CENTRE NATIONAL D'ETUDES SPATIALES

Groupe d'Etude des Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés

CNES

Toulouse, le 21 mars 1983

CT/GEPAN - 00017

ENQUETE 86 / 06

"L'AMARANTE"

ISSN : 0750-6694

NOTE TECHNIQUE N°17


S0MMAIRE

  1. - PRÉSENTATION
  2. - INTERVENTIOM DE LA GENDARMERIE
  3. - L'ENQUÊTE
    1. - Facteurs d'intervention
    2. - Déroulement de l'enquête
  4. - ENVIRONNEMENT
    1. - Description de l'environnement
    2. - Description du jardin
  5. - RECONSTITUTION ET EXAMEN DES ÉLÉMENTS DESCRIPTIFS
    1. - Introduction
    2. - Trajectoire estimée
    3. - Durée de l'observation
    4. - Déplacement du témoin
    5. - Forme
    6. - Dimensions estimées
    7. - Estimation de l'emplacement du phénomène en stationnement
    8. - Evaluation des couleurs
    9. - Aspect et consistance
    10. - Bruit
    11. - Particularités physiques et physiologiques accompagnant l'observation.
  6. - ANALYSE DU DISCOURS ET DU COMPORTEMENT DU TÉMOIN
    1. - Introduction
    2. - Présentation du témoin
    3. - Analyse du discours
    4. - Sources d'informations
    5. - Extraits des discours recueillis.
  7. - PRÉLÈVEMENTS D'ÉCHANTILLONS VÉGÉTAUX
    1. - Collecte de la première série d'échantillons
    2. - Collecte de la deuxième série d'échantillons
    3. - Transport et conditionnement
  8. - DONNÉES COMPLÉMENTAIRES
    1. - Renseignements météorologiques
    2. - Carte du ciel
    3. - Circulation aérienne
    4. - Effet couronne sur des tiges d'herbe
  9. - ANALYSES BIOCHIMIQUES
    1. - Nature des prélèvements
    2. - Résultat des analyses
    3. - Discussion
  10. - CONCLUSION

I - PRÉSENTATION DU CAS -

Dans la soirée du jeudi 21 octobre 1982 vers 18h, la gendarmerie de V3, banlieue de V2, est avisée par un couple, Monsieur et Madame Henri, de l'observation d'un phénomène inhabituel survenu le matin même chez eux.

De retour chez lui, Monsieur Henri découvre dans son jardin une série de fleurs flétries, chose qu'il pense être liée au phénomène lumineux observé le jour même.
Le lendemain matin il fait appel de nouveau à la gendarmerie qui se rend sur place pour prélever des échantillons.


II - INTERVENTION DE LA GENDARMERIE -

Enquête de la brigade de gendarmerie de V3 :

C'est le 21 octobre 1982 vers 18 heures que débute l'intervention de la brigade de gendarmerie de V3, la plus proche du domicile de Monsieur Henri.

Cette brigade est située au centre d'un grand ensemble d'immeubles de la banlieue de V2, lieu dit "Quartier Haut".
Cette brigade traite de nombreux problème mes liés à la vie des grands centres urbains, et, lorsque Monsieur et Madame Henri s'y sont rendus spontanément, leur témoignage a été aussitôt enregistré avec la plus grande attention.

Le brigadier de service nous explique que la personnalité, la situation sociale du témoin et le fait qu'il veuille conserver l'anonymat et la plus grande discrétion donnaient à priori une certaine crédibilité à son récit.

Un télex est transmis dès le 22/10/82 ( voir ci-après ).
Le GEPAN est informé le 23/10/82 puis après contact téléphonique à la brigade de V3, décide d'entreprendre une enquête.


- PROCES - VERBAL D'AUDITION -

Le 21.10.82 à 18 heures, au Bureau de notre Brigade, entendons Monsieur Henri, 30 ans, biologiste, demeurant V1, 102 Avenue Noël Bernard, né le 16/4/52 à V2, fils de Maurice et de Geneviève Laurent, de nationalité française, qui déclare :

" Ce jour vers 12 heures 15, sortant de mon travail, et me trouvant dans mon jardin, devant la maison, j'ai assisté au phénomène suivant ; vers 12 heures 35, j'ai vu un engin volant que j'ai pris tout d'abord pour un avion, venant du Sud-Est.
Je l'ai vu briller, il n'y avait pas de nuage, je n'avais pas le soleil dans les yeux et la visibilité était totale.
Sa vitesse de descente n'était pas grande, je pensais que l'engin allait passer au-dessus de ma maison.
A un moment donné, j'ai vu que sa trajectoire aboutissait au-dessus de moi, je me suis reculé de trois à quatre mètres, et là, j'ai vu la forme ovale de l'engin.
Cet engin est resté en sustentation à un mètre environ du sol, pendant vingt minutes.
Je suis affirmatif ayant regardé l'heure.
J'ai observé cet engin d'abord à un mètre cinquante, puis m'approchant doucement jusqu'à cinquante centimètres.
Je peux donner la description suivante :
forme ovoïde, diamètre environ un mètre cinquante, épaisseur zéro mètre quatre-vingt, la moitié inférieure avait un aspect métallisé genre béryllium poli la moitié supérieure était de couleur bleu-vert lagon dans son remplissage interne.
Cet engin n'émettait aucun son, ne dégageait ni chaleur, ni froid, ni rayonnement, ni magnétisme, ni électromagnétisme.
Je vous remets un croquis sommaire de l'engin et je pense avoir approché au maximum la réalité quant aux dimensions et aux formes.
J'ajoute que la masse volumétrique me paraissait très lourde.
De plus, la forme de cet engin épousait étroitement la surface de mon jardinet.
Pendant les vingt minutes d'observation, je suis allé au premier étage de ma maison, j'ai pris mon appareil photo chargé et je suis redescendu dans le jardinet.
L'engin n'a pas bougé de sa place.
J'ai essayé de déclencher, mais mon appareil s'est bloqué car je précise qu'il a déjà présenté plusieurs fois des défectuosités.
Comme je l'ai déjà précisé plus haut, l'observation a duré vingt minutes au bout desquelles l'engin s'est brusquement élevé à la verticale constante, trajectoire qui a été maintenue jusqu'à perte de vue.
Le départ de l'engin, et non pas le décollage, car il ne s'est jamais posé, a été très rapide, comme sous l'effet d'une forte aspiration.

Je précise que sur le terrain, aucune marque ne fut déposée, ni dans l'infrastructure externe.
L'herbe n'est ni calcinée, ni écrasée, j'ai simplement remarqué qu'au départ de l'engin, l'herbe s'est dressée droit pour revenir rapidement à sa position normale.

Au moment de cette observation j'étais seul dans mon jardin et dans ma maison.
Je n'ai pas vu de voisin immédiat.
J'ajoute que ma maison est en contrebas de la route et que l'engin n'a pas pu être vu lorsqu'il était dans le jardinet.
Je ne vous ai pas prévenu de suite, car j'en ai d'abord parlé à mon épouse à 17 heures, et c'est là que nous sommes venus à votre bureau.
C'est tout ce que je peux dire.
"


- Télex de la Gendarmerie de V3 (22/10/82 à 08 heures)-

OBJET : OBSERVATION D'OBJET VOLANT NON IDENTIFIE

  1. Le 21/10/82 à 12h33
  2. 102, Rue Noël Bernard à V1, en agglomération.
  3. Monsieur Henri, 30 ans, biologiste a aperçu objet ovoïde de 1,50 m et de 0,80 m d'épaisseur, couleur métal venant Sud-Est se mettre en sustentation dans jardinet près de sa maison.
    Témoin a observé engin pendant 20 minutes.
    Aucun dégagement, fumée, chaleur, froid ou rayonnement.
    Vers 12h56, engin s'est élevé rapidement à la verticale jusqu'à perte de vue.
    Témoin s'en était approché à 0,50 m.
    A tenté prendre photo mais son appareil s'est bloqué.
    Aucune trace dans herbe et environs immédiats.
  4. Pas de témoin connu.
  5. Brigade Gendarmerie V3 avisée le 21/10/82 à 18 heures par témoin. P.V. Numéro 1056 du 21/10/82 BT V3.
    Presse non informée.

III- L'ENQUÊTE -


III.1 - FACTEURS D'INTERVENTIONS -

La justification d'entreprendre une enquête ne se fait à partir de critères permettant de confronter les données collectées entre elles, d'analyser celles-ci dans le but de fournir des éléments de réponse sur l'origine de l'évènement en cause.

Dans le cas présent, bien qu'il n'y ait qu'un seul témoin, la décision d'intervention résulte des caractéristiques particulières suivantes, selon les premières informations

  • Possibilité d'effectuer des analyses en laboratoire en raison de la présence de traces et effets présumés sur les végétaux.
  • Témoignage abondant et précis.
  • Bonnes conditions d'observation ( de près et longtemps ).
  • Absence de "parasitage" de la part des médias et groupements privés.

III.2 - DÉROULEMENT DE L'ENQUETE -

  • Télex Gendarmerie reçu au GEPAN le 23 octobre 1982.
  • Décision d'intervention 27 octobre.
  • Préparation 28 octobre 9 Heures à 12 heures.
  • Départ Toulouse 12 heures, arrivée à V2 à 21 heures.
  • Gendarmerie de V3 - 9h.30 le 29 octobre 1982.
    Récit et commentaire du Brigadier chargé de l'enquête.
    • Communication des documents suivants :
      • P.V. de Gendarmerie
      • Plans de situation.
    • Intervention auprès des aéroports militaires proches de V2.
    • Contact à la Mairie de V1 pour plans cadastraux.
  • Arrivée à V1 chez Monsieur Henri 12h30.
    • Présentation
    • Narration libre
    • Reconstitution
    • Mesures diverses
    • Prélèvements échantillons végétaux
    • Prise de photographies.
  • Départ de chez Monsieur Henri : 15 heures.
  • Retour Gendarmerie 15h30.
    • Recueil des échantillons prélevés, par la Gendarmerie et conservés au réfrigérateur la Brigade.
    • Copie des plans, des P.V. et croquis.
  • Départ 16 heures.

IV - ENVIRONNEMENT -


IV.1 - DESCRIPTION DE L'ENVIRONNEMENT -

Monsieur et Madame Henri habitent la commune de V1, banlieue périphérique de V2.
Leur villa est située dans une rue tranquille, en plein centre de cette ville de 15 000 habitants ( voir figure 1 ainsi que photographies ci-après ).

On peut dire que la situation et l'environnement de la maison de Monsieur et Madame Henri ne diffèrent pas des banlieues résidentielles comme il en existe dans de nombreuses agglomérations.
La seule particularité réside cependant dans l'accès à leur maison.
En effet, il faut, pour accéder à cette maison, emprunter un chemin très étroit de 80 cm de large, sur une trentaine de mètres de long, à partir de l'entrée sur la rue.
Un second portail permet ainsi l'accès dans une cour avec un petit jardin.
Tout autour de la maison de Monsieur et Madame Henri, des propriétés clôturées par de grands murs les entourent complètement.
Leur maison est constituée de deux corps de bâtiment en ailes construit à des époques différentes.

L'extrait du plan cadastral ( figure 1 ) montre la situation, l'enclavement et l'accès au pavillon de Monsieur et Madame Henri.

Figure 1

Le dessin réalisé à partir des relevés de l'enquête, précise la disposition, les dimensions du jardin, de la cour et du pavillon ( figure 2 ).

Figure 2

Enfin, la figure 3 représente le jardin, ses dimensions et la position des principaux arbustes et massifs floraux ( voir IV.2 ).

Figure 3

Les planches photographiques (1,2) permettent de mieux saisir et d'imaginer l'espace et le volume concernés.

Rue Noël Bernard

Entrée et allée d'accès à la maison de M. Henri

Jardin et vue partielle de la terrasse

Jardin aire gazonnée


IV.2 - DESCRIPTION DU JARDIN -

C'est l'espace dans lequel la quasi-totalité des évènements rapportés par Monsieur Henri se sont déroulés.
Nous apporterons en conséquence, le maximum de précisions sur les aspects descriptifs.

- LES DIMENSIONS DU JARDIN -

Nous avons, lors de la description des lieux, indiqué l'étroitesse et la petite taille du pavillon de Monsieur et Madame Henri.
Le jardin est proportionné aux dimensions de l'ensemble.
Compte tenu du fait que la surface totale ( terrasse et jardin ) est d'environ 45,50 m2 le jardin n'en occupe qu'une faible partie :
10,50 m2, soit environ le quart.

- DESCRIPTION ET COMPOSITION DU JARDIN -

Monsieur Henri aime s'occuper de son jardin durant ses heures de loisir ; il y apporte un soin particulier.
Il nous a expliqué qu'il variait la composition florale en fonction des saisons.
Il a organisé ce petit jardin d'agrément autour d'une surface rectangulaire centrale occupée par du gazon.

La partie proche du mur, au fond du jardin ( face Sud-Est ) est composée d'arbustes hauts, de manière à masquer celui-ci.

Des murettes, d'une vingtaine de centimètres de haut, délimitent l'aire gazonnée ; des plates-bandes, de plantes saisonnières ornementent l'ensemble.

Il y a environ 200 arbustes et fleurs d'agrément contenus dans ce petit jardin, selon les dires de Monsieur Henri.

Le témoin nous a, par ailleurs, communiqué la composition des espèces florales, tout en précisant que celle-ci est différente-du jour de l'observation car il a entrepris depuis des travaux de nettoyage et de remplacement de plantes.
Par exemple, le massif d'amarante ainsi que les roses trémières ont été enlevés l'avant-veille de notre arrivée.
Les photos de la planche n°2 montrent l'emplacement occupé par ces fleurs la terre ayant été préparée et retournée pour l'hiver.

Cette liste, incomplète, des plants présents dans les plates-bandes le 29 octobre, s'établit ainsi :

  • du coin Nord vers le coin Ouest :
    • arbuste à feuillage persistant pompon jaune
    • giroflées
    • pensées
    • lupins bleus
    • oeillets aunes
    • lavande
  • du coin ouest au coin sud :
    • lupins
    • iris violets
    • giroflées
    • hortensia
    • iris violets
  • du coin Sud au coin Est :
    • iris
    • un arbuste à feuillage persistant : troène blanc.

Enfin, du coin Est au coin Nord, la terre retournée où étaient implantées les amarantes.

On peut encore ajouter, au moment de l'observation, la présence de pieds de roses trémières disposés aux quatre coins du jardin, ainsi que 2 pieds supplémentaires au milieu du massif d'amarante.

- NOTA -

Les roses trémières peuvent atteindre une hauteur de prés de 2 mètres, dans le cas présent, elles étaient à peu près de la hauteur du témoin, soit 1,70 mètres environ.

  • La hauteur du gazon, le 21 octobre, était de 15 cm ; Monsieur Henri indique qu'il a coupé celui-ci d'environ 5 centimètres depuis.
  • On notera dans le jardin la présence de deux fils à linge :
    • l'un est placé le long de la murette à côté de la terrasse,
    • l'autre prend appui sur le mur d'enceinte, au fond du jardin.
      Ce dernier est à 1,90 mètre du sol.
      Il passe au-dessus du jardin, à une vingtaine de centimètres de la verticale du bord.

V - RECONSTITUTION ET EXAMEN DES ELEMENTS DESCRIPTIFS -


V.1 - INTRODUCTION -

Comme à l'habitude l'enquête a commencé par une narration libre de la part du témoin, suivie d'une reconstitution des phrases les plus marquantes, accompagnée de mesures d'estimations de paramètres physiques et de commentaires de la part du témoin.

Ces actions ont permis de recueillir une grande masse d'informations qui ont été examinées et analysées de deux points de vue différents et, dans une large mesure, complémentaires.

D'une part, ces données ont été considérées d'un point de vue essentiellement technique, en analysant la cohérence et la précision du contenu explicite.
C'est ce que l'on trouvera tout au long du présent chapitre.

D'autre part, ces mêmes données ont été examinées d'un point de vue plus psychologique, en étudiant plutôt les aspects comportementaux, la forme du discours, et son contenu implicite.
C'est ce que l'on trouvera dans le chapitre suivant.

Puisque ces deux travaux s'appuient sur les mêmes données certaines seront utilisées à chaque fois mais d'un point de vue différent.
Ainsi, la même importance ou le même rôle ne sera pas nécessairement donné à chaque information dans les deux travaux.

Il n'y a pas vraiment redondance.

Nous avons donc décidé que chaque chapitre contiendrait les informations auxquelles il se réfère, même si cela doit entraîner une répétition d'un chapitre à l'autre.


V.2 - TRAJECTOIRE ESTMÉE DU PHÉNOMÈNE -

Monsieur Henri décompose l'ensemble des déplacements du phénomène en trois phases distinctes :

  1. - Phase d'approche.
  2. - Phase stationnaire.
  3. - Phase de disparition.
  1. - Phase d'approche -

    Le témoin mentionne dans son récit, qu'il a commencé à percevoir le phénomène lorsque son regard s'est porté vers le ciel ( sans nuages ) :
    il a vu le "mouvement d'un appareil qui grossissait en le regardant".

    La position initiale d'observation mesurée par le témoin lors de la reconstitution, à l'aide d'une boussole, était de 132° en azimut et 60° de site, le point de mesure étant considéré sur la terrasse entre les deux escaliers, à un mètre du bord.

    Lors de cette phase descendante, Monsieur Henri précise la trajectoire :
    "lorsque l'appareil se rapprochait, j'avais le sentiment que ça avait l'air de freiner, que ça allait tomber de l'autre côté du jardin, de l'autre côté du toit de la maison.
    Puis, à ce niveau là, c'est vraiment descendu au-dessus du jardin...
    au-dessus de l'herbe, j'ai vraiment cru que c'était quelque chose qui allait tomber dans la terre...
    "

  2. - Phase stationnaire -

    Le phénomène observé par le témoin durant cette phase est estimé par lui à un mètre environ au-dessus de la surface gazonnée du jardin.

    Selon ses dires, cette phase est totalement statique le phénomène s'insère alors totalement dans son cadre de référence géométrique, à très courte distance de lui, 1 à 2 mètres, et à sa hauteur ( pour plus de précisions, voir V.6 ).

  3. - Phase de disparition -

    Monsieur Henri observe également le départ, puis la disparition du phénomène dans leur intégralité.
    La trajectoire de fuite, d'après ses propos, était complètement rectiligne, à la verticale du point de stationnement.

    "Il n'est pas parti comme il était venu, par le coin gauche du jardin, il est monté, vraiment comme aspiré mais vraiment droit, droit, droit...
    et il y avait une petite brillance parce que le soleil...
    l'appareil est remonté jusqu'à perte de vue d'un petit point brillant.
    "

    La figure 4 représente la reconstitution fictive de la trajectoire d'après les dires et mesures relevés pendant la reconstitution.

Figure 4


V.3 - DURÉE DE L'OBSERVATION -

Le plus souvent l'évaluation de la durée d'observation d'un phénomène est sujette à des réserves car les témoins n'ont pas de référence temporelle objective, parce qu'ils ne consultent pas une montre ou une horloge.
Ils ne fournissent qu'une estimation très subjective, qui ne peut avoir la valeur d'une mesure réelle.

Ainsi pour la phase d'approche, la durée estimée est de l'ordre de quelques secondes :
"je regardais, et, dans les fractions de secondes, il grossissait de plus en plus...".

Monsieur Henri décrit cette approche comme très rapide.
Il ne fit aucun geste, ni de déplacement durant cette phase.

Au début de la phase stationnaire, le témoin éprouve d'abord un effet de surprise qui se traduit par un recul près du mur de la cuisine.
Puis il regarde sa montre :
il est précisément 12h33 min.
Ensuite se déroule tout un ensemble de déplacements du témoin, décrits dans le chapitre suivant, dont la durée contrôlée à sa montre est évaluée à 20 minutes.
"J'ai regardé ma montre, je vous dis, est-ce que c'est, heu..., une habitude, c'est une habitude de regarder sa montre.
On s'en sert dans son travail pour voir aux caisses (1)... Ca a fait une vingtaine de minutes non mais 20 minutes, l'objet est resté là 20 minutes.
" (2).

(1) Caisse... Jargon professionnel signifiant enceinte de laboratoire.

(2) On peut constater toutefois de légers écarts avec les heures indiquées sur le P.V. et le télex (II).

On peut signaler que le fait de noter l'heure à sa montre n'est guère surprenant de la part de ce témoin.
Il dit que cela fait partie de ses habitudes professionnelles.
En effet, biologiste dans un Laboratoire de recherche de V2, il est souvent appelé à entreprendre des expériences avec des contrôles de temps fréquents.
De ce fait, il se sert régulièrement de sa montre comme chronomètre, et cela devient un véritable automatisme, à ce qu'il dit.

Toujours placé près du phénomène, le témoin, au bout de 20 minutes, assiste à sa disparition.
Rien, d'après son récit, ne laissait supposer ce départ.
Celui-ci s'est déroulé spontanément, brutalement. La vitesse de déplacement était extrêmement rapide.

"Cet appareil est reparti, il est reparti à une vitesse, mais alors qui ne correspondait pas à une vitesse... je n'en sais rien, ça ne se chronomètre pas, c'est l'œil qui voit çà, mais je peux vous dire que c'est reparti 10 fois plus vite, c'est peut-être pas 10 fois, beaucoup plus vite que c'est arrivé..."


V.4 - DÉPLACEMENTS DU TÉMOIN -

Attiré par la curiosité et le désir d'observer en détail ce phénomène dans sa phase stationnaire, Monsieur Henri accomplira un grand nombre de déplacements, il s'éloignera, se rapprochera, ira même jusqu'à se pencher pour regarder.

Les divers déplacements de Monsieur Henri comprennent 9 positions d'arrêt correspondant à des moments particuliers d'observation.
La figure 5 reproduit l'ensemble du trajet reconstitué avec les 9 points.

  1. - Position 1

    Position initiale d'où Monsieur Henri observe le phénomène qui se rapproche.

  2. - Position 2

    Monsieur Henri, surpris recule sur la terrasse jusqu'au mur de la cuisine.

  3. - Position 3

    Monsieur Henri se rapproche du phénomène, descend les escaliers de la terrasse, et vient se placer devant la porte de l'atelier.

  4. - Position 4

    Il prend la décision, pour accréditer sa perception de l'évènement, de prendre une photographie ; il se rend alors dans la villa, au 1er étage, précise-t-il, puis, muni de l'appareil, il redescend sur la terrasse.

  5. - Position 5

    Sur la terrasse, il essaie, vainement, de prendre une photographie.

  6. - Position 6

    Le témoin devant cette tentative infructueuse de prise de photographie, décide de s'approcher au plus près de cette forme stationnant au-dessus de son jardin.
    Pour cela, il emprunte l'escalier ( côté gauche de la terrasse ), longe l'allée devant la terrasse, puis, vient se placer devant la porte d'entrée de son atelier.
    De cette position, il observe longuement et minutieusement le phénomène.

  7. - Position 7

    Nouveau déplacement dans l'allée bordant la terrasse pour observer sous un autre angle.

  8. - Position 8

    Retour devant l'entrée de l'atelier.

  9. - Position 9

    Quelques instants après, Monsieur Henri, voulant regarder avec davantage de hauteur ( voir figure 2 ) et de recul, cet objet, s'éloigne en remontant sur la terrasse.
    C'est dans cette position qu'il observe le départ et la disparition du phénomène.

Figure 5


V.5 - FORME -

Le phénomène est tout d'abord apparu au témoin sous une forme ponctuelle et sa première impression était qu'il s'agissait d'un avion.
Ce n'est que lorsqu'il se rapproche du sol à la hauteur des arbres, dans la propriété voisine, qu'il se rend compte que ce n'est pas cela.
A Partir de cet instant, il distingue nettement une forme "circulaire".
Son vocabulaire évolue :
il ne s'agit plus d'un avion, mais d'un "objet, d'un appareil...".
La comparaison avec un objet familier est sans doute significative de son embarras pour décrire cette forme.

Il établit un rapprochement avec "deux couvercles de lessiveuse l'un sur l'autre".

On peut signaler que plus le phénomène se rapproche, plus sa description et l'évaluation de sa forme est précise, mais également que le discours évolue du familier vers l'inconnu.

Monsieur Henri préfère s'appuyer sur le dessin pour préciser la forme du phénomène.

Le dessin ( figure 6 ) exécuté par lui durant la reconstitution le représente en vue latérale à hauteur d'homme.
Grâce à ses observations de dessus et de dessous le témoin indique que ce phénomène était circulaire.
Il souligne, sous la partie inférieure, un méplat, et sur la calotte sphérique, un rebord d'une largeur de 10 centimètres.

Figure 6

Pour comparaison, nous présentons ( figure 7 ) le dessin exécuté par Monsieur Henri à la Gendarmerie lors de sa déposition.
Nous constatons la très bonne similitude de ces deux croquis.

Figure 7


V.6 - DIMENSIONS ESTIMEES -

Les indications fournies par Monsieur Henri ont été présentées sous forme de tableau comprenant les dimensions estimées durant la reconstitution, à la Gendarmerie et dans les discussions avec le GEPAN.

- TABLEAU DES DIMENSIONS ESTIMEES -

Caractéristiques CROQUIS ET DISCOURS GENDARMERIE CROQUIS ENQUETE GEPAN DISCOURS AU GEPAN
Diamètre 1,50 m 1,50 m 1,50 m
Epaisseur 0,80 m 0,80 m     
Rebord calotte sphérique 10 cm 10 cm 10 cm
Méplat 30 cm 25 à 30 cm     
Bande latérale 40 cm 40 cm 40 cm

Ce tableau nous montre une grande homogénéité entre les différentes versions, ainsi que des dimensions estimées tout à fait compatibles avec l'espace que représente le jardin.
Cependant, on peut noter sur les deux croquis faits par le témoin, un écart entre les proportions effectives des dessins et les cotes indiquées.
Ceci est d'autant plus regrettable que l'un des dessins au moins ( celui demandé par le GEPAN ) a été fait sur papier quadrillé.
Il faut noter également que les dimensions chiffrées fournies par Monsieur Henri proviennent selon ses dires, d'une simple estimation "à l'oeil", et non pas d'une quelconque mesure, pas même en visant les proportions à l'aide de la main tendue.

Pour pondérer ces informations contradictoires, nous avons mesuré les proportions respectives des trois parties sur les deux dessins.
Nous avons fait la moyenne des deux valeurs obtenues pour chaque partie, et l'avons ramenée à la taille totale (80 cm) supposée correcte.

- TABLEAU DES PROPORTIONS -

   CALOTTE INFERIEURE BANDE MEDIANE CALOTTE SUPERIEURE TOTAL
Proportion sur le dessin Gendarmerie 0,31 0,40 0,29 1
Proportion sur le dessin GEPAN 0,41 0,37 0,22 1
Moyenne 0,36 0,385 0,255 1
Taille retenue en cm 29 31 20 80

Pour ce qui est du rapport hauteur/diamètre, la valeur chiffrée fournie par le témoin ( 80/150=0,53 ) est justement la moyenne des valeurs mesurées sur ses deux dessins ( 0,50 et 0,56 ).
Nous retiendrons donc 80 cm pour la hauteur et 1,50 mètre pour le diamètre.


V.7 - ESTIMATION PRÉSUMÉE DE L'EMPLACEMENT DU PHENOMENE EN STATIONNEMENT -

Lors de la reconstitution nous avons demandé Monsieur Henri de nous indiquer la position estimée du phénomène observé :

"Il se tenait en plein au-dessus du gazon, pas exactement au milieu, plus vers le troène... ".

Dans les divers déplacements effectués autour du phénomène, il n'a pas remarqué un contact physique direct avec la végétation, en particulier le massif d'amarante.

La position par rapport au sol est fournie par le témoin :

"il était là, à peu près à 1 mètre au-dessus du sol... ".

Compte-tenu des informations relatives aux dimensions estimées du phénomène, ainsi que celles concernant sa position dans l'espace, nous avons schématisé, sur les figures 8 et 9 sa silhouette approximative par rapport au jardin.

Ceci nous permet de déterminer un centre fictif O qui servira de référence pour la collecte des échantillons végétaux ( voir VII - Prélèvements d'échantillons végétaux ).

Figure 8

Figure 9

RECONSTITUTION DU POSITIONNEMENT DU PHENOMENE EN COUPE AA
La silhouette a été dessinée à la taille du témoin, soit 1,70 m.
Figure 9 Echelle : 1 cm = 20 cm


V.8 - EVALUATION DES COULEURS -

La désignation de la teinte du phénomène par le témoin se décompose en deux parties. La partie supérieure, y compris la bande latérale, et la partie inférieure, calotte sphérique avec méplat.

Monsieur Henri a insisté sur le fait que ces teintes particulières ne correspondaient pas dans son esprit à des couleurs habituelles.

- La partie supérieure -

C'est sans aucun doute celle pour laquelle il a le plus de difficulté à définir avec exactitude la couleur.
Sur l'échelle PANTONNE son choix de la tonalité s'est porté dans les verts bleutés 320-327.

Il définit cette couleur comme "un bleu vert lagon" et précise que celle-ci n'était pas homogène, qu'il avait l'impression d'être en présence "d'un volume translucide".

- La partie inférieure -

La teinte désignée par Monsieur Henri se situait dans les gris métallisés.

Sur l'échelle PANTONNE il indiquait gris bleu entre 443 et 444.


V.9 - ASPECT ET CONSISTANCE -

Le témoignage très complet de Monsieur Henri évoque aussi l'aspect, l'apparence, la consistance du phénomène et des matériaux qui auraient pu le composer.

Pour l'aspect de la partie inférieure, il parle en termes techniques, d'une surface estimée "lissielle, surfacée, métallisée, polie...".

A propos de la consistance de la partie inférieure, il précise :

"la masse volumétrique paraissait très lourde, je l'ai même comparée à du Béryllium ..".

Il précise de lui-même cette référence au Béryllium.

"Le Béryllium, on n'en voit pas tous les jours ! C'est en allant à une exposition de techniques de Laboratoire à V2 que j'ai vu ce matériau qui sert dans les fusées, dans l'aérospatial...
Dans cette exposition la pièce polie était gris bleu argent...
".

Reprenant son analogie avec des matériaux communs, il indique :

"ça faisait ni acier, ni ferreux, ni chromé, ni nickelé,..."

Pour la partie supérieure, son enveloppe en forme de calotte sphérique est la partie qui a le plus attiré l'attention du témoin.
Dans son discours, il semble même subjugué par cette "coque".
La description à certains moments est contradictoire :

"ce n'était pas lumineux, ce n'était pas une vapeur, est-ce que c'était du plexiglas ? ...
ça faisait comme rempli...
ça faisait l'impression qu'il allait sortir quelque chose de là-dedans, ça n'était pas une boue, pas un gel, ça n'était pas un liquide...
ça venait peut-être de l'extérieur ou de l'intérieur, ça paraissait venir de l'intérieur...
ça faisait quelque chose de très spécial au niveau de l'oeil...
".

En liaison avec l'idée d'un artefact, il a noté l'absence de détail habituellement révélateur d'un usinage.
En particulier, aucune aspérité ni marque n'était visible sur l'enveloppe :

"Il y avait bien une vis, un clou, une pointe, une trace d'emboutissage, bon on le voit... non, il n'y avait rien d'une finition manuelle ou automatique, quoiqu'on en pense, il n'y avait aucune finition de petit matériel qui permette de fixer quelque chose... ".

Pour les jointures entre la calotte sphérique et la bande latérale, les angles étaient nets, les interfaces entre les diverses parties ne présentaient aucune trace d'un usinage quelconque :

"vous voyez par exemple une boite de conserve ou un objet qui a un point de soudure, des bourrelets, une traînée de soudure...
là, rien du tout, surfacé, lissiel, poli, pas de bavures, un bel objet, joli...
".


V.10 - BRUIT -

C'est un point particulier que souligne Monsieur Henri qui semble provoquer chez lui-même une certaine angoisse :
à aucun moment il n'a entendu, perçu, le moindre son en provenance de ce phénomène, pendant les phases dynamiques et statiques :

"ça n'a pas fait de bruit, je sais bien que ça se déplace dans l'air, les vieilles lois de la physique sur le sifflement...
et puis, je vous assure que pour ma part je n'ai pas de problème auditif, mes oreilles marchent bien...
".


V.11 - PARTICULARITÉS PHYSIQUES ET PHYSIOLOGIQUES ACCOMPAGNANT L'OBSERVATION -

Cette partie du témoignage et de la reconstitution peut revêtir une grande importance, car elle met en jeu les relations entre sujet, évènement et environnement.

- EFFETS DIRECTEMENT RESSENTIS PAR LE TEMOIN -

Monsieur Henri indique dans son récit qu'il s'est approché de très près du phénomène.
Il déclare même qu'il s'est penché en dessous pour mieux observer les détails :

"rien ne se passait, ni chaud, ni froid, pas de rayonnement dont le corps n'est pas toujours capable de capter....
Il n'avait pas d'odeur particulière, les Gendarmes ont voulu savoir ce que je pensais de l'électromagnétisme, d'attirements, je leur ai dit :
Messieurs je veux bien être attiré ou même repoussé, je n'ai rien ressenti de tout cela...
".

- EFFETS CONSTATES SUR L'ENVIRONNEMENT -

Monsieur Henri apporte quelques cléments sur d'éventuels effets physiques concernant plus particulièrement la flore.

Le premier élément a trait au comportement mécanique de brins d'herbe de la pelouse au moment du départ du phénomène.

Alors que, pendant 20 minutes, il n'a perçu aucun mouvement, si léger soit-il, venant du phénomène ou de son environnement le témoin observe que les brins d'herbe situés sous le phénomène se soulèvent à la verticale au moment du départ.
Dès la disparition, il constate que ces brins d'herbe sont revenus dans leur position initiale :

"la seule chose qui s'est passée quand l'objet est parti, c'est l'herbe qui s'est frisée sur la tête, mais vraiment droite, l'herbe qui était humide, de l'herbe d'automne...".

Par ailleurs, Monsieur Henri a mentionné que les roses trémières, fleurs très hautes sur tige, et par conséquent sensibles au moindre souffle d'air, n'avaient à aucun moment bougé.
Comme il avait aussi précisé que le mouvement des brins d'herbe s'était limité à ceux situés directement sous le phénomène, il semble difficile d'interpréter ces déplacements d'herbe comme résultant d'un mouvement d'air.

Le second élément est relatif à la dégradation physique de plants de fleurs du jardin.

Monsieur Henri nous explique comment il a découvert cette anomalie et pourquoi il la met en relation avec le phénomène.

"Le soir même après notre passage à la Gendarmerie, on est revenu au jardin tous les deux ensemble, et on se dit :
il y a les queues de renard
( c'est-à-dire les amarantes figure 3 ), il y en a des quantités dans le jardin, c'est l'automne, et les feuilles sont encore bien vertes, les quenouilles violines.
Et il y en avait, disons une partie au centre, qui était près de l'objet, qui étaient complètement déshydratées, sèches mais sèches, sèches, alors qu'aux alentours elles étaient dans un état impeccable...
".

Monsieur Henri précise qu'il est, ainsi que son épouse, très soigneux pour son jardin, maniaque même.

C'est pourquoi, après que les Gendarmes eurent prélevé les échantillons sur les plants d'amarante, il préféra retirer les fleurs du massif.

"Toutes les plantes que j'ai retirées sont des plantes d'automne qui étaient vertes, qui n'avaient plus leur cycle pour la décoration...".

Monsieur Henri apporte quelques éléments supplémentaires sur le pied d'amarante desséché :

"Aucun des pieds n'était pourri, on aurait pu dire que celui de la plante, non, c'était un pied comme les autres, vivant en terre, il était complètement déshydraté au niveau de l'air, l'aérien était déshydraté, mais au niveau, le pied, les racines, étaient comme les autres...".


VI - ANALYSE DU DISCOURS ET DU COMPORTEMENT DU TEMOIN -


VI.1 - INTRODUCTION -

En complément à l'analyse des données à caractère physique et des éléments descriptifs recueillis lors de cette enquête, nous proposons ici une analyse du discours et du comportement du témoin, d'un point de vue psychologique.
Cette étude est orientée par le souci de déterminer la part plus ou moins importante de la subjectivité du témoin dans le contenu de son témoignage d'observation.

En regard des premières informations obtenues par le GEPAN, avant le début de l'enquête, divers éléments paraissaient déjà de nature à susciter des questions quant à cette part de subjectivité :

  • L'observation très rapprochée, a duré longtemps, avec un unique témoin, dans un site pourtant très urbanisé.
  • Le témoin dit souhaiter une grande discrétion quant à son témoignage, mais a cependant été, de lui-même, en parler à la Gendarmerie, en acceptant la rédaction du P.V.

C'est pourquoi les données supplémentaires obtenues pendant l'enquête, concernant le vécu de l'observation rapportée, ainsi que la position du témoin par rapport à cette expérience d'observation, ont particulièrement retenu notre attention.

Sur ce point, l'enquête s'est déroulée en deux étapes :

l'entretien enregistré sur place avec le témoin, et peu après, l'envoi d'un questionnaire complémentaire, afin d'obtenir d'autres informations sur le cadre de référence de Monsieur Henri et de son épouse, celle-ci étant absente le jour de l'enquête.

Avant de passer à l'analyse du discours, précisons que les principales données liées à cette étude sont présentées plus loin, dans la partie VI.A.


VI.2 - PRÉSENTATION DU TÉMOIN -

  • - Age : 30 ans.
  • - Profession : Chercheur en biologie cellulaire.
  • - Situation de famille : Marié.
  • - Maladie :
    Monsieur Henri ne signale avoir été victime d'aucune maladie grave.
    Il ne prend habituellement aucun médicament ni somnifère.
  • - Croyance religieuse : Catholique pratiquant.
  • - Intérêt pour le "phénomène OVNI", la science-fiction :
    Monsieur Henri dit ne pas être "Polarisé" par cette question, qu'il laisse "aux spécialistes".
    Il fait seulement référence aux informations apportées par les média et dit ne pas posséder d'ouvrages dans ce domaine, ni dans celui de la science-fiction.
    Il se décrit plutôt comme "le petit naturaliste de l'ancien temps" qui aime collectionner les papillons et jardiner.

Cette description de lui-même se complétera par le fait que cette personne est très sensible à l'ordre et à la propreté.
Nous avons pu le constater en nous rendant chez lui : sa maison, son jardin, son atelier, ne laissaient pas l'impression du désordre.
Tout était soigneusement rangé, Monsieur Henri nous indiquant que sa femme partageait ce souci, notamment pour le jardin.


VI.3 - ANALYSE DU DISCOURS -

- Cohérence inter/intra témoignage(s) -

La comparaison entre le texte du P.V., les différentes versions du témoignage fournies à la Gendarmerie et au GEPAN, ne fait pas apparaître de contradiction ou de "vide" important dans les différents récits de l'observation.

En outre, la reconstitution des déplacements supposés du témoin pendant son observation a montré une bonne cohérence d'ensemble (cf. V.4).

Pour ce qui est du témoignage fourni au GEPAN par le témoin, on n'a pas relevé de contradiction manifeste dans le discours.

- Attentes -

D'après les données recueillies, nous savons que le témoin n'est pas particulièrement intéressé par le "phénomène OVNI", ni par les thèmes de science-fiction.
De plus, son épouse ayant la même attitude que lui dans ce domaine, Monsieur Henri ne risque pas d'avoir subi une influence susceptible de conditionner de quelque façon l'observation dont il témoigne.

- Attitude du témoin pendant l'enquête -

Signalons que le témoin a coopéré avec la Gendarmerie.
Concernant l'enquête GEPAN, Monsieur Henri est tout d'abord exact à notre rendez-vous.
Il exprime sa satisfaction sur la réalisation de l'enquête, son étonnement quant à la rapidité d'intervention, et tient à coopérer au maximum avec nous ( un service rendu "entre scientifiques" ).

Le témoin libérera davantage de temps que prévu, par rapport aux horaires contraignants de son activité professionnelle, pour participer sur place à l'enquête.

Il répondra aisément à nos questions, et se montre légèrement culpabilisé de ne pouvoir nous accorder plus de temps, à cause de son travail et des obligations familiales liées au week-end suivant de la Toussaint.

Enfin, Monsieur Henri répondra plus tard avec soin au questionnaire complémentaire.

- Mode d'investissement, par le témoin, de l'observation rapportée -

On entend par mode d'investissement, la façon dont le témoin se positionne par rapport à son expérience du 21 octobre ( à quel registre, fantasmatique ou descriptif, accorde-t-il consciemment ou non la plus grande part ? Quel sens donne-t-il à son expérience, quel type d'exploitation en fait-il ?... ).

- Prédominance du registre descriptif -

La lecture du P.V. de Gendarmerie et l'écoute du discours de Monsieur Henri rendent perceptible une nette mise en valeur du registre descriptif, pour l'ensemble du discours tant sur un plan quantitatif que qualitatif.

En effet, la place accordée à la description très précise de la trajectoire, de la position et surtout de l'aspect du Phénomène Aérospatial Non-identifié si elle constitue l'essentiel du contenu du P.V., à l'exclusion d'informations sur les réactions et l'interprétation possible du témoin est presque autant présente dans le discours de Monsieur Henri au GEPAN.

Le désir d'exactitude conduit le témoin à employer un vocabulaire étendu pour qualifier l'aspect du phénomène, par exemple ( cf. "surfacé, lissiel" ) et l'aide à détailler ses propres déplacements pendant l'observation.

De même, Monsieur Henri peut donner une durée très précise à son expérience du 21 octobre.

Nous tenterons plus bas de donner un sens à l'insistance de ce registre dans le discours.

Par contre, le registre fantasmatique est moins apparent, ce qui se révèle par une certaine difficulté du témoin à prendre seul, à son compte son observation.

Nous évoquons ici le déplacement du "je" au "on, vous" et aux tournures impersonnelles, repérables dans certains fragments du discours.

( cf. "vous vous demandiez vraiment ce que c'était... une foule de choses qui vous apparaissent en tête... le petit truc qui arrive dans votre jardin... on avait l'impression, on voit ceci, on pense plein de choses... ça faisait l'impression... il est à dire qu'après ce furent un mélange d'étonnement..." ).

Ce déplacement peut s'interpréter par la situation de parole du témoin vis-à-vis des enquêteurs ( où il peut désirer se démarquer de l'insécurité liée à un récit trop inhabituel ).

D'autre part, observons que le versant interprétatif et imaginaire n'est pas développé par le témoin du moins si l'on s'en tient au discours recueilli.

- Le registre interprétatif -

Notons que l'activité du témoin avant l'observation ne suppose pas l'attente, chez lui, d'une expérience inhabituelle le concernant ( "activité normale calme du jardinage" ).

A partir du début de son observation Monsieur Henri va progressivement interpréter le phénomène en s'en tenant tout d'abord à des significations les plus réalistes possibles :
un "avion", un bolide quelconque proche d'une météorite ( "quelque chose qui allait vraiment tomber dans la terre" ), puis, en éliminant les objets connus ( ballon-sonde ), il l'interprète ensuite comme un engin militaire, et enfin, comme "une soucoupe volante".

C'est sa perception qui modifie l'interprétation, donc ses sentiments, et non un jugement à priori sur le phénomène, en terme d' "OVNI" :
l'écart entre l'idée qu'il se fait d'un engin militaire et ce qu'il voit lui fait abandonner cette hypothèse ( "pas de cônes sensibles, de tiges... tout le secteur soucoupe volante, oui, il y a une soucoupe volante, ou un truc bizarre dans mon jardin" ).

L'évolution de ses affects de la peur panique à la prépondérance du désir d'observation, pourrait s'expliquer à la fois par "l'impression de neutralité absolue", qu'on peut entendre dans son sens physique et psychologique ( neutre = inoffensif )* et par son activité professionnelle de chercheur ( observer ce qui est nouveau et qui fascine ( cf. "un bel objet" ) ) et ce qui l'y a conduit, du point de vue de sa propre structure psychique ( en schématisant : désir de voir de près pour comprendre ).
* A rapprocher de "mers pacifiques" ( cf. VI-5 ).

Si le mythe "OVNI/extra-terrestre" est présent dans l'interprétation finale qui persiste ( cf. les associations de pensées au moment de l'enquête par questionnaire : "humains d'autres galaxies..." ), il semble seulement dériver des informations apportées par les média, en ne renvoyant qu'à un imaginaire social contemporain, peu investi par Monsieur Henri :
il dit ne pas s'intéresser au phénomène, ne pas avoir d'ouvrages sur la question, et ne développe pas ces thèmes.
De plus, on notera la persistance d'une capacité d'interrogation par rapport au sens qu'il donne ensuite à l'objet de son observation :
"il faut remettre les choses à leur plus simple, plus juste valeur...
J'en sais rien, je me pose des problèmes...
pourquoi ici, pourquoi pas là ?...
"
et la tentative de Monsieur Henri pour élucider ces questions ( cf. quelques analyses de plants d'amarante à son propre laboratoire -- cf. VII )

Enfin, la place réduite de l'expression des fantasmes au moment de l'observation ( "l'impression..." "de quelque chose qui allait sortir de là-dedans... quelque chose qui n'était pas vivant mais..." ) puis quasiment nulle par la suite, * tend à prouver que le discours de Monsieur Henri est davantage soumis au principe de réalité qu'à la recherche d'un bénéfice imaginaire de son expérience.

- Mode d'exploitation de l'expérience d'observation -

L'écoute des données fait apparaître, dans le désir de discrétion plusieurs fois répété par le témoin ( "j'ai pas besoin de publicité... je ne pense pas en parler à d'autres personnes... ), une capacité à contenir les effets d'une expérience d'étrangeté, que celle-ci ait eu ou non un support dépendant d'une réalité "objective".

A l'inverse d'un discours de type mythomaniaque ou psychotique, on ne constate pas la nécessité absolue de parler d'un vécu extraordinaire porteur d'une valorisation sociale ( cf. les paroles du témoin "c'est arrivé comme ça, c'est reparti autrement... Je n'aimante pas ce phénomène..." ), ou susceptible d'être un prétexte pour développer des sentiments de persécution.

Rappelons que l'expérience rapportée par Monsieur Henri n'a pas produit, selon lui, de transformations profondes dans sa conception de la vie ni dans son mode de vie. Le fait qu'il ne désire pas que sa relation à l'autre ( parents, collègues et amis ) en soit modifiée** conduit le témoin à n'en parler qu'à son épouse et aux "spécialistes" ( Gendarmes et enquêteurs du GEPAN ), ce qui révélerait la présence d'une capacité critique quant aux effets négatifs possibles de son propre discours.

Or, nous savons que ceci est loin d'être la caractéristique essentielle du discours pathologique.

* Rappelons, toutefois, ce que les Gendarmes nous ont signalé à la fin de l'enquête juste avant notre départ de la Brigade : après avoir déposé, Monsieur Henri leur avait confié que, vers la fin de son observation, "il avait dit bonjour en plusieurs langues" à l'adresse du phénomène.

** L'explication du témoin "pour ne pas les ( famille et amis ) inquiéter, ni modifier quoi que ce soit chez les autres" semble sous-entendre une projection chez l'autre d'une préoccupation propre au témoin.

- Place de la preuve dans le discours -

De lui-même le témoin parle très peu des éléments pouvant donner davantage de crédit à son témoignage, comme s'il estimait que sa parole suffisait ( "je n'ai pas besoin de donner une preuve..." ), et, fait intéressant, parle très peu, de lui-même, de la présence de la trace sur les plants d'amarante.

Remarquons également qu'il était suffisamment sûr de son expérience d'observation pour accepter d'en parler à la Gendarmerie, sur le conseil de son épouse, alors qu'il ne sait pas encore qu'il y a des traces dans son jardin, puisque, selon lui, il ne les découvre que le soir, à son retour de la Gendarmerie.

D'autre part, si une dénégation s'exprime à propos du problème posé par l'absence de photo à produire ( "j'ai raté ( la photo ), le problème est pas là" ), et si Monsieur Henri regrette, après-coup, d'être le seul témoin ( "ce qui m'embête, c'est que je suis seul à l'avoir vu" )*, il semble que le désir d'accréditer son récit passe par l'insistance dans la précision du témoignage ( cf. la description du phénomène et des déplacements de Monsieur Henri et les croquis qu'il réalise ).
C'est dans cette optique que pourrait prendre sens l'insistance avec laquelle le témoin parle de la durée de l'observation.
Ainsi, le fait de dire qu'il a pensé à regarder sa montre au début et à la fin de son observation ( peut-être en effet un réflexe de chercheur ), pourrait signifier l'assimilation inconsciente de son témoignage au compte-rendu d'une observation expérimentale où la part de subjectivité est, sinon écartée, du moins contrôlée.

* Ceci peut s'expliquer par la panique ressentie au début de l'observation par le fait que Monsieur Henri Pesse que ses voisins sont absents à cette heure là et par la prédominance du désir d'observation.

Enfin, soulignons que la certitude éprouvée par le témoin quant à la réalité de son expérience d'observation ( "c'est un fait réel, je l'ai vu" ) ne va pas jusqu'à une attitude de refus devant les doutes exprimés, au début, par les Gendarmes.


VI.4 - SOURCES D'INFORMATIONS -

  • Entretien enregistré avec le témoin.

  • Réponses au questionnaire complémentaire.

  • Procès-Verbal de la Gendarmerie ( voir en II ) et entretien à la Brigade.


VI.5 - EXTRAITS DES DISCOURS RECUEILLIS -

- LE DISCOURS DU TÉMOIN -

- AVANT L'OBSERVATION -

"Activité normale, calme, du jardinage et préparation de l'extérieur de la maison avant l'hiver, ceci avant l'apparition de l"'engin"."

"J'étais en train de préparer des vasques pour les nettoyer... après avoir regardé par terre, j'ai regardé le ciel".

- PENDANT L'OBSERVATION -

"(j'ai vu) ... comme un avion... et puis, de plus en plus cet appareil venait vers le jardin... j'avais l'impression que ça allait tomber de, de l'autre côté du toit de la maison..., c'est descendu au-dessus de l'herbe... j'étais complètement, heu, je peux pas vous dire, c'est une panique..., une trouille, j'ai eu un truc... je me suis reculé... et j'ai cru que c'était quelque chose qui allait vraiment tomber dans la terre... ça tremble, je vous assure, c'est de la peur, vous vous demandiez vraiment ce que c'était... Il y a une foule de choses qui vous apparaissent en tête... un truc de guerre, une bombe... c'est pas un ballon-sonde. Quand l'appareil était déjà là, j'avais regardé ma montre... l'appareil est resté, il n'a pas bougé du tout... j'ai regardé l'appareil... je suis revenu jusqu'au milieu du jardin... Pas de cônes sensibles, de tiges d'antennes, ça représentait pas l'imagerie qu'un petit coin du cerveau Possède... Tout le secteur soucoupe volante, il y a une soucoupe volante ou un truc bizarre dans mon jardin... j'ai raté (la photo), le problème est pas là... je suis arrivé à 40 ou 50 cm de l'objet ... tout à fait stable, il ne se passait rien, c'est l'objet inerte, de neutralité absolue qui était dans l'air... ni chaud ni froid... je me suis même accroupi... je l'ai pas touché mais c'est tout ça, ça fait partie d'une crainte humaine toute simple... il y avait l'humain, ça, la solitude... J'avais la langue au fond de la bouche parce que ça, on est, c'est l'imprévu... c'est pas le fait divers de tous les jours, c'est pas le petit truc qui arrive dans votre jardin comme un ballon de football ; et puis moi j'ai observé toujours ça... (la partie supérieure) ça faisait l'impression qu'il y avait une espèce de masse jolie, bleue verdâtre, couleur des mers pacifiques ... on avait l'impression qu'il y avait quelque chose qui allait sortir de là-dedans, c'est tout, et j'ai l'impression que c'était quelque chose qui était pas vivant mais... c'est pour moi avoir été dedans. Je sais très bien ce que j'ai vu, ce que j'ai ressenti... un bel objet, quelque chose de joli...".

- APRES L'OBSERVATION -

"J'y ai passé l'après-midi, bon, l'après-midi ça a tourné. Ca tourne tout seul dans son petit coin, on voit ceci, on pense plein de choses... il est à dire qu'après ce fût un mélange d'étonnement, de stupéfaction et d'interrogation surtout. Un léger stress et surtout mon cœur battait fort du fait de tous ces évènements. Hormis ceci, je n'ai rien ressenti d'autre... pendant 3 jours des tracasseries par rapport au sommeil... Ni l'auditif ni le derme ni les sphincters, non, du point de vue biologique rien n'a bougé".

- INTERPRETATION A POSTERIORI -

- 2 Remarques :

  • Cette expérience ne rappelle à Monsieur Henri aucun évènement particulier selon lui.

  • Dans le P.V. de Gendarmerie, l'interprétation du phénomène par le témoin se réduit - via l'intervention éventuelle du vocabulaire des Gendarmes - à l'emploi du mot "engin".

"Il faut remettre les choses à leur plus, plus simple, à leur plus juste valeur. C'est arrivé comme ça, c'est reparti autrement... je me rends devant une réalité qui est naturelle, heu, semi-naturelle ou pas, pas naturelle du tout ; moi, je suis un humain, un quidam de tous les jours là-dedans, heu, j'en sais rien... je me pose des problèmes.. Pourquoi ici qui est le plus petit (jardin)? pourquoi ici , pourquoi pas là ?... pourquoi pas la campagne ?... Pourquoi dans l'air ?...est-ce qu'il y en a plusieurs en France, j'en sais rien, est-ce que on, on vous en a parlé ?... Je n'aimante pas ce phénomène ni ces problèmes... on peut tout imaginer, je vous assure que j'en sais rien... si vous voulez, pour moi ni pour les autres, j'ai pas besoin de donner une preuve pour... en tant que, entité humaine, je, ça, c'est une certitude à vie. Bon, les autres, je sais pas ce qu'ils pensent, mais moi, je, je, c'est un fait réel, je l'ai vu ...

...ce qui m'embête (répété plusieurs fois), c'est que je suis seul à l'avoir vu... seul à porter une espèce de tribut... je pense avoir approché au maximum la réalité quant aux dimensions et aux formes" (à propos du croquis)

- Par rapport aux plants d'amarante arrachés :

"Ne croyez pas que c'était pour détruire... ne croyez pas que... bien après ils nous ont dit-il faut rien toucher, bien après les prélèvements dans le jardin".

- A propos de la durée de l'observation :

"J'ai regardé ma montre... est-ce que c'est une habitude de regarder sa montre, on s'en sert dans son travail pour voir aux caisses... ça a fait... 20 minutes, 20, c'est pas une vingtaine de minutes, c'est 20 minutes" ( répété souvent pendant l'entretien ). "Je suis affirmatif ayant regardé l'heure"(cf. P.V.).

- Association de pensées à propos du phénomène :

"Soucoupes volantes (OVNI) humains d'autres galaxies, d'autres civilisations".

- Désir de discrétion :

"J'ai pas besoin de publicité... je ne pense pas en parler à d'autres personnes, c'est-à-dire famille et amis ; pour ne pas les inquiéter, ni modifier quoi que ce soit chez les autres".

- Incidences sur le vécu actuel :

"Ma façon de vivre ou ma conception de la vie ne furent nullement altérées et ceci jusqu'à ce jour".

- DISCOURS DE L'ÉPOUSE DU TÉMOIN -

Absente pendant l'enquête Madame Henri a accepté de répondre au questionnaire complémentaire à propos de ses réactions au récit de l'observation, de sa propre interprétation du phénomène évoqué par son mari et de son degré d'intérêt pour le phénomène OVNI en général.

( Avant de la citer, relevons une phrase de Monsieur Henri au sujet d'un commentaire de son épouse "Ma femme qui me dit en rigolant... : les puissances étrangères se sont posées dans le jardin" ).

- REACTIONS -

"Très grand étonnement, forte inquiétude pour mon époux, légère insécurité pour notre demeure".

- INTERPRETATION -

"Étrange, pourquoi chez nous et non ailleurs. Quel intérêt de venir dans le jardin ?".

- INTÉRÊT POUR LE PHENOMENE OVNI -

"Aucun intérêt pour les OVNI. Tout du moins très faible... C'est surtout la radio ou la télé qui nous apporte des réponses par-le biais des spécialistes".

- NOTE SUR LE DISCOURS DES GENDARMES -

Nous n'avons pas relevé dans le discours des Gendarmes de termes particulièrement significatifs d'une interprétation du phénomène fortement influencée par le mythe "OVNI/extraterrestre".

S'est surtout exprimé un grand étonnement par rapport au contenu du témoignage rapporté qui a d'abord été mis en doute, puis, finalement ris au sérieux à cause d'une part, de la similarité des versions du témoignage fournies par Monsieur Henri et d'autre part, de la présence des traces sur les plants d'amarante.

Signalons que les Gendarmes disent avoir remarqué l'émotion du témoin lors de sa déposition.


VII - PRÉLÈVEMENTS D'ÉCHANTILLONS VÉGÉTAUX -

Deux séries de prélèvements d'échantillons ont eu lieu sur la zone qui, selon le témoin, fut surplombée par le phénomène.

  • - 1ère série - Les 22 et 27 octobre 1982 par la Gendarmerie.

  • - 2ème série - Le 29 octobre 1982 par le GEPAN.


VII.1 - COLLECTE DE LA PREMIÈRE SÉRIE D'ÉCHANTILLONS -

Dès le lendemain de l'observation du phénomène et de la constatation par Monsieur Henri d'une anomalie sur des fleurs dans son jardin, la Gendarmerie de V3 a procédé à un recueil d'échantillons.

Les indications fournies par le témoin, ainsi que la nette apparence visuelle d'une différence d'aspect de quelques plants d'amarante ont facilité cette collecte.
En effet, le haut de quelques tiges de ces fleurs était totalement desséché.
Les feuilles présentaient un aspect de déshydratation prononcé, certaines étant complètement enroulées, recroquevillées sur elles-mêmes.
Les queues de renard, nom commun donné habituellement aux amarantes en raison de leur couleur rousse, bordeaux, étaient devenues brunes, terre de Sienne.
De plus, la grappe de fleurs flétries était pliée sur la tige centrale ( voir planche 3 ).

Le 22 octobre 1982 dans la matinée, la Gendarmerie a prélevé la totalité du haut des tiges ( tige, feuilles, fleurs ) concernées.
Les échantillons ont été immédiatement conditionnés, c'est-à-dire placés dans des sachets plastiques étanches, fermés et scellés.
Nous avons attribué à ces échantillons la référence n°24.

D'autres plants dégradés ont parallèlement été prélevés et disposés en vrac dans des sachets plastiques mais ouverts.

Nous avons conditionné ces échantillons le 29 octobre 1982 et leur avons attribué les numéros 21 et 22.

En dehors de cette zone où les échantillons furent prélevés, la Gendarmerie a procédé dans le massif de fleurs à d'autres prélèvements, en choisissant des plants apparemment non dégradés :

PLANCHE N° 3 : PHOTOS PRISES PAR LA GENDARMERIE LE 22 OCTOBRE 1982

VUE DU JARDINET SENS NORD-EST --> SUD-OUEST

FLEURS LE LONG DU MUR COTE NORD-EST - FLEURS DESSÉCHÉES

FLEUR AU FOND DU JARDINET COTE EST - FLEURS DESSÉCHÉES

- Échantillons numéros 23 et 25 prélevés le 27 octobre et mis en sachet sous scellés (voir figure 10).

- NOTA - Au cours de l'entretien Monsieur Henri nous a indiqué qu'il avait réalisé, à partir d'échantillons d'amarante prélevés par ses soins, une analyse succincte.
Pour cela il a utilisé une loupe binoculaire du Laboratoire de biologie cellulaire où il travaille habituellement.
Il s'est limité au constat suivant "les fleurs et feuilles étaient complètement desséchées, déshydratées..."Sachant que les Gendarmes prélevaient des échantillons pour une analyse auprès de laboratoires spécialisés et ne voulant pas en parler dans son entourage professionnel, il n'a pas entrepris de pousser davantage son action.


VII.2 - COLLECTE DE LA DEUXIÈME SÉRIE DE PRÉLÈVEMENTS -

Le volet de l'enquête menée par le GEPAN relatif aux effets et traces physiques éventuelles, comprenait une partie de collecte d'échantillons de végétaux.
Ces échantillons ont fait l'objet de deux types de prélèvements :

  1. - Prélèvements en rapport avec les effets mécaniques constatés sur la surface du jardin engazonnée

  2. - Prélèvements sur les massifs floraux.

  1. - Prélèvements en rapport avec les comportements mécaniques constatés sur la surface engazonnée du jardin.

    Ces prélèvements ont été réalisés le 29 octobre 1982 à 14 heures, selon la méthode suivante à partir d'un centre O selon 4 axes orthogonaux en progression géométrique de 20 cm à 160 cm, soit 15 prélèvements (voir figure 10).

    - Les échantillons d'herbe sont conditionnés dans des sachets plastiques étanches numérotés.

    DISTANCE N° DE PRÉLÈVEMENT
    20 cm 2 - 6 - 10 - 13 -
    40 cm 3 - 7 - 11 - 14 -
    80 cm 4 - 8 - 12 - 15 -
    160 cm 5 - 9 -

    TABLEAU DES DISTANCES AU CENTRE (Prélèvements n°2 à 15)

  2. - Collecte des autres types de végétaux.

    La collecte et le conditionnement sont réalisés dans les mêmes conditions :

    • - choix du type de prélèvement (branches, feuilles, herbe etc...)

    • - Prélèvement par sectionnement (ciseau, scalpel)

    • - Conditionnement par ensachage (sac plastique étanche, fermé, scellé).

    POSITION DES PRÉLÈVEMENTS (voir figure 11)

    • - N° 16 -- Branche de troène argenté, arbuste le plus grand du jardin.

    • - N° 17 -- Branche et feuilles de pompon jaune, arbuste.

    • - N° 18 -- Branche feuilles et fleurs d'amarante. Pied arraché par le témoin quelques jours avant notre arrivée.

    • - N° 19 et 20 -- Branche d'amarante. Prélevée dans le petit chemin qui longe le jardin. ( Ces plants sont beaucoup plus petits que ceux qui se trouvaient dans le jardin ).

Figure 10

Figure 11


VII.3 - TRANSPORT ET CONDITIONNEMENT -

La première série de prélèvements des 22 et 27 octobre, a été conditionnée en sachets plastiques et conservée par la Gendarmerie dans un réfrigérateur (bac à légumes) à une température de + 4 à + 5°.

La seconde série prélevée le 29 octobre 1982, conditionnée dans des sacs plastiques étanches, a été placée directement dans des bonbonnes à azote liquide pour faciliter son maintien en basse température pendant le transport à Toulouse.

Le 30 octobre au matin l'ensemble des échantillons de végétaux a été placé dans un congélateur et maintenu en permanence à une température de -30°.

- LISTE DES TYPES DE VÉGÉTAUX CONSERVES EN BASSE TEMPERATURE -

TYPE TYPE
1 HERBE 16 TROÈNE ARGENTE
2 HERBE 17 POMPON JAUNE
3 HERBE 18 AMARANTE
4 HERBE 19 AMARANTE
5 HERBE 20 AMARANTE
6 HERBE 21 AMARANTE
7 HERBE 22 AMARANTE
8 HERBE 23 AMARANTE
9 HERBE 24 AMARANTE
10 HERBE 25 AMARANTE
11 HERBE    
12 HERBE    
13 HERBE    
14 HERBE    
15 HERBE    

 


VIII - DONNEES COMPLEMENTAIRES -


VIII.1 - RENSEIGNEMENTS MÉTÉOROLOGIQUES -

Les données à caractère météorologique prennent souvent une grande importance dans les cas où sont présentes des traces physiques visibles sur l'environnement.
Pour cette enquête, il était nécessaire de connaître les informations météorologiques pour deux raisons :

  1. - Par rapport à l'observation dans le ciel du phénomène ( visibilité, température, nuages, brume ).

  2. - Pour l'évaluation de l'influence des conditions météorologiques sur les traces physiques ( pluie, gel, etc...).

Les données à caractère météorologique sont fournies sous forme de tableaux.

Nous avons choisi de donner les informations à partir du jour de l'observation jusqu'au surlendemain de l'enquête, le jour de l'observation étant signalé par un * .

- ANALYSE DES DONNÉES METEOROLOGIQUES -

Monsieur Henri nous a signalé lors de notre entretien que le 21 Octobre "il faisait une belle journée d'automne, le ciel était dégagé, légèrement brumeux le matin, avec le soleil qui brillait".

Si nous nous reportons aux tableaux météorologiques de la station de V2 nous nous rendons compte qu'effectivement la journée du 21 octobre correspondait tout à fait à cette déclaration, notamment la couverture moyenne qui passe rapidement de :

  • - 8/8 à 9 H. TU, à

  • - 2/8 à 12H. TU, et

  • - 0/8 à 15H. TU,

évolution qui correspond à la disparition des brumes et brouillards matinaux.

Indications complémentaires pour l'interprétation des tableaux qui précèdent

État du sol

1) humide

2) mouillé ( eau stagnante en mare, petites ou grandes )

Vent

Direction en rose de 36 ( correspondance des directions d'ou souffle le vent et des chiffres du code 00 - 36) ( dizaines de degrés )

Vitesses

Elles sont en mètres seconde, pour avoir ces vitesses en km/h, multiplier par 3,6.

Principaux symboles utilisés

Brume : visibilité comprise entre 1 et 5 km

Brouillard : visibilité inférieure à 1 km

Pluie

Bruine

Rosée


VIII.2 - CARTE DU CIEL -

Nous avons procédé à l'établissement d'une carte du ciel ( figure 12 ) le 21 octobre 1982 à 12H30 locale.
Monsieur Henri nous a précisé dans son témoignage qu'il avait aperçu le phénomène dans un azimut qu'il a désigné à 132°.
De plus, il aperçoit le soleil sur sa droite et le phénomène dans sa phase d'approche réfléchissait le soleil.
Cette indication est tout à fait cohérente avec les données de la carte du ciel ( soleil dans l'azimut 183° environ, site 30° environ ).


VIII.3 - CIRCULATION AÉRIENNE -

Une demande de renseignements sur la circulation aérienne a été faite aux autorités civiles et militaires.

L'aéroport de V2 est un aéroport civil et militaire. Le trafic civil y est faible : 1 vol quotidien aller-retour vers PARIS, plus quelques vols d'affaires.

Le CODA ( Centre d'Opérations de la Défense Aérienne ) nous a communiqué les tracés d'enregistrements vidéo radar pour le secteur de V2, le 21 octobre 1982 entre 12H33 et 12H55.

Ces enregistrements n'indiquent aucune anomalie notable sur le secteur.
Un tracé indique l'acquisition entre 12H40 et 12H55 locale de quelques (5) plots intermittents non confirmés, c'est-à-dire trop irréguliers pour indiquer un déplacement réel.
C'est un phénomène très banal et fréquent en détection radar.


VIII.4 - EFFET COURONNE SUR DES TIGES D'HERBE -

A l'occasion de discussions avec des chercheurs de divers laboratoires une information intéressante a pu être recueillie à propos du comportement de tiges végétales soumises à un champ électrique vertical intense :
lorsque l'intensité est suffisamment forte, l'effet de pointe ( resserrement des lignes de champ autour d'une brusque dénivellation ) provoque une libération des ions qui se traduit par l'établissement d'un courant électrique et les tiges s'orientent spontanément dans le sens du champ :
elles se redressent. Au vu du compte-rendu de la présente enquête, Monsieur Chauzy, du Laboratoire de Physique de l'Atmosphère de l'Université Paul Sabatier, nous a fourni le rapport suivant :

"Au cours de la description des effets constatés sur l'environnement du phénomène observé, le témoin remarque que les brins d'herbe situés sous le phénomène se soulèvent à la verticale au moment du départ.
Dès la disparition, il constate que ces brins d'herbe sont revenus dans leur position initiale".

1 - Hypothèse -

"Parmi les phénomènes physiques susceptibles de provoquer l'effet observé l'apparition, au moment du départ d'un champ électrique intense semble pouvoir être retenue.
En effet, il a été observé, au laboratoire, un comportement tout à fait semblable d'une touffe de gazon soumise à l'influence d'un champ électrique élevé."

2 - Estimation de l'intensité du champ électrique nécessaire l'obtention du phénomène observé -

"L'étude effectuée en laboratoire sur l'influence d'un champ électrique intense sur une touffe de gazon a permis de constater que les brins d'herbe ne subissent un effet mécanique que s'ils sont le siège d'une émission de courant électrique par effet de pointe ( ou effet couronne ).
Cette émission de courant n'a lieu que lorsque le champ électrique environnant dépasse une valeur de seuil principalement déterminée par la longueur des brins.

"Une étude expérimentale de la relation existant entre ce champ de seuil et la hauteur des pointes provoquant l'effet couronne a été menée.
Les résultats obtenus permettent d'affirmer qu'un champ électrique d'une intensité minimale de 30 KV/m est nécessaire pour provoquer une émission de courant par effet de pointe sur des herbes d'une hauteur moyenne de 15 cm ( valeur citée dans le témoignage ).
Il faut insister sur le fait que cette valeur de 30 KV/m constitue bien un minimum probable.
L'effet observé de soulèvement des brins d'herbe peut nécessiter un champ électrique bien plus élevé que cette valeur."

3 - Remarques découlant de l'hypothèse -

"Si l'hypothèse de l'apparition d'un intense champ électrique est retenue, plusieurs remarques doivent être formulées concernant l'ensemble de l'événement."

3.1 - Le champ électrique éventuellement responsable du soulèvement des herbes n'a pu exister qu'au moment du départ du phénomène.
En effet, d'une part le soulèvement ne s'est produit qu'à ce moment là, d'autre part le témoin s'est approché jusqu'à 0,50 m du phénomène sans ressentir la moindre influence, alors que le champ moyen auquel il aurait été soumis aurait, dans ces conditions, dépassé 60 KV/m.

3.2 - L'apparition éventuelle de ce champ électrique au moment du départ doit avoir eu une influence importante sur le massif d'amarante.
En effet, d'après le plan figurant dans le témoignage, le phénomène est situé à environ 16 cm du massif d'amarante.
Donc, si le potentiel de l'engin a dépassé la valeur de 30 KV au moment du départ ( valeur nécessaire à l'apparition d'un champ électrique de 30 KV/m au niveau du gazon ), le champ électrique au niveau du massif d'amarante a atteint ou dépassé une valeur de 200 KV/m.

Cette intensité aurait pu provoquer un important effet de pointe avec émission, par la végétation, d'un courant électrique intense.
Il n'est évidemment pas possible d'affirmer que cette émission ait été responsable du dessèchement des amarantes du massif, mais l'indice est à considérer."


IX - ANALYSES BIOCHIMIQUES -

Ces analyses ont été confiées au Centre de Physiologie Végétale de l'UNIVERSITÉ PAUL SABATIER ( Toulouse Rangueil ).

Le test qui suit à été rédigé par deux chercheurs de cet organisme, Messieurs ABRAVANEL et JUST.

A la suite de l'observation d'un phénomène aérospatial non identifié dans les conditions décrites dans les chapitres qui précèdent nous avons été amenés à analyser certains composés des prélèvements effectués sur les lieux de l'observation.
N'ayant pas eu la maîtrise d'œuvre des prélèvements et, pour saisir au mieux des phénomènes transitoires ayant pu influencer le métabolisme de la plante, nous nous sommes limités à l'analyse de deux prélèvements effectués par la Gendarmerie Nationale le 22/10/82 ( soit 24 h après l'observation ) dans un massif d'amarante dont une partie présentait des signes objectifs de dessèchement.

Nous tenons à préciser dès maintenant que si les résultats que nous donnons sont fiables, l'interprétation éventuelle ne peut qu'être sujette à caution étant donné le délai écoulé entre le prélèvement et la mise en oeuvre du dosage.

A la lumière de ces résultats nous serons ultérieurement amenés à proposer un mode d'échantillonnage qui permettra de mieux cerner le problème.


IX.1 - NATURE DES PRÉLÈVEMENTS -

les échantillons analysés proviennent de la première série d'échantillons recueillis par la Gendarmerie le 22/10/82 disposés en vrac dans des sachets plastiques et conditionnés par le GEPAN sous le n°22 le 29/10l82 pour la plante flétrie et sous le n°23 le 27/10/82 pour la plante témoin.
Ces échantillons se présentent sous la forme d'extrémités de tiges portant la hampe florale, les racines étant exclues.

Alors que le n°23 avait conservé sont aspect normal ( feuilles et tiges vertes, fleurs Colorées ), le n°22 exposé au phénomène était desséché.
Signalons l'abondance de graines apparemment mâtures dans la plante flétrie.
Un essai de germination de ces graines n'a à ce jour, donné aucun résultat tant chez le témoin que chez la "flétrie".


IX.2 - RESULTATS DES ANALYSES -

la comparaison des teneurs en eau des deux échantillons a donné une valeur de 80% pour le témoin contre 40% pour la plante flétrie ; aussi, avons-nous rapporté les résultats au poids de matière sèche afin d'avoir des valeurs comparables.

2.1 - Acides organiques

La méthode d'isolement et de dosage des acides n'a pas permis de mettre en évidence des différences notables entre les deux échantillons.

ll y a peu d'acides organiques mais ceci peut être dû à la conservation défectueuse des prélèvements.

Par contre, ces deux échantillons contiennent des quantités importantes d'acides minéraux, surtout dans les feuilles de la plante flétrie ( cf. fig.13 ).

Fig.13 - Analyse qualitative des acides des organiques par chromatographie.

Par ordre décroissant de leur abondance, on trouve les acides sulfurique, phosphorique, nitrique et chlorhydrique.
Les variations entre les deux prélèvements pourraient s'expliquer par une fumure azotée du sol, voire par un drain d'eaux usées passant à proximité de la plate-bande.

2.2 - Oses

Une fois de plus, l'état de conservation des échantillons nous a empêché de réaliser une analyse quantitative et nous nous sommes limités à une analyse qualitative par chromatographie.

Comme il est normal à la saison du prélèvement, les feuilles se sont vidées de bon nombre de métabolites au profit des fleurs où s'accumulent normalement les réserves pour la constitution des graines.

Fig.14 - Répartition des oses dans les fleurs des plantes témoins et flétries.

Il apparaît ( Cf. fig.14 ) une augmentation de la teneur en oses de la fleur flétrie, avec surtout une accumulation de saccharose et de polyoses ( stachyose, raffinose ) alors que dans le témoin, c'est le maltose qui domine. Ces différences peuvent être reliées à la richesse en graines de la fleur flétrie du fait de l'abondance des formes de transport et de réserves des oses.

2.3 - Acides aminés libres

Partant de l'hypothèse de la parfaite identité des pieds d'amarante avant l'apparition du phénomène, nous avons déterminé les acides aminés par rapport au poids de matière sèche pour diminuer l'influence éventuelle d'une perte en eau irrégulière au cours de la conservation.

Par ailleurs, nous avons accordé une plus grande attention aux résultats observés à ce niveau, car la teneur en acides aminés est souvent une constante d'une espèce déterminée et dépend surtout de la richesse en azote du sol.
Un phénomène extérieur normal, à variation lente, infléchit progressivement le métabolisme des acides aminés alors qu'un phénomène transitoire, ou bien n'aura aucune influence parce que trop rapide ou bien aura un effet intense parce que détruisant des mécanismes cellulaires fondamentaux.

  1. - Acides aminés libres des feuilles

    Les feuilles de la plante flétrie n'ont subi aucune variation de la quantité totale d'acides aminés.
    Toutefois, il faut noter d'importantes variations individuelles, en particulier au niveau de l'acide aspartique (Asp) [plus 900% chez le témoin], l'acide glutamique (Glu) [moins 30% chez le témoin], de la glutimine (Gln) [moins 50%], de l'asparigine (Asn) [absente chez la "flétrie"], de l'acide gamma-aminobutyrique (gamma-NH2) [30 fois plus chez le témoin] et de la proline (Pro) [8 fois moins chez le témoin] (cf. figure 15).

    En fait, en première approximation, comme le total Asp+Asn+Glu+Gln est sensiblement le même dans les deux cas ( 1095 pour le témoin contre 950 pour le "flétri" ), on peut admettre que ces variations ne sont pas significatives et traduisent simplement une différence dans les formes de réserve et de transport de l'azote au moment du prélèvement.

    L'élévation de la teneur en proline (Pro) libre peut être due à une lyse des parois cellulaires comme le confirmerait alors l'élévation de la teneur en glycine (Gly).
    Par contre, la chute de l'acide gamma-aminobutyrique semble plus intéressante car elle pourrait provenir soit d'une décarboxylation de l'acide glutamique (Glu) et ce métabolisme serait absent chez les feuilles flétries, soit d'un développement bactérien dû à de mauvaises conditions de conservation mais alors on comprendrait difficilement que les témoins aient été, seuls, mal conservés.

  2. - Acides aminés libres des fleurs (graines exclues)

    Nous avons trouvé trois fois plus d'acides aminés dans les fleurs témoins, que dans les fleurs "flétries" ; en outre le pourcentage relatif de chaque acide aminé n'est pas conservé.
    La différence est donc bien réelle mais s'explique éventuellement par un drainage des acides aminés vers les graines matures dans les plantes "flétries" alors que les graines des fleurs témoins sont en cours de maturation.

Figure 15 - nombre de nano-moles d'Acides Aminés/100 mg de poids sec.

Figure 16

2.4 - Acides minés protéiques

C'est le niveau où l'effet d'un phénomène extérieur doit être le moins visible puisque pour influer sur la synthèse protéique il faut une modification au niveau du codage de l'ADN.

Comme le montre la figure 16, la seule différence notable concerne le taux légèrement plus élevé d'hydroxyproline (HYP) dans les feuilles et de proline dans les fleurs des plantes "flétries" ; ceci révélant probablement une réponse à un stress d'origine parasitaire ou consécutif à une blessure ou à un excès d'engrais :
tous ces facteurs pouvant entraîner une lyse des parois cellulaires.


IX.3 - DISCUSSION -

Les résultats donnés ci-dessus appellent un certain nombre d'observations :

  1. - Comme dans toute analyse, la maîtrise du mode d'échantillonnage et de conservation des échantillons est essentielle pour assurer toute leur valeur aux conclusions tirées des résultats analytiques.
    Dans notre cas, tenant compte des méthodes que nous utilisons couramment, nous avons choisi les échantillons 22 et 23 car ils nous paraissaient les plus proches du phénomène dans le temps, et nous espérions mettre en évidence des différences marquées.
    En réalité, il est connu depuis longtemps qu'une conservation au froid à +4°c suivie d'une congélation à -30°c est insuffisante pour arrêter les activités enzymatiques et donc fixer le prélèvement.
    Nous suggérons, par conséquent, deux méthodes ( il en existe d'autres ) qui nous semblent présenter toutes les garanties de rigueur scientifique malgré les servitudes qu'elles représentent :

    • - Congélation immédiate du prélèvement dans l'azote liquide, transport dans ce milieu puis lyophilisation de l'échantillon ; on conserve ainsi les métabolites et les activités enzymatiques.

    • - Prélèvement d'un cube de terre comprenant les végétaux et expédition dans un emballage du modèle de ceux utilisés par les pépiniéristes.
      Cette méthode, qui comporte aussi le prélèvement témoin, présente l'avantage de maintenir la plante en vie et de permettre d'éventuelles études au niveau cellulaire.

  2. - L'analyse des résultats conduit à formuler beaucoup plus de questions que de réponse.
    Il faudrait, en particulier, définir les paramètres de l'environnement des plantes considérées ( durée de l'éclairement, nature du sol, fumures et traitements éventuels, maladies, etc...).
    Au vu des relevés de la station météo proche qui signalait la veille ( journée du 20 octobre ) une température relativement basse ( <0°c ) et des brumes ou brouillards légers, on peut supposer que certaines parties du massif d'amarante qui est adossé à une grille aient subi l'influence de ces conditions climatiques et que le dessèchement des feuilles soit ainsi expliqué.

  3. - Dans l'état actuel de conservation des prélèvements, il n'est pas possible d'utiliser la biochimie végétale d'aspect pour expliquer la différence d'aspect observée entre plantes témoin et "flétrie".


X - CONCLUSION -

Pour essayer de résumer les éléments essentiels de cette enquête, il faut tout d'abord noter que les conditions d'observation, telles qu'elles sont rapportées par le témoin, auraient été très bonnes :
en plein jour, durant plusieurs minutes, à proximité immédiate, avec examen sous plusieurs angles, latéralement et en hauteur, etc... La non-identification du phénomène par le témoin ne semble pas, dans ce cas, pouvoir résulter de confusions superficielles, de détails ; s'il a fait une méprise, elle ne peut qu'être énorme, fondamentale, absolue.

Parallèlement l'analyse du discours et du comportement de cette personne, telle qu'elle a été faite en VI, n'a rien révélé qui puisse être considéré comme symptomatique d'une propension particulière à une distorsion aussi profonde de la perception ou de la mémorisation. A ce stade, aucun indice raisonnable ne permet de rejeter le témoignage. En retour l'unicité du témoin interdit toute analyse de cohérence inter-témoignage, qui eût fourni un certain degré de confirmation. D'autres voies ont été explorées par exemple en essayant d'interpréter certains détails du témoignage ( une hypothèse peut-être intéressante a été fournie en VIII.4 ) ou en procédant à des analyses biochimiques sur l'environnement, mais ce dernier point n'a guère apporté de résultats tangibles en raison de conditions défavorables de prélèvement et de conservation : les plants avaient été déterrés peu après et les premiers prélèvements n'avaient pas été conservés à assez basse température : aucune conclusion n'a pu être tirée de ces analyses.

Une fois de plus deux niveaux de problèmes sont apparus d'une part les techniques de prélèvements et de conservation, d'autre part les possibilités d'interprétation claire et non ambiguë des résultats obtenus. Bien que le premier niveau conditionne le second, il ne le détermine pas entièrement. Même lorsque les prélèvements ont pu être faits dans des conditions adéquates, les interprétations restent délicates en raison du manque d'études systématiques visant à caractériser les déséquilibres physiologiques. Il suffit pour illustrer cette idée de rappeler l'enquête 81/01 ( Note Technique n° 16 ). Pour rendre une telle démarche productive, il faut aussi entreprendre un programme d'études de caractérisation des perturbations.

Bien sûr, ceci permettra d'abord de reconnaître des phénomènes classiques qui auront été préalablement simulés. Mais si on est confronté à un phénomène véritablement original ayant produit des perturbations non encore référencées ?

Le problème ne se posera alors plus vraiment au niveau de l'interprétation du cas particulier, mais plutôt à celui de l'analyse comparative des données répétées : dans le cas d'un phénomène nouveau, sa répétitivité sera une condition essentielle de la recherche, et sa fréquence devrait rythmer les progrès. Le moins que l'on puisse dire c'est que parmi les cas étudiés par le GEPAN et qui pourraient éventuellement rentrer dans cette catégorie ( enquêtes 81/02, 81/01, 82/06 dans les Notes Techniques 11, 16 et 17 ), les différences sont très grandes : forme, couleur, consistance apparente, bruit, etc..., presque tout diffère. Rien ne permet d'affirmer qu'il s'agisse de phénomènes analogues et encore moins d'un même phénomène qui se répète.


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