CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etudes des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

Toulouse, le 10 Février 1983
N° 00009 CT/GEPAN


 

NOTE TECHNIQUE
N° 15


 

RECHERCHE DE STEREOTYPES :
DESSINE-MOI UN OVNI

 

 

 

par Philippe GESSE Manuel JIMENEZ

 

 

ISSN : 0750-6694




SOMMAIRE

- INTRODUCTION -

  • 0.1 - Recherches précédentes.
  • 0.2 - Quoi, Qui et Pourquoi ?
  • 0.3 - La représentation d' OVNI : un postulat de travail.

  1. - ENQUÊTE -

    • 1.1 - Le questionnaire : situation du problème.
    • 1.2 - Elaboration du questionnaire.
    • 1.3 - La population, l'échantillon.
    • 1.4 - Le Codage.

  2. - FRÉQUENCES -

    • 2.1 - Variables sociologiques.
    • 2.2 - Variables concernant l'intérêt porté aux OVNI.
    • 2.3 - Variables Descriptives.
    • 2.4 - Variables liées à l'explication du phénomène.
    • 2.5 - Comparaison avec d'autres enquêtes.

  3. - ANALYSES FACTORIELLES -

    • 3.1 - Méthodes.
    • 3.2 - Interprétation des résultats.

  4. - CONCLUSION -

  5. - EPILOGUE -

 




 

- INTRODUCTION -

 

0.1. - RECHERCHES PRECEDENTES -

Au cours de recherches récentes, ont été obtenus plusieurs résultats expérimentaux cohérents avec l'idée que certains sujets auraient une représentation des caractéristiques physiques d'un OVNI.

Dans les premières de ces recherches ( JIMENEZ 1981 a ), lorsque les sujets expérimentaux pensent avoir observé la photo d'un OVNI, ils en font une description qui est empreinte de certaines erreurs ou interprétations caractéristiques. Par exemple, ces sujets tendent à arrondir la forme observée, à lui prêter un mouvement, à estimer sa taille entre 5 et 20 mètres.

Dans une autre recherche ( JIMENEZ à paraître ) l'étude porte sur les témoignages réels de plusieurs phénomènes lumineux rapportés par un grand nombre de personnes. Les données montrent que les évaluations métriques du phénomène observé sont fournies préférentiellement par les témoins qui pensent avoir observé un OVNI. Dans la plupart des cas, ces évaluations métriques traduisent un rapprochement subjectif très prononcé d'un phénomène qui se déroule, en réalité,dans la très haute atmosphère.

En parallèle avec ces recherches, nous nous sommes interrogés sur le représentation sociale ou individuelle recouverte par le nom d'OVNI ( cf. JIMENEZ 1981 b ). Nous nous sommes ainsi dirigés vers l'idée que, quand quelqu'un pense observer un OVNI, des éventuelles représentations de "ce qui doit être un "OVNI" interfèrent avec les caractéristiques réelles du phénomène observé.

 

0.2. - QUOI, QUI et POURQUOI -

La présente recherche aborde la question de cette éventuelle représentation d'OVNI en utilisant l'outil de l'enquête sociologique.

Cet outil doit permettre aussi d'aborder une question subsidiaire : celle des rapports entre les différences dans les représentations et les différences dans les groupes sociaux. Cette question englobe aussi celle de l'absence de représentation manifeste dans certains groupes sociaux.

La troisième question que nous aborderons avec cette enquête est celle du pourquoi, c'est-à- dire, celle de la compréhension de la relation entre tel groupe social et telle représentation d'OVNI.

En résumé, nous cherchons dans le présent travail à trouver des éléments qui, par le jeu des corrélations, nous permettent d'avancer des hypothèses sur les liaisons entre les représentations d'OVNI, les groupes sociaux et des facteurs pouvant avoir une valeur explicative quant à l'avènement de ces représentations.

 

0.3. - LA REPRESENTATION D'OVNI : UN POSTULAT DE TRAVAIL -

Notre recherche part d'un postulat qui peut être énoncé de la façon suivante : "toute personne appartenant à la culture occidentale a une représentation mentale de ce qu'est un OVNI, cette représentation est en particulier visuelle".

Cette représentation est, pour un sujet donné, plus ou moins complète et ambiguë ; cela se traduira, dans le domaine opérationnel, par une difficulté plus ou moins forte à expliciter la représentation ( ou par une richesse plus ou moins grande dans les éléments décrits ). Dans des cas extrêmes, le sujet ne pourra pas ( ou ne voudra pas ) expliciter sa représentation.

Par exemple, si une personne ne répond pas aux questions posées, le postulat implique qu'elle a une représentation mais que nos questions ne lui ont pas permis de l'expliciter. En d'autres termes, il nous semble censé de garder la possibilité que cette personne ait une représentation assez vague qui n'a pas pu être explicitée par notre outil de travail ( pour une réflexion critique sur la méthode d'enquête voir p.e. GHIGLIONE et MATALON 1970 ).

Ainsi, le postulat choisi permet d'évacuer la question stérile de l'existence ou l'absence de représentation : en effet une représentation mentale est un concept théorique ne pouvant être observé directement. Il ne peut être qu'inféré grâce à des variables opérationnelles qui, elles, sont observables et au modèle théorique les mettant en relation.

Dans la recherche actuelle nous nous contenterons de la simple constatation de relations statistiques entre tel groupe social, telle description se référant à un OVNI, telle réponse faisant penser à un substrat culturel ou idéologique.

Pour cela, nous utiliserons les techniques statistiques descriptives de l'analyse factorielle appliquées aux données d'une enquête sociologique.

Ces techniques permettent de mettre en lumière des liaisons entre les réponses manifestes mais elles ne peuvent pas indiquer des relations causales entre les éléments corrélés ; moins encore entre les variables latentes qui pourront être inférées de ces réponses.

 

 

1. - ENQUETE –

 

- REMERCIEMENTS -

Cette enquête fut réalisée pendant la semaine du 15 au 21 Mars 1982, grâce aux quelques 170 étudiants de l'I.U.T. de Statistique de l'Université de TOULOUSE le MIRAIL.

Le questionnaire utilisé fut élaboré en collaboration avec la plupart des enseignants de cet I.U.T., au cours des semaines précédant l'enquête. Nous adressons aux étudiants et enseignants de l'I.U.T. de Statistique nos remerciements les plus sincères.

 

1.1 - LE QUESTIONNAIRE : SITUATION DU PROBLEME -

Il y a des représentations sociales étroitement liées à des référents matériels, par exemple : une bonne voiture. Il y en a d'autres dont le référent puise largement dans un imaginaire plus ou moins collectif, par exemple : la voiture du futur, le bon dieu, les martiens.

Il y a, bien entendu, une différence entre "la voiture du futur" et les deux autres exemples : ces derniers ne peuvent s'appuyer que sur des représentations imaginaires ( même si ces représentations imaginaires ont été relayées par des reproductions iconiques : statues, dessins, films... ).

Il y aussi une différence entre les deux derniers exemples ( "le bon dieu" et les "martiens" ). Alors que la première représentation est profondément présente dans la plupart des systèmes symboliques de la civilisation occidentale, la deuxième n'y occupe qu'une place anecdotique *.

(*) Cette différence ne semble pas être uniquement quantitative, mais aussi qualitative. Il nous semble que la prépondérance de certaines représentations va de pair avec la croyance dans l'existence réelle de l'idée représentée : beaucoup moins de personnes croient à l'existence des martiens qu'à celle du bon dieu.

Nous pensons que la représentation d'un OVNI est de ce dernier type : elle a été imaginée, reproduite, véhiculée par et dans les média durant les dernières décennies. Cependant, elle ne constitue pas ( encore ) l'un des thèmes dominants dans les systèmes symboliques occidentaux.

Dès lors, les deux différences venant d'être signalées agissent en tant que barrières à l'explication d'une ( éventuelle ) représentation d'OVNI :

  • Celle-ci peut être très simple ou floue du fait qu'elle ne constitue pas l'un des centres d'intérêt des personnes interrogées.

  • Ces personnes auront des difficultés à évoquer physiquement une chose à laquelle elles ne croient pas vraiment.

 

1.2. - ELABORATION DU QUESTIONNAIRE -

  • - QUESTIONS 1 et 2 -

    Le but du questionnaire est d'amener les personnes interrogées à imaginer et à décrire verbalement un OVNI. Nous avons déjà signalé les difficultés théoriques pour atteindre un tel but. Nous avons placé les questions s'y rapportant ( 3, 4 et 5 ) à la suite d'une série de questions de sensibilisation. Celles-ci débutent avec une question assez ouverte faisant appel à une situation réelle et générale, accompagnée d'une série d'exemples :

    • Avez-vous déjà observé un phénomène que vous n'avez pas pu expliquer : apparitions diverses, mirages, lueurs dans le ciel, phénomènes aériens ?

    • Si oui, lequel ?

    La deuxième question se réfère toujours à une situation réelle mais limitée au phénomène OVNI :

    • Pensez-vous un jour pouvoir observer un ( autre ) objet volant non-identifié, c'est-à-dire un OVNI ?

    • Voulez-vous vous situer par rapport aux 4 possibilités suivantes : sûrement, peut-être, peu probable, sûrement, pas ?

  • - QUESTIONS 3, 4 et 5 -

    La question 3 aborde le sujet de l'enquête, en demandant à la personne interrogée de se placer dans une situation imaginaire d'observation d'un OVNI :

    • Imaginons que cela vous arrive ( une autre fois ) comment serait cet OVNI ?

    La réponse à cette question est notée dans un premier temps en discours libre, en particulier par rapport à une grille d'éléments descriptifs forme, taille, couleur... ( voir le questionnaire en annexe 1 ). Ensuite, l'enquêteur demande de décrire les éléments qui n'ont pas été cités spontanément par la personne interrogée. Il demande aussi, le cas échéant, des précisions métriques sur la taille, l'altitude et la vitesse.

    En cas de blocage, ou si la personne a répondu "sûrement pas" à la question 3, l'enquêteur lui pose la question 4 :

    • Toutefois de nombreuses personnes disent avoir observé un OVNI ; comment le décrivent-elles ?

    Eventuellement, l'enquêteur relance la question sous la forme :

    • Néanmoins, comment imaginez-vous un OVNI ?

    La réponse à cette question 4 est notée de la même façon que pour la question 3.

    La question 5 aborde, de façon analogue, les circonstances de l'observation imaginée ( annexe 1 ).

  • - QUESTIONS 6, 7, 8, 9, 10 et 11 -

    Ces questions essaient de cerner l'attitude des personnes interrogées par rapport au phénomène OVNI. L'intérêt notamment est abordé, d'abord directement ( question 6, annexe 1 ) puis à travers la fréquentation des média ( question 10 ).

    La question 11 aborde les explications du phénomène OVNI, la question 8 son rapport avec la science, la question 9 avec la religion.

    La question 7 porte sur le comportement social en cas d'observation d'un OVNI.

 

1.3. - LA POPULATION -

La population visée par l'enquête est constituée par des personnes de plus de 15 ans et habitant le département de la Haute-Garonne. Cette restriction spatiale est la conséquence de contraintes matérielles, mais compte tenu que le sujet traité ne s'avère pas lié à des emplacements géographiques particuliers* les conclusions générales de ce travail peuvent être, sans trop de risque, extrapolées à la population de la France Métropolitaine. Par contre, les pourcentages évoqués au paragraphe 2.1. sont, eux, représentatifs uniquement de la Haute-Garonne. En effet, l'échantillon de la population interrogé a bien été tiré au hasard des rencontres faites par les enquêteurs, mais à la condition de respecter certains quotas : jugeant a priori que certaines variables sociologiques peuvent avoir une importance sur les résultats, la méthode des quotas consiste à sélectionner les enquêtés de sorte que, pour chacune de ces variables, les partitions obtenues sur l'échantillon aient des fréquences relatives identiques à celles de la population totale.

* cf. par exemple BESSE 1980, 1981, BESSE 1983.

L'échantillon de cette enquête respecte les quotas de la Haute-Garonne pour les variables suivantes :

  • Zone de résidence :

    • Agglomération de TOULOUSE
    • Hors agglomération

  • Sexe - Age

  • Catégorie socioprofessionnelle.

Les modalités de ces variables et leurs quotas se trouvent en annexe 2 ; ceux-ci sont respectés à 2 % près, c'est-à-dire que l'échantillon comporte un peu trop d'étudiants par rapport à la classe des retraités et autres inactifs.

La taille de l'échantillon respecte les normes en vigueur avec 1195 individus. Compte tenu de ces précautions, on peut donc juger l'échantillon recueilli et donc les résultats obtenus, comme représentatifs de la population étudiée.

 

1.4. - LE CODAGE -

Il est nécessaire de procéder à un codage numérique des informations contenues dans les questionnaires, afin de circonscrire le traitement informatique de celles-ci dans des limites raisonnables. Pour les questions fermées de l'enquête, c'est-à-dire, pour les questions qui comportent un nombre déterminé de réponses offertes, il n'y a pas de problème, à chacune des modalités correspond un code ( de 1 à n nombre de modalité de la variable ).

Pour chacune de ces questions il est prévu une modalité ( codée toujours "non-réponse" ) correspondant à des refus de répondre de la part de l'enquêté, ou encore à des oublis ou erreurs de la part de l'enquêteur ( en proportion beaucoup plus rares que les refus ), ou encore à des "sans opinions" lorsque cette éventualité n'est pas explicitement prévue dans les réponses.

Les difficultés apparaissent lors du dépouillement des questions ouvertes relevées en clair, c'est-à-dire lorsque l'enquêté n'est pas guidé dans le choix de ses réponses. Ceci concerne la question 2 et la description imaginaire du phénomène ( 3,4,5 ) où le nombre de réponses distinctes devient trop important relativement au nombre total des réponses, au détriment de la représentativité des résultats obtenus. La démarche adoptée a alors été la suivante :

  1. A partir d'un échantillon d'une cinquantaine de questionnaires, établissement d'un codage provisoire des questions ouvertes en ne procédant qu'à peu de regroupement entre modalités "voisines" ou synonymes.

  2. Test de ce codage provisoire sur un autre échantillon d'une cinquantaine de questionnaires, afin de juger si le codage prévoit bien "tous" les cas possibles.

  3. Dépouillement et codage de l'enquête dans son ensemble.

  4. Au vu des fréquences obtenues,établissement d'une table des synonymes afin de ramener les nombres des modalités des variables à des valeurs exploitables.

Ce travail nécessite beaucoup de prudence et ainsi certaines variables très hétérogènes ont donné lieu à deux recodages différents : l'un portant sur le type d'une estimation ( par comparaison, angulaire, qualitative, métrique ) l'autre sur une approximation métrique de cette estimation ( de la taille, de la vitesse, de l'altitude ).

Le passage du codage provisoire au codage définitif est décrit en annexe 4. A l'issue de ce recodage on obtient donc un échantillon de 1145 individus décrits par 56 variables comprenant au total 258 modalités.

 

 

2 - FREQUENCE -

 

Les répartitions des réponses aux différentes modalités sont données en annexe 5. On se propose de les commenter rapidement. Les variables peuvent être regroupées principalement en quatre thèmes.

 

2.1. - VARIABLES SOCIOLOGIQUES -

Elles concernent la zone de résidence, le sexe, l'âge et la catégorie socio-professionnelle des enquêtés ( voir annexe 3 ). Comme on l'a déjà vu au sujet du choix de l'échantillon, les fréquences des modalités de ces variables respectent celles de la population du département de la Haute-Garonne. Il n'y a donc rien à en dire indépendamment des autres variables.

 

2.2. - VARIABLES CONCERNANT L'INTERET PORTE AUX OVNI -

Les questions portant sur ce thème sont de trois type ; il s'agit :

  • de laisser s'exprimer spontanément l'enquêté :

    • Avez-vous déjà observé un phénomène que vous n'avez pu expliquer ?

    • A citer spontanément le terme OVNI ?

    • Pensez-vous observer un jour un OVNI ?

  • puis aborder directement le problème :

    • Quel intérêt portez-vous aux OVNI ?

    • Si vous étiez témoin, en parleriez-vous ?

  • et, enfin, indirectement :

    • Avez-vous lu un article dans une revue ou un magazine, dans la presse quotidienne ?

    • Avez-vous suivi une émission à la radio à la télévision ?

Il est intéressant de noter qu'à la première question, volontairement imprécise, seulement 6 % des interrogés font spontanément l'association : phénomène inexpliqué-OVNI ; et si 14 % disent avoir déjà observé un phénomène inexpliqué, la moitié de ceux-ci n'en parle que de façon descriptive ( phénomènes lumineux aériens ).

A la question suivante ( Pensez-vous pouvoir observer un OVNI ? ) les réponses sont très partagées ; spontanément, elles se répartissent entre une négation formelle ( NON : 20 % ), une indécision ou un attentisme prudent ( ne sait pas : 24 % - pourquoi pas : 23 % ) et une nette affirmation ( OUI 16 % ) allant jusqu'à une attente, une espérance ( 10 % ) ; et, lorsqu'il est demandé aux personnes de se situer par rapport à des modalités fixes ( sûrement, peut-être, peu probable, sûrement pas ) la majorité ( 64 % ) reste indécise ou prudente, alors que 18 % rejettent totalement l'éventualité proposée et 16 % la considèrent comme sûre.

Sur l'intérêt porté aux OVNI, les avis sont aussi très partagés. Si la majorité des personnes interrogées ( 58 % ) ne sont guère ( 29 % ) ou pas du tout ( 29 % ) intéressées, une minorité ( 10 % ) juge ce sujet très important.

La plus grande partie de ces témoins potentiels pense qu'ils parleront de leur éventuelle observation à quelqu'un, mais ce quelqu'un est le plus souvent l'entourage immédiat, seulement 8 % avertiraient les autorités locales.

Enfin, on note que la majorité des enquêtés se sont informés sur les OVNI :

  • 30 % ont lu au moins un livre à ce sujet,

  • 60 % ont lu un article dans une revue ou un magazine,

  • 58 % ont suivi une émission à la radio ou à la télévision.

Mais quand on leur demande le titre de ce qu'ils ont vu ou lu, la moitié "ne sait plus" ( respectivement 14 %, 30 %, 35 % ) et parmi les réponses fournies, ce n'est pas un livre, une revue ou une émission qui est cité le plus souvent mais un journaliste ( Jean-Claude BOURRET ), comme si son image ou son charisme était finalement plus important que le média qu'il utilise.

En résumant sommairement, il y aurait donc trois types de comportement vis-à-vis des OVNI : une bonne moitié des interrogés semble indécise et/ou indifférente, tandis que l'autre se répartit à peu près également entre les "ufophiles"*exprimant une attente ou un grand intérêt et les "ufophobes" rejetant ( voire refoulant ) le problème, et parfois de manière agressive. Ce classement un peu rapide se confirmera par la suite.

* de U.F.O. Unidentified Flying Object.

 

2.3. - VARIABLES DESCRIPTIVES -

Les fréquences observées pour ces variables sont représentées par des histogrammes en annexe 6. Celles-ci se divisent en deux groupes :

  • d'une part les variables décrivant le phénomène imaginé,

  • d'autre part celles concernant les conditions dans lesquelles se serait déroulée l'observation.

  1. - Phénomène -

    Pour la plupart des variables considérées, on note que certaines modalités se distinguent aisément des autres :

    - Forme ronde 43 %
    - Couleur rouge 20 %
    - Couleur blanche 17 %
    - Couleur métallique 19 %
    - Luminosité intense   70 %
    - Bruit silencieux 50 %
    - Vitesse rapide 50 %
    - Taille distribution unimodale dont le mode est l'intervalle [ 1-10 m ]
    - Trajectoire rectiligne      42 %

  2. - Conditions -

    Un travail identique donne les résultats suivants :

    . été 50 %
    . 20 H. à 7 H. 60 %
    . Bonne météo 73 %
    . Campagne 58 %
    . 1 à 15 minutes      40 %

Toujours en résumé, il semble donc que, pour une bonne partie de la population, un OVNI est un phénomène de luminosité intense, silencieux, rapide, de forme ronde, suivant une trajectoire rectiligne, de couleur rouge, blanche ou métallique, dont la taille se situerait entre 1 et 10 mètres. Il peut être observé par temps clair, la nuit, l'été à la campagne pendant une durée de 1 à 15 min. Il ne faut cependant pas perdre de vue que les refus ou absence de réponse à ces questions sont nombreux ( entre 15 et 25 % ).

 

2.4. – VARlABLES LIEES A L'EXPLICATION DU PHENOMENE –

Beaucoup de personnes interrogées ( 39 % ) font totalement confiance à la Science pour expliquer les OVNI, un nombre encore plus important ( 48 % ) reste prudent et ne fait que partiellement confiance et seulement 6 % récusent toute explication scientifique.

Parmi les explications les plus fréquemment données, il apparaît encore une majorité prudente : 54 % des personnes interrogées citent, parmi les explications possibles, un phénomène naturel inconnu ; puis deux attitudes assez antinomiques, l'une évoquant la confusion avec un phénomène parfaitement connu, l'autre faisant appel aux extra-terrestres. Ceci est renforcé par le fait que beaucoup de gens ne citent qu'une seule explication ( 43 % ) possible par laquelle ils sont donc d'autant plus convaincus.

Finalement, lorsqu'il est question de "phénomène inexpliqué", peu de gens ( 6 % ) pense aux OVNI mais s'il est question d'OVNI, 34 % pensent aux extra-terrestres. ( § 2.2 ).

 

2.5. – COMPARAISON AVEC D'AUTRES ENQUETES -

Le phénomène OVNI a été l'objet de questions à l'occasion d'autres enquêtes sociologiques. Sans prétendre en faire la liste exhaustive, on peut citer notamment :

  • En France :

    • SOFRES ( Avril 1979 ) pour "LE PELERIN"
    • IFOP ( Mai 1979 ) pour "MARIE-CLAIRE"
    • SOFRES ( Nov. 1979 ) pour "BONNE-SOIREE"
    • IFOP ( Mars 1980 ) pour "CESA-CNES"
    • IFRES ( Juin 1980 ) pour "LE PARISIEN LIBERE"
    • INDICE-OPINION ( Nov. 1980 ) pour "LE QUOTIDIEN DE PARIS".

  • Aux Etats-Unis :

    • L'Institut GALLUP en 1966, 1968, 1973, 1978 ( citées par LEE 1969, WESTRUM 1977, GALLUP 1978 ).
    • SAUNDERS ( 1968 ), SAUNDERS et VAN ARSDALE ( 1968 ) et LITTIG ( 1971 ) qui ont approfondi leurs études en réalisant des analyses factorielles ; cependant, leurs enquêtes de référence sont faites sur des échantillons restreints et exclusivement composés d'étudiants.

Comparer les résultats de deux enquêtes sociologiques s'avère presque toujours une tâche impossible : les grilles de questions ou de réponses ont trop peu d'analogie d'une enquête à l'autre.

Cependant, nous indiquerons pour mémoire, quelques résultats des enquêtes précédentes pouvant être mis en rapport avec ceux rapportés dans le présent travail.

"AVOIR OBSERVE UN OVNI"

  • Vous-même, ou quelqu'un de votre connaissance, pensez-vous en avoir déjà aperçu ( soucoupe volante ou OVNI ) ?
               OUI : 6 % ( IFOP 1969 )

  • Avez-vous déjà vu quelque chose dont vous avez pensé que c'était une soucoupe volante ?
               OUI : 5 % ( GALLUP 1966, rapporté par LEE 1969 ).

  • Avez-vous, vous-même déjà vu quelque chose dont vous avez pensé que c'était un UFO ?
               OUI : 9 % ( GALLUP 1978, rapporté par GALLUP 1978 ).

A comparer aux résultats de notre enquête où 6 % des personnes interrogées ont cité spontanément le terme OVNI en répondant à la première question ( voir annexe 5 ).

"CROYANCE AUX OVNI"

  • Je crois aux soucoupes volantes et aux OVNI :

    . tout à fait d'accord      15 %
    . Plutôt d'accord 20 %
    . Plutôt pas d'accord 15 %
    . Pas du tout d'accord      40 % (IFOP 1980)

  • Croyez-vous aux extra-terrestres ?

    . OUI      28 %
    . NON 58 % (IFOP 1979)

  • Selon votre opinion, les UFO sont réels ou simplement imaginaires ?

    . Réels 39 %
    . Imaginaires      18 %
    . Pas sûr 11 % (GALLUP 1978 rapporté par GALLUP 1978).

Sans qu'il y ait de comparaison simple avec aucune question de notre enquête, on peut se référer aux questions 2 et 6 de l'annexe 5.

"EXPLICATIONS DU PHENOMENE OVNI"

Voici différentes explications qui ont été données sur la présence d'OVNI ( Objets Volants Non Identifiés ). En ce qui vous concerne personnellement comment l'expliquez-vous ?

- Phénomènes naturels ou météorologiques     
( nuages, fragments de planètes... )
 
 
30 %
 
- Hallucinations, troubles visuels
 
12 %
 
- Engins volants venant d'une autre planète
(soucoupes volantes...)
 
 
25 %
 
- Engins volants envoyés de la terre
( satellites, fusées, etc... )
 
 
21 %
 
- Ne savent pas
 
20 % ( SOFRES Avril 1979 )
 

A comparer aux résultats de la question 11 en annexe 5.

 

 

3 - ANALYSES FACTORIELLES -

 

 3.1. - METHODES -

Les outils statistiques utilisés dans le chapitre précédent ne permettent pas de relever les liaisons existant entre les variables et ainsi, par exemple, de déterminer des types de description de l'OVNI imaginaire,en fonction des types de motivations ( attente - refus - indifférence... ) exprimés par les enquêtés ou encore en fonction des types d'explications proposées. Cette approche peut être réalisée à l'aide de l'"Analyse des Correspondances Multiples" * permettant de construire des représentations graphiques comme celles jointes en annexe 7. Très schématiquement, le but de cette méthode est de "résumer au mieux" l'information apportée par les questionnaires en représentant, dans un même plan, les modalités de réponse aux diverses questions. Ces plans s'interprètent alors en considérant les différents axes de dispersion du nuage des modalités.

Compte tenu du nombre important de variables ( 56 ) et de modalités ( 258 ), l'analyse a été réalisée séparément sur chacun des quatre groupes de variables qui prennent alors un rôle "actif" dans l'analyse, tandis que les modalités des autres variables, considérées comme "supplémentaires" sont représentées afin d'aider à l'interprétation dans un souci "explicatif".

* Se reporter à la littérature pour plus de précision, par ex. SAPORTA 1978.

 

3.2. - INTERPRETATION DES RESULTATS –

- VARIABLES SOCIOLOGIQUES –

On obtient une représentation banale du tissu sociologique. Le premier axe est lié essentiellement à l'âge des enquêtés et il apparaît que les retraités et autres inactifs sont plus généralement de sexe féminin et résident hors de l'agglomération toulousaine. Les variables sociologiques ne semblent pas liées à des types de description bien particuliers ; on note seulement différents types de comportement évoluant avec l'âge :

  • En cas d'observation, c'est parmi les plus jeunes que se trouve le plus d'autocensure, ils ne parleraient à personne de ce qu'ils ont vu.

  • La tranche d'âge suivante aurait, elle, plutôt tendance à s'adresser à un journaliste.

  • Et ce sont les personnes les plus âgées qui témoigneraient auprès des autorités locales.

  • Les tranches d'âge intermédiaires ( entre 35 et 64 ans ) se caractérisent surtout par le nombre de raisons données pour expliquer le phénomène OVNI ( elles sont les seules à en donner jusqu'à 6 ). Elles y voient souvent la manifestation d'un phénomène naturel encore inconnu.

L'analyse de ces variables fait apparaître nettement trois types de comportement de la part des enquêtés. Ce sont en fait ceux déjà soulignés au § 2.2..

  1. - Les "Ufophobes" ne seront sûrement pas témoins d'un OVNI, ils ne trouvent aucun intérêt au problème et refusent très généralement de répondre aux questions descriptives.

  2. - A l'opposé, les "Ufophiles" citent spontanément le terme d'OVNI, seront sûrement témoins et même veulent en voir. Ils jugent très important ce sujet.

  3. - Entre les deux se trouvent les sceptiques et les indécis, sans qu'il soit très facile de les distinguer. Ils trouvent ce problème pas important à assez important. Ils seront peut-être ou pourquoi pas témoins.

Le premier groupe accumule les "non-réponses". A l'inverse, le deuxième comprend les enquêtés qui ont fait le plus d'effort de documentation ( livres ufologiques, revues, émissions T.V. ou radio ). Enfin, le troisième groupe englobe la majeure partie des professions libérales et fait parfois spontanément allusion au "paranormal".
Il pense aussi que la science expliquera en partie le problème.

- EXPLICATIONS PROPOSEES -

On retrouve encore les trois mêmes comportements :

  • Les "Ufophobes" qui n'ont en général rien lu, rien vu sur le sujet n'en donnent pas explication ou rarement une. Ils disent qu'ils ne seront sûrement pas témoins. Cette classe regroupe une bonne partie des agriculteurs et des personnes âgées.

  • Les "Ufophiles" qui ont tout lu, tout vu,donnent deux explications : manifestation de phénomènes naturels inconnus et d'extra-terrestres. Ils sont souvent jeunes et très consommateurs de média.

  • Les sceptiques se montrent très rationnels en donnant le maximum d'explications possibles : phénomène naturel connu, engin militaire, conséquence d'essai nucléaire, hallucination, canular, autre...

- DESCRIPTIONS -

Comme beaucoup d'enquêtés (les "Ufophobes") refusent systématiquement de décrire les différentes caractéristiques de l'OVNI à imaginer, ces non-réponses prennent beaucoup d'importance ( premier axe ) dans la représentation. Puis, les deux autres types de comportement apparaissent discriminés par le deuxième axe. Ce sont les "Ufophiles" qui fournissent le plus de précisions dans leurs réponses ; ils font l'effort de donner des estimations métriques. L'OVNI apparaît alors en forme de fusée ou de soucoupe, de 1 à 30 mètres, sans luminosité, de couleur métallique, bruyant, tandis que les "sceptiques" se montrent moins précis leurs descriptions, souvent très diverses, ne rentrent pas dans les classes ou modalités de réponses retenues au codage. C'est parmi les sceptiques que se trouvent les descriptions en forme "d'étoile" et de couleur "très lumineux".

 

 

4 - CONCLUSION -

 

Il faut bien noter que les deux approches utilisées successivement ( histogrammes - analyses factorielles ) n'ayant pas les mêmes objectifs, aboutissent à des résultats complémentaires : les histogrammes donnent des tendances générales, tandis que les analyses factorielles, font apparaître des regroupements entre modalités de réponses souvent associées dans les descriptions des enquêtés, même si les effectifs de celles-ci sont faibles.

Il apparaît donc que la population se divise tout d'abord en deux classes : celle qui refuse de donner une description ( les "Ufophobes" : de 15 à 20 % pour le Département de la Haute- Garonne ; ils n'en verront sûrement pas ), et celle qui fournit une description. Les réponses de cette dernière présentent des tendances générales marquées ; pour elle, un OVNI est souvent rond, rouge, silencieux, il suit une trajectoire rectiligne et peut être observé par une belle nuit d'été à la campagne durant 1 à 15 minutes.

Mais deux sous-groupes se distinguent de ces tendances majoritaires :

  • d'une part les "sceptiques" : ( ils n'excluent pas la possibilité de voir un OVNI ) où se retrouvent les professions libérales ; ils sont plutôt d'âge moyen ( 30-50 ). Ce sont eux qui fournissent le plus d'explications rationnelles, leur description reste souvent "banale" : "forme d'étoile" "très lumineux".

  • d'autre part, les "Ufophiles", souvent jeunes et avides des informations fournies par les média. Leur explication favorite fait appel aux extraterrestres. Leur OVNI est alors en forme de fusée ou de soucoupe, sans luminosité, bruyant, de taille moyenne 10 mètres. ils souhaitent en observer.

L'enquête a donc bien rempli son objectif en faisant apparaître quatre stéréotypes comportementaux :

- Ufophobes non-réponse )
- Tendance générale      boule rouge )
- Sceptiques étoile lumineuse )
- Ufophiles soucoupe de 10 mètres environ - extra-terrestres ).

 

 

5 - EPILOGUE -

 

Les résultats de la présente enquête ne peuvent avoir qu'une valeur descriptive ; nous le signalions dans l'introduction. Nous y indiquions aussi les travaux antérieurs qui nous ont incité à réaliser cette enquête.

Or, le véritable travail de recherche qui essaie d'expliquer et pas seulement de décrire, consiste à comparer les résultats présents à ceux obtenus par ailleurs, qu'ils soient issus de travaux statistiques ( BESSE 1980, 1981 , BESSE 1983 ), expérimentaux ( JIMENEZ 1981 a ) ou invoqués ( JIMENEZ à paraître ). Ceci sera entrepris ultérieurement.

 

 




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