décrivez cette diapositive en prenant le temps que vous désirez" ;

  • "Décrivez cette diapositive d'OVNI en prenant le temps que vous désirez".

La taille des groupes est, respectivement, de 34 et 10 sujets.

 

7.3. - ANALYSE DES RÉSULTATS

DÉNOMINATION

Le tableau suivant résume les valeurs observées de cette variable. La probabilité pour que la différence observée soit due au hasard est faible ( chi-deux, p < .10 ).

  Dénomination     Groupe expérimental     Groupe neutre  
OVNI 5 7
OVNI 5 27

Nous remarquons dans ce tableau, par rapport aux résultats des expériences C et D, une diminution pour le groupe expérimental et une augmentation pour le groupe neutre du nombre des dénominations OVNI.

La diminution pour le groupe expérimental rentre dans le cadre de notre hypothèse : l'effet des attentes perceptives induites peut être amoindri par une observation optimale du stimulus.

L'augmentation pour le groupe neutre nous semble, au moment actuel de la recherche, être un résultat parasite. Il nous permet de douter de la "neutralité" du groupe.

NOMBRE D'ELEMENTS

L'analyse statistique ne permet pas de penser que les échantillons ( médiane = 4 ) soient extraits de deux ensembles parents différents ( Mann - Whitney, p > .10 ).

ELEMENTS FAUX

Le tableau suivant résume les valeurs observées de cette variable. Les faibles différences observées ne sont pas significatives d'un point de vue statistique ( chi-deux, p > .50 ).

  Éléments faux     Groupe expérimental     Groupe neutre  
0 6 27
1 ou plus 4 7

Par rapport aux expériences C et D, ce manque de signification statistique est dû à une augmentation des erreurs dans le groupe "neutre".

Toutefois, la différence devient significative ( chi-deux, p < .10 ) lorsqu'on compare le groupe expérimental de la présente expérience avec le groupe neutre des expériences C et D ( comparer le tableau précédent à celui représenté au paragraphe 5.5. ). Bien entendu, la comparaison de groupes émanant de protocoles différents n'est pas conforme à la rigueur expérimentale.

 

7.4. – DISCUSSION

Les résultats observés sont difficilement interprétables sans l'apport d'autres données expérimentales. La faiblesse de la taille du groupe expérimental ( 10 sujets ) et le nombre relativement important des dénominations OVNI dans le groupe neutre permettent de douter de la représentativité des résultats observés.

En deçà de ces considérations, les résultats peuvent être interprétés de deux façons :

  • soit comme une confirmation de l'hypothèse alternative : lorsque les conditions d'observation du stimulus sont optimales, les distorsions attribuables aux attentes perceptives diminuent,

  • soit comme une confirmation de l'hypothèse générale, si on compare les données du groupe expérimental avec celles des expériences C et D. Les nombres d'erreurs des trois groupes expérimentaux ne sont pas significativement différents, mais ils le sont par rapport au groupe neutre des expériences C et D. On pourrait alors conclure que la probabilité que la subjectivité intervienne dans un rapport croît lorsque des informations OVNI sont actualisées avant, pendant ou après l'observation d'un PAN.

 

7.5. - DISCUSSION GÉNÉRALE DES EXPÉRIENCES, C, D ET E

Rien ne permet de trancher entre les deux interprétations qui précèdent, d'autant plus qu'elles ne sont pas contradictoires : l'effet de l'actualisation des informations OVNI peut ( et en toute logique doit ) s'amoindrir lorsque le sujet est confronté longuement avec le stimulus, sans que pourtant cet effet disparaisse complètement ( 1 ).

(1) Ce qui est en accord avec certaines autres expériences sur les "processus d'influence" ( par exemple, FLAMENT, 1959 ).

Nous ne devons pas oublier que notre but principal est de tester le bien-fondé d'un modèle selon lequel les attentes perceptives du sujet rentrent en conflit avec le stimulus observé ( ou son souvenir ), au point d'introduire des distorsions au moment de sa description.

Nous avons utilisé les techniques des "processus d'influence" avec un but intermédiaire : celui de montrer que ces attentes peuvent être introduites par l'entourage du sujet avant, pendant ou après son rapport.

Un simple regard des tableaux de la variable "dénomination" permet de remarquer que l'influence a eu lieu mais aussi qu'elle n'est pas, bien entendu, parfaite. Quelques sujets des groupes expérimentaux n'explicitent pas la dénomination OVNI, quelques sujets des groupes neutres le font.

Or, c'est bien ce fait qui nous semble capital : il montre que le sujet lui-même actualise des informations OVNI.

Nous avons alors traité ensemble les 131 sujets des expériences précédentes, en les dichotomisant en fonction de la variable "dénomination", et en confrontant les deux groupes ainsi obtenus par rapport aux variables "nombre d'éléments" et "éléments faux".

NOMBRE D'ELEMENTS

L'analyse statistique ne permet pas de penser que les deux groupes ( médiane = 4 ) sont extraits de deux ensembles parents différents ( Mann - Whitney, p > .10 ).

ELEMENTS FAUX

Le tableau suivant résume les valeurs observées de cette variable. La probabilité que la différence observée soit due au hasard est très faible ( chi-deux, p < .0025 ).

  Éléments faux       Dénomination    
    OVNI         OVNI    
0 40 55
1, 2 26 10

Ces résultats sont largement en accord avec notre hypothèse générale, qui met en relation les attentes ( explicitées au travers de la dénomination choisie ) avec les distorsions ( mesurées par les éléments faux ).

Une analyse plus fine de ces résultats ne fait que confirmer cet accord. Nous nous sommes interrogés sur les 10 sujets qui rapportent des éléments faux sans pourtant utiliser la dénomination OVNI :

  • 6 de ces 10 sujets font référence aux dénominations OVNI de façon indirecte "forme d'OVNI" "ressemble à un OVNI"...

  • 2 autres parlent "d'engin", "d'objet".

Nous avons établi, à l'intérieur du groupe OVNI deux sous-classes :

  • celle qui permet d'évoquer une dénomination OVNI, comprenant les 8 sujets venant d'être cités ; nous appellerons cette classe : # OVNI ;

  • celle qui ne le permet pas ; celle-ci comprend des dénominations ambiguës ( forme, masse... ) ou ouvertement opposées à la dénomination OVNI ( nuage, météorite... ).

Le croisement de ces deux classes avec la variable éléments faux est résumé dans le tableau suivant. La probabilité que la différence observée soit due au hasard est faible ( chi- deux, p < .05 ) :

  Éléments faux       Dénomination    
    #OVNI         #OVNI    
0 22 33
1, 2 8 2

La réunion des groupes "dénomination OVNI" et "dénomination #OVNI" fait accroître la différence observée ( chi-deux, p < .0005 ). Ces résultats sont parfaitement d'accord avec notre hypothèse générale.

A titre descriptif, nous avons analysé ces "éléments faux". La plupart d'entre eux se distribuent à l'intérieur de quatre grands groupes :

  • couleurs et luminosités ( 11 éléments faux ) avec une prépondérance du bleu vert clair ; rappelons que le stimulus est en réalité, noir et orange ;

  • formes ( 11 éléments faux ) avec une prépondérance de la forme sphérique ; rappelons que le stimulus est elliptique ;

  • mouvements ( 8 éléments faux ) : de décollage de descente, vitesse...

  • manifestations énergétiques ( 6 éléments faux ) : dégagement de chaleur, flammes, lumière propre...

Il est, bien entendu, hasardeux d'essayer d'interpréter ces données-là. Ces éléments faux sont probablement le fruit d'une interaction entre les éléments réels d'un stimulus particulier et les attentes des sujets.

Signalons toutefois que les éléments faux "mouvements" et "manifestations énergétiques" ont des chances de s'accorder avec l'hypothèse de la référence à un stéréotype OVNI.

 

8. – EXPERIENCE F

 

8.1. – INTRODUCTION

Nous ne saurions clôturer cette série d'expériences sans parler d'une qui, en raison d'un incident spontané, se rapproche des conditions naturelles, tout en allant dans le sens dune de nos hypothèses : celle mettant l'accent sur l'importance du processus d'influence qui peut intervenir entre témoins co-présents et communicant entre eux leurs impressions.

 

8.2. - PROTOCOLE EXPERIMENTAL

Le stimulus présenté est la diapositive d'un nuage lenticulaire, déjà utilisée dans les expériences précédentes. La présentation est précédée de la consigne : "Nous allons vous projeter une diapositive pendant une durée de quinze secondes. Vous la regardez bien. Nous vous demandons de ne pas communiquer entre vous."

Arès la présentation effective de 15 secondes on demande : "Nous vous demandons d'inscrire sur le papier qui se trouve devant vous ce que vous avez perçu sur cette diapositive".

Ce protocole a été appliqué à deux groupes de 34 élèves de seconde AB composés de filles et de garçons en nombres égaux.

Le but de l'expérience ( 1 ) fut déjoué par un sujet du premier groupe qui sitôt la projection commencée s'est exclamé : "Ouah un OVNI !"

(1) Qui était d'étudier un processus particulier d'influence.

Ce premier groupe constitue par la force des choses le groupe expérimental, où la variable dépendante, l'actualisation d'une information OVNI par un co-observateur, prend la valeur positive.

Heureusement, aucun des sujets du 2ème groupe ne parla pendant le déroulement du protocole. Il constitue ainsi le groupe neutre où la variable dépendante prend la valeur nulle.

Le type de dénomination observée dans les réponses écrites des sujets constitue la variable dépendante, dichotomisée en "OVNI" ou analogues et "non OVNI".

 

8.3. - HYPOTHESE OPÉRATIONNELLE

Le groupe expérimental devrait fournir un nombre significativement plus important de dénominations OVNI que le groupe neutre. Cette hypothèse est assez évidente : elle s'appuie sur l'énorme masse de données empiriques de la théorie des processus d'influence. Son intérêt réside simplement dans son application au domaine du témoignage de PAN, et dans la spontanéité de la situation qui nous a permis de l'émettre.

 

8.4 - ANALYSE DES RÉSULTATS

Le tableau suivant résume les résultats observés. Le traitement statistique indique que la probabilité que la différence observée soit due au hasard est très faible ( chi-deux, p < .00001 ).

  Dénomination     Groupe expérimental     Groupe neutre  
OVNI 23 6
OVNI 11 27

 

8.5. – DISCUSSION

Il nous semble que l'importance des résultats observés réside beaucoup plus dans ses éventuelles généralisations que dans la puissance de la confirmation d'une hypothèse évidente.

Le groupe neutre peut être considéré comme assez représentatif : laissés libres de leurs dénominations, moins d'un tiers de ses sujets choisissent des dénominations OVNI. Ce résultat est analogue à ceux observés dans les expériences précédentes, malgré les différences entre les protocoles et les populations : 20 % ( A ), 11 % ( C et D ), 20 % ( E ), 18 % ( F ).

Le traitement statistique confirme que les différences entre ces proportions ne peuvent pas être interprétées comme des différences au niveau des ensembles parents ( chi-deux, p > .80 ).

Mais, ce tiers de dénominations OVNI bascule à deux tiers dès que l'un des sujets indique aux autres sa réponse. Ces résultats se rapprochent significativement à leur tour des groupes expérimentaux des expériences précédentes : 77 % ( C ), 74 % ( D ), 50 % ( E ), 68 % ( F ) ; chi-deux, p > .30.

Le présent protocole, qui ne demandait que la dénomination du stimulus ne permettait pas de constater des erreurs dans les rapports faits par des sujets du groupe expérimental.

Cependant, les rapprochements entre les différentes expériences permettent de penser que, dans le cas présent comme dans les autres, nous aurions pu constater un nombre plus important d'éléments faux chez les sujets utilisant la dénomination OVNI pour désigner le phénomène observé.

Cette proposition a des conséquentes importantes au plan de l'étude des témoignages. Elle pousse à être attentif aux éventuelles influences entre témoins d'un même phénomène, en particulier lorsqu'on constate la facilité avec laquelle "Ouah, un OVNI !" fait monter de 18 % à 68 % la proportion des dénominations OVNI.

 

9. – DISCUSSION GENERALE

Nous pouvons continuer la synthèse des résultats de toutes les expériences précédentes, en nous centrant sur deux plans.

Au plan théorique, la confirmation de toutes les hypothèses opérationnelles donne à l'hypothèse générale la force des faits qui épousent parfaitement les prévisions issues d'un champ théorique général.

Il nous semble que la preuve est faite de la solidité de la démarche mettant en rapport des théories psychologiques bien établies et un domaine d'investigation particulier : le témoignage de PAN.

En conclusion, l'assertion, la probabilité que la subjectivité intervienne dans un témoignage croît lorsque des informations se référant au phénomène OVNI sont actualisées, par le témoin ou son entourage, avant, pendant ou après son observation de PAN semble être une hypothèse de travail solide, qui mérite d'être approfondie.

Au plan de l'application pratique à notre domaine d'investigation particulier, les résultats observés constituent des assises solides pour le modèle d'analyse des témoignages proposé au chapitre 2.

Plusieurs cas d'espèce ont été étudiés : celui des attentes déjà acquises vis-à-vis du phénomène OVNI, celui des attentes induites peu avant ou pendant l'observation, et celui où un processus d'influence intervient au moment de l'interrogation.

Dans tous les cas, les sujets concernés ont une tendance relativement forte à distordre les caractéristiques du phénomène observé.

En outre, dans la plupart des cas, la dénomination OVNI prend la place d'une variable intermédiaire entre les attentes et les distorsions.

Le modèle d'analyse des témoignages proposé ne fait que suivre le cheminement inverse de celui qui vient d'être présenté. Le but recherché étant d'écarter les témoignages ou éléments de témoignage pouvant être fortement subjectifs, l'analyse préconise l'étude des rapports entre le témoin et le phénomène observé, son entourage, ses opinions et attitudes vis-à-vis du phénomène OVNI ( voir paragraphe 1.2.9. ).

Cette étude débouche sur une évaluation qui pondère le témoignage ou l'élément de témoignage, en fonction de la probabilité que la subjectivité y intervienne.

 




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